• CHAPITRE 959

    Et depuis, tu as pour ce type une indulgence que tu n’as pas pour les autres, conclut Mark.

    Mais je n’ai rien à lui reprocher, mon vieux ! s’exclama Derek. Outre que sa déclaration était sympathique et même émouvante, j’ai toujours trouvé que c’était un garçon charmant et correct. Et d’après ce que j’ai pu voir depuis que je suis ici, il n’a pas changé. Tu lui fais un faux procès, avoue-le.

    Ce n’est pas sa faute, Mark, renchérit Meredith. Ce qui s’est passé avec ton papa… Jackson n’y est pour rien.

    Tu ne peux pas comprendre, Mer, murmura Mark. Mon père… il avait plein de défauts et la vie n’était pas facile avec lui, mais il m’aimait. Même dans ses pires moments, il a essayé d’être là pour moi. Il a fait du mieux qu’il a pu. Quant à ma mère… Sa moue exprima son amertume. C’est une garce, j’en conviens, mais ça reste ma mère tout de même. Ce n’est pas facile de la détester. Alors….

    Alors, c’est plus facile de détester Jackson, c’est ça ? supposa Meredith, les yeux écarquillés d’indignation. Vous êtes terribles, tous les deux, dit-elle en se tournant vers Derek. C’est votre spécialité de faire payer les innocents !

    Derek soupira. Tu ne sais pas ce que c’est. Quand tu es enfant, un petit enfant, insista-t-il, et que tu te rends compte que ta mère ne t’aime pas… Il s’arrêta de parler et déglutit. Sa mère ! Sujet tabou s’il en était ! Il plongea ses yeux dans ceux de Meredith pour y trouver le courage de se remémorer tout ce qu’il avait refoulé depuis si longtemps. Un père qui ne t’aime pas, c’est très dur à vivre aussi, bien sûr, cependant tu peux t’en remettre. Mais ta mère… – il secoua la tête – c’est dévastateur. La jeune fille fut frappée par son intonation, tellement grave qu’elle en déformait presque sa voix. Tu te sens seul, terriblement seul. Abandonné. Et ça te fait peur, tellement peur. Parce que si même ta mère ne t’aime pas, qui t’aimera ? Il se tut un instant, retrouvant soudainement toutes ces sensations familières, venues du passé. Mais tu ne peux rien faire, tu ne peux même pas lui dire ce que tu ressens parce que tu sais qu’elle ne t’écoutera pas. Il eut un sourire triste. Elle s’en moque. Tu n’existes pas à ses yeux, ou si peu. Meredith sentit les larmes lui monter aux yeux. Comment une mère pouvait-elle faire cela à son enfant ? Le porter pendant neuf mois, le mettre au monde et ensuite, le rejeter sans jamais éprouver de remords ! Quoi que tu fasses, tu n’arriveras jamais à t’en faire aimer, poursuivit Derek. Que n’avait-il fait, lui, pour que sa mère lui donne un peu d’affection ? Jusqu’au dernier jour, il avait espéré un mot, un geste, une quelconque manifestation d’amour maternel mais elle était partie avec la haine au cœur, le détruisant un peu plus. Tu n’as pas d’autre choix que d’accepter. Mais en même temps, il y a cette colère qui grandit en toi, parce que tu sais que ce qu’on t’inflige est tellement injuste. Et cette colère que tu ne peux pas exprimer à ceux qui te font du mal, elle t’étouffe, elle te ronge. Et quand elle explose, oui, c'est vrai, ce sont les autres qui paient.

    La gorge serrée par l’émotion, Meredith fut incapable de dire quoi que ce soit. Grâce à Momsy, elle savait que, du fait de ses parents, l’enfance de Derek n’avait pas été rose. Mais ce qu’il venait de lui dire, la façon dont il l’avait fait lui permettait de mesurer pleinement dans quel désert affectif il avait grandi. Pas étonnant qu’il soit devenu si dur. Pendant qu’il parlait, ce n’était pas la voix du trentenaire qu’elle avait entendue mais celle du petit garçon en manque d’amour. Ce fut à cet enfant que fut destiné le baiser qu’elle déposa sur la joue de Derek. Et c’était parce qu’elle devinait l’effort que lui avait coûté cette confession qu’elle ne retira pas sa main quand il la lui prit.

    Moi, ma mère, elle ne me détestait pas, embraya Mark. Je lui étais seulement totalement indifférent. Sauf quand je faisais des conneries et je peux vous dire que j’en ai fait vraiment beaucoup, en étant gamin, parce que j’avais remarqué que c’était les seuls moments où elle remarquait mon existence. Il regarda ses amis avec des yeux pleins de malice. Plus la bêtise était importante, plus elle s’énervait et plus longtemps durait la séance d’engueulade. Alors, je n’y suis pas allé de main morte. Au moins, quand elle me grondait, elle s’intéressait à moi. Derek eut un petit rire et Meredith comprit qu’il avait vraisemblablement usé du même stratagème pour attirer l’attention de sa mère. Là, ça fait des années que je ne l’ai plus vue, lui apprit Mark avec détachement. Je ne sais même pas où elle vit exactement. De temps en temps, elle m’envoie une carte postale d’Afrique ou d’Asie, avec juste écrit "Bons baisers de… Maman" et c’est tout.

    Tu en as de la chance ! Ils se retournèrent tous les trois et découvrirent Jackson à la même place que Derek, quelques minutes plus tôt. Moi, elle m’ignore totalement, déplora le jeune homme. Dépité, Mark détourna la tête avec ostentation. Il n’avait pas la moindre envie de voir Jackson s’immiscer dans la conversation et de l’entendre gémir sur son sort.

    Mais c’était sans compter avec Meredith et Derek. Viens t’asseoir avec nous. Entre, mon vieux, s’écrièrent-ils quasiment en chœur. Ils se sourirent avant que Derek ne se lève pour aller jusqu’au bar. Un apéro, ça vous dit ? Meredith, un Martini ?

    Oui, s’il te plaît, répondit-elle tout en tentant d’intercepter le regard de Mark, dont l’attitude la révoltait.

    Les gars, un scotch, ça vous va ? proposa Derek. Les deux frères acquiescèrent.

    Meredith fit signe à Jackson de venir s’asseoir à côté d’elle. Alors, tu n’as jamais de nouvelles de ta mère ? lui demanda-t-elle, tout en défiant du regard Mark qui hochait la tête de droite à gauche, en soufflant de consternation.

    Ce n’est pas ma mère, Meredith. C’est la sienne, répliqua Jackson en désignant vaguement Mark de la main. Pour moi, c’est seulement ma génitrice. Il remercia d’un petit sourire Derek qui lui tendait son verre, après avoir servi Meredith. Je me suis souvent demandé pourquoi elle n’avait pas avorté. Ça aurait arrangé tout le monde que je ne sois pas là, ajouta-t-il avec un regard en coin vers son demi-frère.


  • Commentaires

    1
    Mdbailey
    Vendredi 21 Juin 2019 à 20:09
    Waouh Derek s'ouvre enfin. Et si Meredith et Derek pouvaient réconcilier Mark et Jackson ça serait bien .
    2
    Butterfly
    Vendredi 21 Juin 2019 à 23:08

    Ces 3 hommes n'ont vraiment pas eu de chance avec leur mère. Mais quel genre de femmes c'est ! 

    Cela a quand même un avantage, Derek commence à se confier sur son histoire personnelle et je pense que ça va permettre à Meredith de mieux le comprendre et de lui pardonner. Et je pense aussi que les choses vont s'arranger entre Mark et Jackson, ils ne seront sans doute jamais les meilleurs amis du monde mais s'ils peuvent au moins s'entendre un peu, ce sera déjà bien 

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