• CHAPITRE 950

    Ils s’assirent sur le banc, Meredith, toute droite, les yeux fixés sur la maison, Derek, de travers, la jambe légèrement repliée sur le banc, pour être totalement tourné vers son ex petite-amie. Tendu à l’extrême sous ses dehors décontractés, il attendit qu’elle ouvre le feu. Elle continua à regarder devant elle, tout en faisant rouler la tige de la tulipe entre ses doigts, commençant déjà à regretter d’avoir accepté ce tête-à-tête qui la mettait mal à l’aise. Je ne peux pas, murmura-t-elle soudain. Je sais ce que tu attends mais je ne peux pas. Derek eut l’impression que son cœur se brisait en mille morceaux. Si Meredith refusait de lui parler, d’évoquer ce qui les avait séparés, comment allaient-ils pouvoir se retrouver ? Je sais… je sais que tu veux discuter de nous, poursuivit-elle, la voix éraillée par l'émotion. Et on devrait le faire, c’est vrai, mais - elle tourna enfin la tête vers lui – quand je suis arrivée ici, j’ai passé les quatre premiers jours à pleurer. Plongé dans ses yeux, il se mit à trembler. Après, j’en ai parlé à Momsy et j’ai pleuré de nouveau, bien sûr. Ensuite, il y a eu tes messages - elle soupira profondément - et j’ai encore pleuré. La culpabilité que Derek ressentait lui fit baisser la tête. Et maintenant, la mort de Momsy… La voix de la jeune fille se brisa soudain. Derek releva les yeux et vit qu’elle luttait de toutes ses forces pour ne pas craquer. Il voulut lui prendre la main mais elle la retira aussitôt. Je n’ai presque pas arrêté de pleurer depuis que je suis ici, Derek, et si on se met à parler de ce qui s’est passé, je vais recommencer. Et franchement, j’en ai marre de pleurer. En plus, demain, il y a l’enterrement. Elle essuya rapidement une larme qui menaçait de couler. Alors, là, tu vois, je voudrais parler de quelque chose qui ne me fasse pas pleurer.

    On peut parler de ce que tu veux, dit fébrilement Derek, heureux qu’elle ne mette pas simplement fin à leur aparté. Il était prêt à tout, à disserter de la culture du riz en Chine même, dont il ne savait pourtant rien, pourvu que Meredith reste avec lui.

    Elle le remercia avec un léger sourire avant d’observer dans le plus grand silence, Jackson qui venait de sortir des écuries, en tirant Spitfire derrière lui, pour le mener dans son enclos. Après quelques minutes qui lui permirent de reprendre le contrôle d’elle-même, elle se tourna à nouveau vers Derek. Je peux quand même te poser une question ? l’interrogea-t-elle avec un peu d’embarras.

    Bien sûr !

    Je te préviens, tu vas sûrement trouver que je suis horriblement curieuse.

    Elle eut subitement un air mutin et espiègle qui fit sourire Derek. Maintenant, elle semblait presque détendue et il en fut soulagé. Il ne supportait plus cette tension qui existait entre eux et qui lui donnait parfois l’impression que Meredith avait peur d’être avec lui. J’adore les filles horriblement curieuses, prétendit-il. Alors, c’est quoi, cette fameuse question ?

    Eh bien… Elle s’arrêta quelques secondes avant de reprendre. Je sais que ça ne me regarde pas mais j’ai remarqué certains trucs depuis que je suis arrivée ici et ça m’intrigue. Je sens qu’il y a quelque chose mais je ne parviens pas à savoir ce que c’est. Derek sourit de la voir si volubile. J’ai demandé à Taylor mais elle ne sait pas non plus, lui confia-t-elle en fronçant les sourcils. Et pourtant, elle, elle est toujours au courant de tout. Une vraie fouine ! commenta-t-elle avec un petit rire. Alors voilà, je me lance, hein !

    Vas-y, l'encouragea Derek, à nouveau submergé par une vague de tendresse. En ce moment, elle lui faisait penser à une adolescente tout excitée de pouvoir colporter un ragot croustillant. Il aurait cloué au pilori n’importe quelle femme ayant le même comportement. Mais une fois qu’il s’agissait de Meredith, il avait toutes les indulgences. Elle aurait pu continuer sur le même mode futile jusqu’au lendemain, il l’aurait écoutée avec délectation.

    Qu’est-ce qui se passe entre Mark et Jackson ? lâcha-t-elle enfin en guettant la réaction de Derek avec anxiété. Comme il se contentait de la regarder avec étonnement, mais sans une once de désapprobation, elle se sentit libre de continuer. J’ai bien vu qu’ils s’évitaient tous les deux, et Jackson est très agressif à chaque fois qu’il parle de Mark. Ils se détestent, c’est évident, mais je ne comprends pas pourquoi. Je voulais le demander à Mark mais avec la mort de sa grand-mère… Alors – elle fit une petite grimace sensée exprimer sa désolation d’être aussi indiscrète – c’est à toi que je le demande. Tu es son meilleur ami. Je suis sûre que tu es au courant.

    Derek n’hésita qu’une seconde. Certes, ce n’était pas son habitude de divulguer les secrets des autres, et certainement pas ceux de Mark mais là, il avait l’occasion de prolonger ce moment avec Meredith, de rester tout près d'elle, de lui parler, de la regarder à loisir, de profiter de sa présence tout simplement. Contre cela, il le reconnaissait sans peine, l’argument de sa loyauté envers Mark ne pesait pas bien lourd. De plus, c’était la première fois depuis leur rupture que Meredith s’adressait volontairement à lui. Il ne pouvait pas la repousser. De toute façon, il aurait fait n’importe quoi pour rentrer dans ses bonnes grâces. Je ne pense pas qu’ils se détestent vraiment, commença-t-il. C’est juste que… Il s’arrêta de parler pour savourer le bonheur qu’il ressentait de voir la jeune fille, les joues roses et les yeux brillants, tout entière suspendue à ses lèvres. Bon sang, que c’était bon !

    C’est juste que quoi ? demanda-t-elle, frémissante d’impatience.

    Mais c’est vrai que tu es horriblement curieuse ! s’exclama Derek avec un petit rire. Elle lui tira la langue et il dut se faire violence pour ne pas lui sauter dessus pour l'embrasser. Jackson est le frère de Mark, enfin, son demi-frère, révéla-t-il enfin.

    Stupéfaite, Meredith lui agrippa la main, à la jointure du poignet et il dut résister à l’envie de nouer ses doigts aux siens. C’était, depuis qu’ils s’étaient revus, le premier contact physique voulu par elle et il était hors de question de la décourager de recommencer en se montrant trop entreprenant. Son frère, balbutia-t-elle. Mais… comment… qui… Allez, Derek, dis-moi, l’implora-t-elle.


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