• CHAPITRE 897

    Le soleil de Californie était si ardent ce matin-là que ses rayons traversaient les épaisses tentures bleues, inondant ainsi la chambre de lumière. Meredith se réveilla en ayant l’impression de baigner dans un halo de douce chaleur. Elle s’y complut un instant, les paupières mi-closes, enfouie sous la couverture, recroquevillée sur elle-même. Rester à l’abri encore un peu… Elle avait passé une très mauvaise nuit, tourmentée par le souvenir de l’effroyable révélation de la veille. Elle s’était réveillée plusieurs fois, en sueur, tremblante de colère, les joues ruisselantes de larmes, parce que des cauchemars lui faisaient revivre chaque seconde de cet après-midi qui avait anéanti toute son existence. Car voilà quel était le triste bilan de cette pitoyable histoire. Elle avait vingt-et-un ans et sa vie était gâchée, bousillée, terminée.

    Elle se leva, le cœur nauséeux et le corps endolori d’avoir été trop tendu, et se traîna jusqu’à la fenêtre dont elle écarta les tentures. Elle regarda sans vraiment les voir le terrain légèrement vallonné, une piscine en forme de guitare cachée derrière une haie de laurier-cerise, les bâtiments d’écurie sur la droite et le jardin d’agrément sur la gauche. Il y avait un peu plus loin, dans un enclos, quelques chevaux qui paissaient tranquillement. Meredith les observa, juste le temps de distinguer quelques mustangs et des quarter horse. Elle laissa retomber le lourd pan de tissu et revint jusqu’au lit. S’il n’y avait pas eu cet appel de Mark que lui avait promis Momsy, elle se serait recouchée immédiatement. Elle enfila sans entrain les vêtements qu’elle portait en arrivant, sans se soucier qu’ils soient chiffonnés, puis alla se coller contre la porte, cherchant à entendre ce qui se passait à l’extérieur. Elle ne savait pas combien de personnes exactement vivaient dans cette maison mais il était évident que Momsy ne pouvait pas s’occuper d’une aussi grande propriété sans aide. Or, Meredith n’avait aucune envie de faire des rencontres. Devoir se présenter, faire la conversation, sourire, jouer la comédie de la sérénité alors que tout son être souffrait, tout cela était au-dessus de ses forces pour le moment.

    N’entendant rien, elle sortit de la chambre et avança à pas de loup dans le couloir, prête à battre en retraite au moindre bruit. La maison lui parut encore bien plus grande que ce qui lui avait semblé en pleine nuit. Légèrement rassurée par le silence qui régnait, elle marcha avec un peu plus d’assurance jusqu’à arriver au grand salon. Elle en ouvrit la porte avec précaution, le plus silencieusement possible, pour ne pas attirer l’attention, et passa doucement la tête dans l’entrebâillement. Aah justement la voilà ! Le cri d’exclamation de Momsy fit sursauter la jeune fille qui n’osa pourtant pas reculer. Ce fut avec une évidente mauvaise grâce qu’elle poussa la porte, s’attendant à trouver son hôtesse en compagnie de personnes à qui il allait falloir faire des civilités. Elle fut soulagée en constatant qu’en fait la vieille dame était seule, mais en pleine conversation téléphonique. Je te la passe, claironna joyeusement Momsy. A bientôt, mon petit. Oui, moi aussi, je t’embrasse. C’est Mark, indiqua-t-elle à Meredith qui restait sur ses gardes.

    La jeune fille courut jusqu’à elle et lui arracha presque l’appareil des mains, tellement elle était impatiente de parler à son ami. Mark, c’est toi ? demanda-t-elle un peu sottement en remerciant Momsy d’un petit sourire.

    Hello, beauté, dit Mark sur un ton léger. Comment tu vas ?

    Je suis triste que tu ne sois pas là, se lamenta Meredith tout en suivant du regard la vieille dame qui sortait de la pièce.

    Oui, je sais, ça m’a ennuyé de te laisser là-bas toute seule, mais j’ai des interventions que je ne pouvais pas reporter, se justifia Mark. Il fit signe à Derek, qui venait de le rejoindre, de ne pas faire de bruit.

    Meredith se lova dans le fauteuil, le visage empreint de contrariété. Tu aurais pu me prévenir au moins.

    Quand je suis parti, tu dormais à poings fermés. Je n’ai pas voulu te réveiller. Alors, dis-moi, comment tu vas ? insista Mark en repoussant Derek qui voulait mettre le téléphone sur haut-parleur. Il fusilla son ami du regard pour le sommer de rester tranquille. 

    Pfft ! Comment tu veux que j’aille ? bougonna Meredith. Comme la cocue de service.

    Mer… Mark fit une grimace à Derek pour lui faire comprendre que l’humeur de sa dulcinée n’avait pas changé depuis la veille.

    Tu l’as vu ? demanda-t-elle avec une intonation pleine de nervosité. Elle ne lui laissa même pas le temps de répondre. Tu ne lui as rien dit au moins ?

    Mark ne put faire autrement que mentir. Non, je ne lui ai rien dit. Mais tu sais, il est inquiet. Il ne put ignorer les signes énergiques que lui faisait Derek. Vraiment très inquiet ! rectifia-t-il. Hier soir, il était même carrément en panique.

    Bien fait ! rétorqua Meredith sur un ton légèrement triomphant. Que Derek soit inquiet était la moindre des choses. C’était même très insuffisant. Il lui avait fait du mal. Alors, elle voulait qu’il soit malheureux comme les pierres, qu’il souffre tout comme elle souffrait.

    Sans rire, Mer… – Mark se tut quelques secondes, intrigué parce que Derek commençait à écrire sur un bloc-note – il a passé sa soirée à appeler les hôpitaux, reprit-il. Et il était moins une qu’il ne prévienne la police.

    Meredith ricana. Les hôpitaux ? La police ? Et pourquoi pas l’armée ? Enervée, elle commença à donner de petits coups de pieds dans le fauteuil voisin du sien. Qu’est-ce qu’il a cru ? Que j’allais me suicider ? Scandalisée, elle secoua la tête avec un rictus moqueur sur les lèvres. Non mais faut qu’il arrête, là ! Il ne vaut pas la peine que je meure pour lui, conclut-elle avec fureur.

    Mark tenta de ramener la jeune fille à de meilleurs sentiments. Mets-toi à sa place aussi. Il jeta un coup d’œil au bloc-note que lui tendait son ami avant de relever sur ce dernier des yeux pleins d’indignation, en hochant énergiquement la tête de gauche à droite. Mais le regard implorant que lui lança Derek en retour ne lui laissa pas le choix. Il t’aime, Mer, dit-il sans aucun enthousiasme. Jouer les intermédiaires, soit, ce n’était pas trop dérangeant. Mais répéter les mots d’amour d’un autre homme à celle qu’il aimait sans espoir, c’était vraiment trop cruel. Cependant, l’air malheureux de son ami, plus le léger coup de poing qu’il venait de recevoir sur le bras, le convainquit de changer de ton. Il t’aime vraiment, comme un dingue, dit-il avec un peu plus de conviction. Et il s’en veut terriblement. S’il pouvait revenir en arrière…


  • Commentaires

    1
    Mdbailey
    Mercredi 27 Mars 2019 à 21:28
    Pas sûr que de faire passer Mark comme messager ça fonctionne elle va se douter et ils auront perdus tous les deux.
    2
    Camille
    Mercredi 27 Mars 2019 à 21:39

    Ce pauvre Mark ! clown Quel rôle Derek lui fait jouer ! Ce n'est vraiment pas l'idéal pour défendre sa cause mais vu l'attitude de Meredith, il n'a pas trop le choix. Mais il vaudrait peut-être mieux lui laisser le temps de se calmer pour pouvoir renouer le dialogue avec elle directement 

    3
    Butterfly
    Mercredi 27 Mars 2019 à 22:30

    Oui Camille, pauvre Mark he

    Je me demande combien de temps il va accepter de jouer les émissaires. C'est vraiment un bon ami 

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