• CHAPITRE 894

    En passant devant son immeuble, juste avant de tourner pour accéder au garage souterrain, Mark aperçut à sa gauche une Porsche noire qui lui était plus que familière. En soupirant, il fit marche arrière et gara son véhicule dans le premier emplacement libre. La confrontation allait donc avoir lieu maintenant. Il se doutait qu’elle ne tarderait pas. D’ailleurs, il s’y était préparé pendant le voyage du retour, se construisant une ligne de défense, dressant à voix haute la liste de ses arguments, les développant au fur et à mesure qu’il les répétait, en trouvant d’autres toujours plus forts que les précédents. Dans cette simulation, contrairement à ce qu’avait annoncé sa grand-mère, il réussissait à tenir tête à Derek et ne lui dévoilait pas où Meredith s’était réfugiée. Il espérait avoir autant de force de caractère dans la réalité.

    Il sauta en bas de son Hummer et marcha vers la Porsche, vérifiant au passage que son conducteur ne s’y trouvait pas. Il regarda un peu plus loin devant lui et aperçut la silhouette de son ami, assise sur les marches de l’entrée, la tête entre les mains. Alerté par le bruit des pas, Derek se redressa avant de se mettre debout. Mark eut un choc en arrivant près de lui, comme s’il était revenu douze ans en arrière, lorsqu’il avait ouvert la porte de sa chambre d’étudiant et qu’il s’était trouvé face à son meilleur ami venu lui annoncer la plus terrible des nouvelles. C’était le même garçon perdu et ravagé qui se trouvait aujourd’hui devant lui.

    Elle m’a quitté, murmura Derek avec du désespoir dans la voix. Elle est partie.

    Même s’il lui en voulait pour la légèreté avec laquelle il s’était comporté envers Meredith, Mark était incapable de rester insensible à la détresse de son ami. Trop de choses les liaient pour qu’il refuse de lui tendre la main. Allez, viens, dit-il en soupirant. Derek le suivit sans dire un mot. Y a longtemps que tu m’attends ? s’enquit Mark en le regardant à la dérobée.

    Derek ne répondit pas, se contentant de hausser les épaules. Ce n’est que dans l’ascenseur que, adossé à la paroi, le regard fixé sur ses chaussures, il se remit à parler, d’une voix sourde, presque inaudible, au point que son camarade dut se pencher vers lui pour tenter de le comprendre. Je ne sais pas où elle est. Elle ne répond à aucun de mes appels. Je l’ai cherchée partout, à la boutique, chez elle, à la maison du parc. J’ai fait le tour de tous les endroits où je pensais qu’elle pourrait être, là où on a été ensemble. A partir du moment où Gloria l’avait éconduit, il avait passé son temps dans la voiture, faisant le tour de la ville, sillonnant les rues, s’arrêtant dans les quelques hôtels où il avait emmené Meredith, dans l’espoir que quelqu’un pourrait peut-être enfin le renseigner. Mais ses attentes avaient sans cesse été déçues. Après ça, je me suis dit qu’elle avait peut-être pensé repartir à Crestwood, alors j’ai été au terminal des bus mais là, non plus, personne ne l’avait vue. En même temps… Il leva imperceptiblement les épaules. Vu le nombre de personnes qui, quotidiennement, arrivaient à San Francisco et en repartaient, que quelqu’un se souvienne avoir vu la jeune fille aurait été un miracle.

    Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent et les deux hommes sortirent de la cabine. Derek continua de monologuer tandis que Mark ouvrait la porte de son loft. J’ai voulu appeler sa mère mais il n’y a aucun Grey dans l’annuaire de Crestwood, et je ne connais pas son nom de jeune fille. Il avança dans le grand salon où Mark venait d’allumer les lumières mais il resta planté au milieu de la pièce, totalement désorienté. Je suis retourné chez sa tante pour le lui demander mais on ne m’a pas ouvert et je n’ai pas osé insister. J’entendais la vieille hurler de l’autre côté de la porte. Alors, j’ai refait le tour. La boutique, la maison du parc, passer et repasser dans la Mason Street en espérant apercevoir enfin de la lumière à la fenêtre de la chambre de Meredith. Il hocha la tête de bas en haut pour répondre à Mark qui brandissait la bouteille de whisky avant d’avancer jusqu’à un fauteuil dans lequel il se laissa tomber lourdement. Il regarda distraitement son ami qui remplissait leurs verres. A part nous, elle ne connait personne ici. Elle s’est peut-être réfugiée dans un hôtel mais lequel ? Au fil des heures, l’inquiétude de Derek avait grandi et il avait commencé à imaginer le pire. Pour finir, j’ai téléphoné aux hôpitaux mais aucun n’a admis une personne qui corresponde à son signalement. Mal à l’aise, Mark évita le regard de son ami en lui tendant son whisky mais il ne put faire sans voir la main tremblante qui saisissait le verre. S’il cela n’avait pas été Derek, il aurait pu penser qu’il se trouvait devant un alcoolique en état de manque. Son malaise s’accentua. J’ai pensé prévenir la police, continua Derek, mais je ne l’ai pas fait. Il releva vers Mark un regard où se lisait la plus grande des craintes. Je crois que j’ai peur de ce que je pourrais apprendre.

    Tu dramatises, là. Elle ne va pas se suicider tout de même, grommela Mark en s’asseyant dans un fauteuil. Il avait promis le secret à Meredith mais voir son ami se torturer l’esprit et ne pouvoir rien dire pour le rassurer était un fardeau bien lourd à porter.

    Elle sait ce que j’ai fait, Mark, révéla alors Derek, la gorge serrée. Elle m’aimait et elle avait confiance en moi ! Il revit Meredith telle qu’elle était encore la veille quand, pour la première fois, elle lui avait avoué ses sentiments. Pourquoi n’avait-il pas trouvé le courage de faire comme elle ? Tu imagines son état ? Après ce qu’elle a vécu avec O’Malley, ce coup de pute que je lui fais… S’il lui est arrivé quelque chose… Les larmes lui montèrent soudain aux yeux. Il se détourna brutalement et tenta de se reprendre tout en contemplant l’alcool qui dansait dans son verre.

    Aussi rapide qu’il ait été pour tourner la tête, Mark avait vu qu’il pleurait. La pudeur était la pierre de voûte du caractère de Derek. Déjà d’une nature réservée, il avait été éduqué dans l’idée qu’il ne fallait jamais montrer ses sentiments, quelles que soient les circonstances, et les évènements de sa vie n’avaient fait que renforcer cette attitude. Qu’il se laisse ainsi aller à ce qui était pour lui la plus grande des faiblesses prouvait à quel point il était affecté par la disparition de Meredith. Mark ne s’y trompa pas. Il ne lui est rien arrivé, avoua-t-il tout de go. Derek redressa aussitôt la tête. Elle va bien, ajouta Mark. Enfin… elle ne va pas bien du tout mais elle n’a rien. Elle est à Santa Rosa, lâcha-t-il enfin sous la pression des yeux bleus qui le fixaient.


  • Commentaires

    1
    Mdbailey
    Vendredi 22 Mars 2019 à 20:08
    J'avais raison ils sont aussi malheureux l'un que l'autre...il sait ce qu'il a perdu.
    Sa tristesse a fait oublie la promesse de Mark a Meredith.
    Pioufff...
    2
    Butterfly
    Vendredi 22 Mars 2019 à 22:38

    La mamie de Mark avait dit qu'il ne tiendrait pas une heure, il n'a pas tenu 15 minutes en fait clown

    Mais je le comprends, voir son meilleur ami dans cet état, ça doit être dur. Je ne pensais pas voir Derek comme ça

      • Mdbailey
        Samedi 23 Mars 2019 à 14:20
        15 min tu es gentille
      • Butterfly
        Dimanche 24 Mars 2019 à 15:04

        oui tu as raison clown

      • Nolcéline 97234
        Mardi 15 Octobre 2019 à 12:15

        Bonjour à tous,

        C'est bien vrai mais comment pouvait-il résister? Maintenant si Derek pense pouvoir s'y rendre je compte sur Mark pour l'en dissuader parce qu'il n'en sortirait rien de bon. De plus Meredith se sentirait trahie par Mark. Bonne journée en ce mardi 15 octobre 2019.

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