• CHAPITRE 892

    Ce fut le froid qui réveilla Meredith. Instinctivement, elle se tourna, encore somnolente, vers l’autre côté du lit, à la recherche de la chaleur du corps de son amant. Comme elle ne le sentait pas, sa main tâtonna pour le trouver. Derek, l’appela-t-elle dans un murmure. Seul le silence lui répondit. Elle ouvrit les yeux et s’aperçut qu’elle était seule dans le lit. Tout lui revint alors en mémoire, comme une énorme gifle en pleine figure, et à nouveau cette douleur effroyable, cette sensation d’avoir tout perdu, de n’être plus rien, cette envie que tout s’arrête pour simplement ne plus avoir aussi mal. Elle s’assit et alluma la lampe de chevet. Sa montre lui indiqua qu’il était minuit et demi. Elle s’en étonna. Son dernier souvenir remontait à l’après-midi lorsqu’elle était dans la voiture de Mark. Et maintenant, elle se réveillait en pleine nuit dans une chambre qui lui était inconnue. Elle regarda autour d’elle. Des boiseries, des meubles anciens, du bleu pour les tissus et papiers peints, des estampes représentant des chevaux… Le tout donnait un certain cachet à la pièce. Frigorifiée malgré ses vêtements, Meredith courut à la fenêtre dont elle écarta les tentures pour voir à l’extérieur. Elle s’étonna de ne pas retrouver les lumières de la ville et se demanda où elle était. L’obscurité qui régnait dehors l’empêchait de repérer quelque chose de significatif. Mais finalement, peu importait l’endroit où elle se trouvait. Le principal était d’être loin de Derek. Elle eut un élan de reconnaissance envers Mark qui avait fait ce qu’elle lui demandait, sans poser de questions, sans craindre non plus de compromettre sa relation avec son meilleur ami.

    Elle repartit à l’autre bout de la pièce et alla coller son oreille contre la porte, pour tenter de distinguer un bruit quelconque. Où était-elle ? Pas chez Mark, en tout cas. Elle avait la certitude de ne plus être en ville et, de toute façon, il ne l’aurait pas conduite à son appartement qui serait, à coup sûr, un des premiers endroits où Derek ne manquerait pas de venir la chercher. Une autre des maisons familiales ? Un hôtel à la campagne ? La curiosité de la jeune fille fut plus forte que son appréhension et elle ouvrit doucement la porte de la chambre, juste assez pour glisser sa tête dans l’entrebâillement. La maison était plongée dans le silence et la pénombre. Meredith s’enhardit à sortir et se retrouva dans un couloir à peine éclairé par la lune qui y entrait par une petite fenêtre. Il y avait une série de portes, toutes closes, et la jeune fille se demanda à laquelle frapper pour trouver Mark. Elle avança sur la pointe des pieds, regardant tout autour d’elle, comme si elle s’attendait à trouver un indice quelconque de la présence de son ami. Mark, chuchota-t-elle si bas que même une personne qui se serait trouvée tout à côté d’elle ne l’aurait pas entendue. Elle n’obtint évidemment pas le signe qu’elle attendait. Épuisée, apeurée, fragilisée par ce qu’elle avait vécu plus tôt dans la journée, elle se mit à pleurer. Où es-tu, Mark ? chouina-t-elle. J’ai besoin de toi. Elle arriva enfin au bout du couloir et déboucha dans un grand hall. Apercevoir un rai de lumière sous une porte la soulagea fortement. Elle n’était donc pas seule dans cette maison qui lui semblait immense. Elle essuya du revers de sa manche les larmes qui inondaient son visage et, reniflant comme une petite fille, courut vers cette porte derrière laquelle elle espérait retrouver son complice. Elle s’arrêta pourtant, la main déjà sur la clenche, hésitant à pénétrer dans l’inconnu. Elle se décida enfin et passa légèrement la tête par l’entrebâillement. Mark, dit-elle à voix basse, à nouveau au bord des larmes.

    Viens, ma fille, lui répondit une voix qu’elle devina usée par les années. Entre, n’aie pas peur. Meredith poussa la porte et découvrit une vieille dame aux cheveux gris et au sourire bienveillant, le nez chaussé de lunettes, qui guettait son entrée par-dessus son journal. Entre, petite, insista Momsy en accompagnant son invitation d’un geste de la main.

    Meredith fit deux pas à l’intérieur. Je… je ch… cherche… Mark… Mark Sloan, bredouilla-t-elle, luttant de toutes ses forces pour ne pas pleurer devant cette inconnue. Elle ne comprenait pas comment elle avait pu passer, en quelques heures seulement, de la femme folle de rage, qui avait pris la décision de tout plaquer pour échapper à son amant, à la petite fille craintive qui fondait en larmes pour un rien. Elle ne se reconnaissait pas dans cette pleurnicheuse mais, même si elle se détestait dans cet état, elle ne parvenait pas à se maîtriser.

    Mark est reparti à San Francisco. Momsy n’eut pas le temps d’en dire plus. Meredith se cacha la tête dans les mains et éclata en sanglots. Derek l’avait trahie et voilà maintenant que Mark l’abandonnait dans cet endroit perdu où elle ne connaissait personne, sans même prendre la peine de lui expliquer, de lui dire au revoir. Elle se sentit seule, inutile, avec un sentiment de vide comme elle n’en avait jamais éprouvé. L’amour, l’amitié, elle avait tout perdu. A qui, à quoi allait-elle pouvoir se raccrocher ? Elle sentit soudain qu’on la prenait par les épaules. C’est tout, c’est tout, ce n’est rien, lui assura la voix douce et apaisante de la vieille dame. Calme-toi, petite. Tu n’es pas toute seule, je suis là. Meredith se laissa docilement emmener vers le canapé dans lequel elle se laissa tomber, toujours en sanglotant. Momsy s’assit à côté d’elle et lui prit la main. Mark a plusieurs interventions prévues. C’est pour ça qu’il est rentré, expliqua-t-elle. Il aurait aimé te voir avant de partir, seulement tu dormais. Alors, il n’a pas voulu te déranger. Mais il m’a demandé de te dire qu’il t’appellerait dans la matinée.

    Meredith la regarda, les yeux éperdus de désespoir. Il va m’appeler ? Mais… j’ai… j’ai éteint mon téléphone et… Elle s’arrêta de parler, ne sachant comment s’exprimer sans paraître tout à fait idiote. Comment dire à cette dame qu’elle ne pouvait pas, qu’elle ne voulait pas rallumer son téléphone ? Elle savait qu’elle y trouverait des messages de Derek, qui lui diraient soit qu’elle avait raison, qu’elle ne lui suffisait pas, qu’il ne voulait plus d’elle, soit qu’il l’aimait et qu’elle devait lui laisser une chance. Que ce soit l’une ou l’autre version, elle ne voulait pas l’écouter, elle n’en aurait pas la force. Elle avait l’impression que si elle entendait le son de la voix de Derek, elle allait se mettre à hurler sans plus jamais pouvoir s’arrêter. Il ne va pas pouvoir me joindre, se contenta-t-elle de dire, le cœur serré par la tristesse.

    Oh je crois que si, répondit Momsy en souriant. Il connaît par cœur le numéro de la maison.

    Meredith poussa un soupir de soulagement. Tant mieux. Mark était la seule personne en qui elle avait encore confiance. Savoir qu’il restait son ami, qu’il continuait à la soutenir était, en cet instant, ce qui lui importait le plus.


  • Commentaires

    1
    Nolcéline 97234
    Vendredi 11 Octobre 2019 à 15:53

    Bonsoir à tous,  Pauvre Meredith ça fait de la peine de la voir comme ça mais heureusement Momsy est là et Mark aussi. Bon week-end à tous.

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