• CHAPITRE 890

    Je ne l’ai pas compris à ce moment-là, et Derek non plus d’ailleurs, poursuivit le chirurgien. Pour nous, ce n’était qu’un jeu. Mais c’est ce soir-là qu’il est tombé amoureux d’elle. Enfin, je crois. Il posa sur sa grand-mère un regard qui était devenu malheureux. Si tu les voyais, Momsy ! Quand ils sont ensemble, ils… ils rayonnent. Derek, tu ne le reconnaitrais pas. Il est possessif, il est jaloux, il est tendre, et elle… La souffrance fut telle que l’air lui manqua. Elle vit pour lui et par lui. Il est son dieu. Que puis-je faire contre ça ?

    La vieille dame le regarda avec commisération. Comme il devait souffrir ! Son meilleur ami aimait la femme de ses rêves et il s’infligeait quotidiennement le spectacle de leur bonheur. Rien, répondit-elle avec un sourire plein d’affection. Ces deux-là se sont trouvés. Tu ne peux rien y faire, mon petit, que l’accepter.  

    Je sais, murmura Mark. C’est juste que… c’est si dur parfois.

    Oui mais tu ne te facilites pas la tâche non plus, lui fit remarquer Momsy. Je te connais par cœur, mon garçon. Tu es sûrement toujours collé aux basques de Derek, tu l’écoutes te raconter sa vie avec Meredith dans les moindres détails, tu pars en vacances avec eux. Le chirurgien haussa les épaules. Ce n’est pas comme ça que tu vas l’oublier, Mark, conclut sa grand-mère.

    Et si je ne voulais pas l’oublier, moi ? Parfois il se disait qu’aimer Meredith, même à distance, même en secret, lui suffisait. Un peu de Meredith, c’était toujours mieux que pas du tout. Puisqu’elle ne pouvait lui donner que des miettes d’elle-même, il s’en contenterait.

    Agacée, Momsy fit claquer sa langue contre son palais. Foutaises ! Tu dois l’oublier, nom de dieu ! Tu ne vas pas passer le reste de ta vie à leur tenir la chandelle tout de même ! Elle le foudroya du regard. Ah tu m’as énervée, là ! Sers-moi un whisky. Tu te rendras utile au moins.

    Il la dévisagea d’un air critique. Un whisky ? Je ne pense pas que ça soit indiqué pour ton cœur.

    T’occupe pas de mon cœur, répliqua Momsy. Il est foutu de toute façon. C’est pas un verre qui va le tuer. Toi, en revanche… Le regard indigné de Mark lui fit faire marche arrière. T’entends ce que tu me fais dire ? grommela-t-elle. Allez, cesse de faire des manières et sers-nous un verre. On en a bien besoin. Elle le suivit du regard tandis qu’il se dirigeait vers le bar. Ce que j’en dis, c’est pour toi, mon garçon. Tu as ta propre vie à construire. Puisque ce n’est pas avec Meredith, ce sera avec une autre. Tu ne dois pas désespérer.

    Mais je ne désespère pas, affirma Mark d’une voix forte. Pourquoi construire ma vie ? J’en ai déjà une ! s’emporta-t-il. J’étais très bien, moi, avant qu’elle ne débarque de sa province. Rencontrer une femme, se marier, une maison, des enfants, des animaux, tondre le jardin, faire des barbecues, partir en vacances deux fois par an, en un mot avoir la vie rangée de Monsieur Tout-le-Monde, ça ne l’avait jamais tenté, que du contraire. Depuis tout jeune, lorsqu’il pensait à son avenir, il s’était toujours vu célibataire et heureux de l’être. Un homme libre et sans contraintes, voilà ce qu’il avait toujours ambitionné d’être. Il revint vers sa grand-mère et lui tendit un verre, avant de se rasseoir face à elle, la mine sombre.

    Se réveiller tous les matins à côté d’une femme différente, ce n’est pas ce que j’appelle avoir une vie ! ironisa-t-elle. Elle porta le verre à ses lèvres et avala une toute petite gorgée d’alcool qui vint lui brûler la gorge.

    Mais c’est la mienne ! s’entêta Mark. Et elle me convenait tout à fait. Avant elle. Il vida à moitié son verre.

    Mon garçon, cette fille n’est pas pour toi, martela Momsy. Et si tu veux mon avis, je trouve que venir ici avec elle, ce n’est pas du tout une bonne idée, vu les circonstances.

    Mark but une autre gorgée. Vu les circonstances, c’est la seule idée que j’ai eue en l’occurrence. Il vit que son aïeule était choquée. Rassure-toi, Momsy. Je ne suis pas venu chez toi pour faire un coup foireux.

    Pourtant, elle continua à le scruter avec méfiance. Dis-moi ce que tu as en tête, que je juge par moi-même.

    Mais rien, protesta-t-il. Meredith vient de quitter Derek. Elle m’a demandé de l’amener dans un endroit où il ne penserait pas à la chercher. C’est pour ça qu’on est ici.

    Le front de la vieille dame se plissa instantanément d’une série de plis profonds. Tu n’espères pas retirer les marrons du feu, au moins ?

    Je n’espère rien du tout. Elle l’a quitté mais elle l’aime encore, je le sais très bien, dit Mark sans parvenir à dissimuler son regret qu’il en soit ainsi. Quant à lui, c’est un sale con mais il l’aime aussi et c’est mon ami. Alors… Il s’affala dans le fauteuil, découragé par le manque de perspectives qui s’offraient à lui. Quoi qu’il se passe entre ces deux-là, il se retrouvait toujours au milieu, complètement coincé.

    Et pourquoi elle le quitte si elle l’aime tant que ça ? questionna Momsy, on ne peut plus perplexe. De son temps, quand on s’aimait, on se mariait, on faisait des enfants, et on restait ensemble jusqu’à la fin sans se poser plus de questions. Mais les choses semblaient être différentes pour la jeune génération.


  • Commentaires

    1
    Nolcéline 97234
    Vendredi 11 Octobre 2019 à 12:57

    Bonjour à tous,

    Oui c'est différent maintenant mais elle ne sait pas tout et je ne sais pas si son petit-fils doit en parler à mon avis non . Reste à voir ce qu'il lui répondra. Bonne fin de matinée à tous.

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