Evidemment que je suis ton ami ! Mais je suis aussi celui de Derek. Mark soupira comme s’il trouvait que ce rôle était soudain devenu trop lourd à assumer. Je le connais depuis que je suis né, Meredith. Il est comme un frère pour moi. Alors même si je n’approuvais pas du tout ce qu’il faisait… – il poussa un autre soupir – je ne pouvais pas le trahir, pas plus que je ne te trahirai en lui disant où tu es. Il quitta un instant la route des yeux pour regarder sa voisine. La voir ainsi, petite chose toute tremblante, ramassée sur elle-même, lui serra le cœur. Et puis, quand je vois dans quel état ça te met…. J’ai tout fait pour qu’il comprenne qu’il faisait une connerie. Je l’ai même menacé. Mais t’en parler, moi ? Il secoua la tête. Non, je ne pouvais pas. Ne m’en veux pas mais je ne pouvais pas être celui qui te ferait du mal, Mer. Il lui prit la main et la serra fortement.

Pour la première fois depuis qu’elle s’était enfuie de la clinique, la jeune fille craqua. Je l’aimais, Mark, je l’aimais tellement, si tu savais, sanglota-t-elle. Le chirurgien avait presque oublié à quel point cela faisait mal de l’entendre dire combien elle aimait un autre. Et il était bien placé pour savoir qu’en parler au passé n’était qu’une figure de style. Il était toujours amoureux de Meredith même en sachant qu’elle aimait Derek, tout comme savoir qu’elle avait été trompée n’empêchait pas la jeune fille de toujours aimer son amant. Il soupira encore une fois. Ah que ces choses-là étaient difficiles ! J’aurais fait n’importe quoi pour lui, poursuivit Meredith sans se douter de la torture à laquelle elle soumettait son compagnon de voyage. Et lui… lui… S’il n’était pas bien avec moi, il n’avait qu’à me le dire et me quitter.

Tu veux rire ! s’exclama Mark. Lui pas bien avec toi ? Enfin, Meredith ! Il était super bien avec toi. Je ne l’avais encore jamais vu comme ça avec une nana.

Peut-être qu’il n’était pas tout à fait satisfait. Meredith pensa soudain à la fellation. Elle s’y était toujours refusée jusqu’au jour d’avant. Sans doute était-ce ça que Derek était allé chercher ailleurs. Il y a des choses que je ne voulais pas faire, ou peut-être que je ne savais pas m’y prendre. Néanmoins, si elle était persuadée d’avoir trouvé l’explication au comportement de son amant, elle ne l’en excusait pas pour autant. Elle savait que certaines personnes faisaient une différence entre la fidélité du cœur et celle du corps. Elle n’était pas de celles-là. Pour elle, ce n’était que du baratin destiné à justifier les fautes. Il n’y avait qu’une seule manière d’aimer et cela impliquait une fidélité totale et inconditionnelle. Si Derek l’avait vraiment aimée, comme elle l’aimait, il n’aurait pas pu, un seul instant, ne fût-ce qu’envisager de coucher avec une autre. S’il l’avait fait, c’est donc que leur relation ne le satisfaisait pas totalement.

Mark lui sourit affectueusement. Arrête avec ça. Ce qu’il a fait, ce truc avec cette gonzesse, ça n’a rien à voir avec toi.

Il baise ailleurs et ça n’a rien à voir avec moi ? cria Meredith à travers ses pleurs.

Non, en tout cas, pas comme tu le penses. Tu sais, il a vécu des trucs dans sa vie. Des trucs vraiment très durs. Mark se tut un instant. Jamais encore il n’avait dérogé à la promesse qu’il avait faite à Derek de ne pas divulguer les secrets de sa vie. Et même s’il savait que le faire aiderait peut-être Meredith à se sentir mieux, il n’était pas très à l’aise avec ça. Des trucs terribles qui l’ont changé, reprit-il, toujours hésitant. Il s’est fabriqué comme des mécanismes de défense, si tu veux.

Et parce qu’il a souffert, il doit faire souffrir les autres ? se révolta Meredith en séchant ses larmes. Parce qu’il a eu affaire avec des salopes, il doit me traiter comme si j’en étais une ?

Tu exagères, Mer. Il ne t’a jamais traitée comme ça, plaida Mark.

Le regard de la jeune fille se fit plus dur. Ah elle est belle, la solidarité masculine ! Il m’a trompée, Mark. hurla-t-elle. Il m’a traitée comme si j’étais une moins que rien. Il a couché avec d’autres femmes pour se sentir mieux. C’est lui qui me l’a dit, précisa-t-elle devant le regard interloqué de son ami. Pour se sentir mieux, il m’a fait du mal. Et tu voudrais que j’accepte ça ?

Mer, s’il y a une chose dont je suis absolument certain, c’est que jamais, au grand jamais, Derek n’a voulu te faire souffrir, affirma énergiquement Mark. Il t’aime. Elle ricana. Il t’aime, répéta-t-il avec plus de force. Seulement… il a peur. Elle le regarda férocement, pour le dissuader de se moquer d’elle. Oui, il a une trouille bleue, persévéra Mark. A cause de son passé. De toutes des choses qu’il a vécues. Son discours devint très hésitant. Que pouvait-il se permettre de dire ? Il a été trahi. Par des gens qu’il aimait. Et ça s’est retourné contre lui. Ça a été… Il a tout perdu, Mer, et il s’est mis dans la tête que…

Elle l’interrompit en dardant sur lui un regard hostile. C’est marrant. Jusqu’à présent, tu ne voulais pas parler en son nom et là, tu es prêt à tout me déballer.

Si tu crois que ça m’amuse ! gronda Mark, soudain énervé. Tu penses vraiment que ça me plait d’être là, le cul entre deux chaises ? J’en ai ras-le-bol de jouer les intermédiaires, moi ! Comme si j’avais pas autre chose à foutre ! Il souffla bruyamment. Tu as raison, ce n’est pas à moi de te raconter ce qui s’est passé dans la vie de ton mec. T’auras qu’à le lui demander.

Meredith secoua la tête. Non, ça ne m’intéresse plus. Je ne veux plus rien savoir. A nouveau, elle se tourna vers la vitre. Mark n’insista pas. Il savait que si, elle était avec lui, dans cette voiture, son esprit et son cœur étaient restés à San Francisco, auprès de cet homme dont elle ne parvenait pas encore à admettre qu’il l’ait ainsi trompée. Seul le temps lui permettrait peut-être de comprendre et, qui sait, de pardonner.