Derek était en train de consigner des notes dans un fichier informatique quand on frappa à la porte de son bureau. Entrez, dit-il d’une voix forte.

Sa secrétaire pénétra dans la pièce. Docteur – Derek releva la tête vers elle – il y a une personne qui demande que vous le receviez immédiatement. Je lui ai dit que vos consultations étaient terminées mais il insiste. Il dit qu’il est votre père, ajouta-t-elle après une brève hésitation.

Derek laissa échapper un soupir de contrariété. Faites-le entrer. Il rappela sa secrétaire qui s’apprêtait à sortir. Euh… Darlene, je sais que ce n’est pas votre style mais si pouviez éviter d’ébruiter…

Elle l’interrompit. Evidemment. C’est mon intention. Vous n’avez pas besoin de le demander. Après qu’il l’eut remerciée, elle ouvrit grand la porte. Le Dr Shepherd va vous recevoir, annonça-t-elle à celui qui attendait dans le couloir.

Christopher pénétra dans le bureau sans un mot ou un regard pour la secrétaire de son fils, ce qui énerva encore plus celui-ci. Qu’est-ce que vous venez faire ici ? demanda-t-il sèchement tout en recommençant à pianoter sur son clavier, pour témoigner à son père le même mépris que ce dernier venait d’afficher pour sa plus fidèle collaboratrice.

Christopher s’assit sans attendre d’y être invité. Tu devais me donner ta réponse à la fin du week-end. Nous sommes déjà lundi après-midi, alors…

Vous n’aviez pas besoin de vous déranger, aboya Derek. Il suffisait de me téléphoner.

Christopher choisit d’ignorer l’agressivité de son fils. Il est des choses dont il vaut mieux parler face-à-face, tu ne crois pas ?

Il y a bien longtemps que nous n’avons plus rien à nous dire, répliqua Derek. Et concernant ce qui vous amène… Il ferma le document qu’il avait fini de compléter avant d’enfin regarder son père dans les yeux. Je ne pratiquerai pas cette intervention.

Christopher accusa durement le coup. Donc, toi aussi, tu penses que cette tumeur est inopérable, supposa-t-il, le teint blême.

Non, répondit franchement Derek. Au contraire, je pense… – il se reprit immédiatement – non, je suis certain d'être capable de la retirer. Il réalisa qu’il éprouvait un plaisir sadique de ruiner les espoirs de son père et il s’en voulut. Hors de question de se laisser à nouveau entrainer dans les tréfonds de la noirceur et de la bassesse !

Alors, pourquoi refuses-tu de m'opérer ? Pour te venger ? s’enquit son père avant qu’il ait eu le temps de préciser ses intentions.

Je sais que vous avez toujours eu une très piètre opinion de moi mais vous oubliez que je suis médecin, rétorqua-t-il. J'ai fait le serment de sauver des vies et je ne le trahirai jamais, qu’il s’agisse de vous ou de qui que ce soit. Et certainement pas par vengeance. De toute façon, pour avoir envie de me venger, il faudrait que j’accorde encore de l'importance à ce que vous m'avez fait et ce n'est plus le cas, prétendit-il. Evidemment, son affirmation n’était pas l’exact reflet de la réalité. Certes, en douze ans, il avait fait du chemin sur la voie du détachement mais de là à oublier les trahisons de son père, il y avait de la marge.

Il y a donc une autre raison à ton refus, déduisit Christopher avec logique. Je suppose que cela a un rapport avec ta compagne. Une fois encore, il décida de faire fi du regard furibond que lui décochait son fils pour avoir osé évoquer la jeune fille. Tu sais, elle m’a rendu visite ce matin, lui révéla-t-il.

Derek sembla désarçonné. Meredith ?

Christopher sourit. Oui. Qui d’autre ? A moins que tu n’aies une autre relation…

Non, bien sûr que non, bougonna Derek, mécontent que Meredith ait outrepassé ses recommandations en se rendant seule chez son père. Qu’est-ce qu’elle est allée faire chez vous ?

Eh bien, pour commencer, me faire la morale, ironisa Christopher. Mais surtout, elle a essayé de me convaincre de te dire que je ne voulais plus que tu m’opères. Je crains que cette pauvre petite n’ait été déçue de constater que je n’avais aucune grandeur d’âme.

Oh je crois qu’elle n’est pas tombée de très haut, persifla Derek.

Christopher décroisa ses jambes pour les recroiser dans l’autre sens. Je suppose que non, vu le portrait très peu flatteur que tu as certainement dû lui faire de moi.

Je n’ai fait que lui dire la vérité, rétorqua Derek avec froideur.

A mon avis, tu as tout de même quelque peu noirci le portrait, objecta Christopher. Ta chérie n’a pas hésité à venir chez moi pour défendre ta cause mais son courage l’a quelque peu désertée quand je l’ai invitée à entrer. Il adressa un regard désapprobateur à Derek. Je suis très loin d’être un ange mais je n’ai jamais abusé d’une femme. Et je n’ai séduit que celles qui voulaient l’être, insista-t-il dans une allusion très peu subtile à la femme qui l’avait éloigné définitivement de son fils.

Il y a bien des façons autres que sexuelles d’abuser d’une femme, riposta ce dernier. Nerveux, il se leva pour regarder par la fenêtre. La présence de son père, dans son bureau, à deux mètres à peine de lui, leur conversation, tout lui était intolérable. Je ne comprends pas pourquoi elle a fait ça. Je lui ai pourtant dit que je ne voulais pas qu’elle ait le moindre contact avec vous.

Apparemment, elle n’est pas aussi docile que tu sembles le croire.

Je n’ai jamais cru qu’elle l’était. Bien qu’il répugne à parler de Meredith avec son père, Derek ne put maitriser sa curiosité. Qu’est-ce qu’elle vous a dit ?