• CHAPITRE 1197

    Christopher fit sa réapparition, une tasse à la main, et reprit la conversation là où elle en était restée. Pour en revenir à Carolyn, il est exact que notre relation était très intense. Beaucoup de gens diraient même qu’elle était toxique et je ne suis pas certain de pouvoir leur donner tort. J’étais très amoureux, j’étais possessif et pour tout dire, je voulais être son seul horizon. J’étais également très complexé par notre différence de statut social, j’avais le sentiment de ne pas pouvoir rivaliser avec toutes les personnes qu’elle fréquentait. Alors, je l’ai rabaissée, pour me sentir mieux. Quant à elle, elle était une jeune fille très privilégiée, qui avait été pourrie gâtée, à qui on avait épargné la moindre difficulté. Elle n’était pas du tout préparée pour affronter la réalité et cela a été un véritable choc pour elle quand elle s’est rendu compte que la vie, ce n’était pas le conte de fées dont on lui avait parlé. Elle a eu beaucoup de mal à faire face à cette réalité. Et puis, il y avait ses changements d’humeur, sa jalousie maladive, ses angoisses, ses crises de colère… Ce n’était pas un bon terreau pour un bon mariage, admit-il. Et pour ce qui est d’éloigner Derek de sa mère, je l’ai fait pour son bien avant tout. Il ignora l’air interloqué de Meredith. Etre responsable d’un enfant, l’élever, c’était trop lourd pour Carolyn. Elle voulait bien faire mais elle n’en était pas capable. Elle oscillait entre des phases où elle voulait s’occuper tout le temps de Derek, sans même le laisser dormir, et des phases où elle le négligeait complètement. Et il était en première ligne quand elle avait des crises. C’était très perturbant pour lui. Alors oui, je l’ai éloigné de sa mère. Mais ce n’était pas une très bonne idée. Parce que Carolyn l’a très mal vécu. Son regard se perdit dans le vague. Réaliser qu’elle n’arrivait pas à être la mère qu’elle voulait être, ça a été très dur pour elle. Alors, comme elle ne savait pas faire les choses à moitié, elle a décidé de ne plus être mère du tout. Il releva la tête vers Meredith. Je ne dirais pas qu’elle a rejeté Derek, elle est simplement devenue indifférente. Elle a agi de la même façon avec nos filles. Ce n’était pas de la cruauté de sa part, pas délibérée en tout cas ; c’était sa maladie. Elle ne pouvait faire les choses qu’intensément. Il soupira. A partir de là, son état a empiré. Elle a développé une sorte d’amour obsessionnel à mon égard et elle a fini par considérer nos enfants comme un obstacle entre nous. Surtout Derek, parce qu’il s’opposait à moi.

    Meredith tint à préciser un élément qui lui semblait important. Il s’opposait à vous à cause de ce que vous faisiez à sa mère. Christopher acquiesça d’un signe de la tête. Vous lui avez parlé de tout ce que vous venez de m’expliquer ?

    Non. Nous n’avons jamais vraiment discuté, lui et moi. Il haussa les épaules. De toute façon, je ne crois pas qu’il aurait voulu l’entendre. Il est comme son grand-père, il n’a jamais pu admettre qu’elle était malade et que cette maladie l’amenait à commettre des erreurs. Pour lui, je suis le seul responsable de tout et sa mère était une victime, ma victime. Si cela peut l’aider à se sentir mieux, cela ne me pose guère de problèmes. De toute façon, j’ai tellement de torts envers lui que je peux endosser même ceux que je n’ai pas. Il but une gorgée de thé avant de planter son regard perçant dans celui de la jeune fille. Il a raison, j’étais jaloux de lui. A sa naissance, j’ai eu le sentiment qu’il me volait l’amour de sa mère. Elle ne s’occupait et ne parlait que de lui, ça m’a rendu fou de jalousie. C’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à la tromper. Après ça… Sa main dessina des cercles dans l’air. C’est allé de mal en pis. L’état mental de Carolyn s’est aggravé et elle s’est raccrochée à son fils, parce qu’il était toujours là pour elle. Il tolérait tout quand il s’agissait d’elle. En grandissant, il est entré en conflit avec moi pour la défendre. Et elle en a joué. Elle lui reprochait son comportement envers moi mais quand nous nous disputions, elle courait vers lui pour qu’il prenne sa défense, ce qu’il faisait toujours. Ils avaient une relation très particulière, vous savez, ajouta-t-il, légèrement pensif. Je me sentais exclu, ce qui n’a rien arrangé. Mais nous avons atteint un paroxysme quand Derek a annoncé qu’il voulait devenir chirurgien. C’était une période difficile pour moi. D’un point de vue professionnel, j’étais en pleine ascension, j’étais sur le point d’atteindre tous mes objectifs et puis, tout à coup… Il tendit ses bras devant lui et Meredith vit alors ce qu’elle n’avait pas remarqué jusqu’alors : ses mains étaient agitées par un important tremblement. Embêtant quand vous êtes chirurgien, ironisa Christopher avant de reposer ses mains bien à plat sur ses cuisses. Cela a ruiné ma carrière. J’ai été contraint de me reconvertir dans l’enseignement, ce que j’ai détesté. Cela a fait de moi un homme aigri. J’en ai voulu au monde entier.

    Même à votre fils ?

    Encore plus à lui ! Vous ne comprenez pas, déduisit Christopher de l’expression choquée de Meredith.

    Evidemment que je ne comprends pas ! s’exclama cette dernière. Derek est votre fils, c’était votre rôle de l’aider, de le soutenir.

    Ce n’est pas aussi simple. J’étais un homme vieillissant et malade. J’avais dû renoncer à une profession qui me passionnait pour former ceux qui allaient faire ce dont je n’étais plus capable, se justifia Christopher. Et au même moment, mon fils commençait à prendre son envol. Tellement doué que tous mes collègues se faisaient un malin plaisir de me dire qu’il allait devenir un meilleur chirurgien que moi. Et je savais qu’ils avaient raison. Il faisait partie de mes élèves, je pouvais me rendre compte à quel point il était brillant. Bien plus brillant que je ne l’avais jamais été. Moi, j’avais trimé comme un fou quand j’étais à la faculté de médecine. Derek, lui, il passait son temps dans des soirées, à boire et à courir les filles, et pourtant, il réussissait ses examens haut-la-main. Comme si la médecine était innée pour lui, comme s’il sentait ce qu’il fallait faire. 

    Vous auriez dû être fier de lui, estima Meredith.

    Oh mais je l’étais, assura Christopher. Parfois. D’une certaine façon. Mais la jalousie est un poison insidieux qui vous dévore. Il obscurcit votre jugement et vous fait perdre tout sens commun. A l’époque, je ne voyais qu’une chose, mon fils me reléguait à l’arrière-plan et je ne l’ai pas supporté.

    C’est pour ça que vous lui avez volé sa petite amie ?


  • Commentaires

    1
    Valerie
    Jeudi 1er Octobre 2020 à 12:40

    Oui dites nous donc Christopher Sherpherd, ce qui a pu vous pousser à voler la petite amie de votre fils ?

    La jalousie, l'envie...pour moi, rien ne peut justifier cela, donc quelle que soit son explication, je vais avoir du mal à le comprendre.

     

    2
    Butterfly
    Jeudi 1er Octobre 2020 à 14:28

    Il faut reconnaitre une qualité au père de Derek : il est honnête et franc, comme son fils d'ailleurs. Peut-être que le fait d'être en fin de vie le pousse à dire la vérité mais je trouve que c'est à Derek qu'il devrait dire tout ça 

    3
    Emy
    Jeudi 1er Octobre 2020 à 19:21
    Mais quel fiction, incroyable cette écriture, à chaque fois que je commençais un nouvel article, j’avais des frissons, des papillons dans le ventre! Hâte de lire la suite et j’espère vraiment que ça va s’arranger entre Derek et Meredith
      • Jeudi 1er Octobre 2020 à 19:25

        Merci pour ces beaux compliments. Je suis heureuse que cette histoire te plaise autant cool

    4
    olympique lyonnais
    Samedi 3 Octobre 2020 à 23:56

    trop hate de lire la suite. surtout la réconciliation de Derek et Meredithhappy

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