Meredith secoua la tête. Non merci. Christopher prit place sur le canapé en face d’elle. Curieuse, elle ne put s’empêcher de jeter quelques coups d’œil autour d’elle. Ce n’était pas du tout le genre d’ameublement et de décoration qu’elle appréciait d’ordinaire, toutefois, elle devait reconnaitre que le tout était très raffiné, très élégant. Cela expliquait sans doute le goût de Derek pour les beaux endroits. Néanmoins, elle avait quelques difficultés à imaginer son petit ami dans ce genre d’intérieur. C’était sans doute dû au fait qu’il avait fait le choix de vivre sur une péniche à la décoration épurée.

Cela vous plait ? demanda Christopher sur un ton un peu moqueur.

Prise en flagrant délit d’indiscrétion, Meredith devint cramoisie. Vous avez une très belle maison. Mais j’étais en train de me dire que j’avais un peu de mal à imaginer que Derek avait vécu ici.

Et pourtant, c’est le cas. Christopher tourna vaguement la tête vers le fond de la pièce, à sa droite. Je lui ai appris à jouer aux échecs sur cette table là-bas. Apprendre que Derek et son père avaient partagé des activités, en dépit de leur relation conflictuelle, surprit un peu Meredith. Christopher pointa le doigt devant lui vers la gauche. Et il a joué sur ce piano.

Cette révélation stupéfia Meredith. Il joue du piano ?

De toute évidence, ce n’est plus le cas, puisque vous semblez ne pas être au courant, mais oui – Christopher hocha la tête de haut en bas – il en a joué, comme ses deux sœurs. Mon épouse était une excellente pianiste et elle voulait que nos enfants soient musiciens, comme elle. Malheureusement, aucun des trois n’a jamais atteint son niveau, ce qui par ailleurs était quasiment de l’ordre de l’impossible, je le reconnais bien volontiers. Meredith allait d’étonnement en étonnement. Voilà qu’il faisait l’éloge des talents artistiques de l’épouse qu’il n’avait cessé de tromper. Cela dit, Mademoiselle… Mademoiselle ?

Grey. Meredith Grey.

Eh bien, Mademoiselle Grey, pardonnez ma curiosité mais est-ce que Derek est au courant de votre présence ici ?

Meredith eut l’impression d’être prise en faute, ce qui la fit rougir encore une fois. Non mais je vais le lui dire. Je vais lui dire que je suis venue vous voir, bien sûr.

Et puis-je connaitre la raison de cette charmante visite ?

J’ai quelque chose à vous demander.

Quelque chose de l’ordre du renseignement ? Ou d’un service à rendre ?

Ni l’un, ni l’autre. Je voudrais… Meredith prit une profonde inspiration avant de continuer. Je voudrais que vous renonciez à vous faire opérer par votre fils.

Christopher haussa les sourcils. Oh ! Je vois. Il s’agit plutôt d’une requête, donc. Et pourquoi devrais-je y répondre favorablement ?

Bizarrement, Meredith, qui était habituellement peu sûre d’elle et timide, n’eut pas peur de dire ce qu’elle pensait. Elle était là pour sauver Derek, pour sauver son couple et cela lui donnait des ailes. De plus, l’air quelque peu hautain de Christopher et les moqueries dont elle avait fait les frais l’avaient suffisamment énervée pour qu’elle ose être totalement franche. Parce que vous lui avez suffisamment pourri la vie jusqu’ici ! Il a réussi à se reconstruire, il est heureux, nous sommes heureux. Je ne vous laisserai pas tout gâcher à nouveau.

Puis-je savoir ce que vous entendez par pourrir la vie ?

Eh bien, pour commencer, avoir obligé votre femme à ne pas s’occuper de lui et même, l’avoir montée contre lui. Il a grandi avec la certitude que ses parents le détestaient, c’est terrible. Meredith vit que Christopher Shepherd tiquait mais elle ne s’arrêta pas pour autant. Ensuite, il y a eu toutes ces aventures que vous n’avez même pas cherché à cacher. Et puis, les brimades, les mauvais traitements que vous lui avez infligés. Les freins que vous lui avez mis pour ses études. Elle le regarda droit dans les yeux. Abigail ! conclut-elle avec force.

Christopher resta silencieux quelques secondes et Meredith pensa qu’elle avait été trop loin et qu’il allait la mettre à la porte. C’est mon fils qui vous a raconté tout ça, je suppose, dit-il enfin. Elle opina de la tête. Meredith… Vous permettez que je vous appelle Meredith ? Elle acquiesça. Meredith, je ne déteste pas Derek, je ne l’ai jamais détesté, reprit-il. C’est mon fils, je l’aime, même si je n’ai jamais su le lui montrer. Et je ne lui ai jamais infligé de mauvais traitements. Je peux concevoir qu’il l’ait considéré de cette façon mais ce n’était pas le cas. Je ne l’ai jamais frappé sans raison. Cependant, je vous concède que je l’ai élevé à la dure, c’est indéniable, de la même façon dont j’avais été élevé. Plus durement même, peut-être, parce que quand il était petit, il était fort sensible. Alors, j’ai voulu l’endurcir, confessa-t-il. Maintenant, grâce à mes filles qui sont devenues mères, je vois qu’on peut élever correctement ses enfants autrement qu’en leur donnant des corrections quand ils font des bêtises. Mais à l’époque, je n’avais connu rien d’autre et j’ai cru bien faire. Plus tard, notre relation est devenue très conflictuelle et je ne peux pas nier que ça a parfois dépassé certaines limites mais j’ai reçu autant de coups que j’en ai donné, soyez-en sûre. Concernant sa mère… Son regard se perdit dans le vague pendant un long moment que Meredith n’osa interrompre. Soudain, il la regarda à nouveau. Qu’est-ce que Derek vous a dit à son sujet ?