Pour moi aussi, dit Lizzie sans véritable chaleur, ce qui amena Meredith à douter de sa sincérité. Je suis désolée de débarquer comme ça chez vous, aussi tard, sans m'être annoncée, mais je craignais que si je le faisais, mon frère refuse de m’ouvrir, alors j’ai préféré miser sur l’effet de surprise. Elle défia Derek du regard.

Jamais je ne refuserais de te voir, Liz, assura-t-il avec un ton plein de reproches.

Eh bien, alors, fais-la entrer, suggéra Meredith avec un sourire. Vous n’allez pas rester devant la porte.

Le couple s’écarta pour laisser le passage à Lizzie. Quand celle-ci se trouva au centre de la pièce principale, elle regarda autour d’elle avec un air étonné. Ainsi donc, c'est ici que tu vis. Rassure-moi, tu n’as pas de problèmes d’argent ?

Derek sourit pour la première fois depuis l’arrivée de sa sœur. Non, aucun problème. Habiter ici est un choix délibéré que je ne regrette pas du tout.

Lizzie prit place sur le canapé. Ça ne m’étonne pas. Tu as toujours été le bohème de la famille.

Vous voulez boire quelque chose ? s’enquit Meredith tout en rangeant le plat de courgettes au frigo.

Un verre d’eau, ce sera très bien. Merci.

Et Amy, comment va-t-elle ? se renseigna Derek qui n'arrivait pas à quitter Lizzie des yeux. Hormis la longueur des cheveux, la ressemblance avec leur mère était on ne peut plus frappante. Bouleversé, bien plus qu'il ne s'y attendait, il était partagé entre l'envie de passer un peu de temps avec sa sœur et qui sait, peut-être de renouer des liens avec elle, même s’il était certain que sa visite n'était pas désintéressée, et celle de lui demander de partir pour mettre fin à cette douleur qui lui étreignait le cœur et faisait se tordre son estomac.

Oh elle va très bien. Elle est enceinte de son troisième, lui révéla-t-elle. Une fille, cette fois.

Après lui avoir donné son verre d’eau, Meredith s’assit sur l’accoudoir du fauteuil dans lequel Derek venait de s’asseoir. Son troisième ! répéta-t-il avec un air pensif. J'ai du mal de l'imaginer en mère de famille.

Lizzie but une gorgée d’eau. Oh elle se débrouille plutôt bien. Tu le saurais si tu n’avais pas tourné le dos à ta famille depuis douze ans.

Touché par ce reproche qu'il jugeait immérité mais résolu à ne pas polémiquer, Derek se raidit. Pourquoi es-tu là, Liz ?

La jeune femme posa le verre sur la table de salon. Papa m'a annoncé ce matin qu'il avait une tumeur au cerveau et que les médecins qu'il avait consultés rechignaient à l'opérer, parce qu'il y avait trop de risques. Il ne nous avait encore rien dit et d'ailleurs, Amelia n'est toujours pas au courant, confia-t-elle à son frère. Il m'a annoncé aussi qu'il t'avait demandé de l'opérer. Tu imagines ma surprise. Alors, me voilà. 

Je ne vois pas ce que je pourrais te dire de plus.

Commence par me dire pourquoi, après avoir consulté des chirurgiens tous plus éminents les uns que les autres, il fait appel à toi, son fils, rétorqua Lizzie, toujours aussi impassible. Ce qui est contraire à toute déontologie, sans parler du fait que cela fait douze ans que vous ne vous êtes plus adressé la parole.

Derek resta imperturbable. C'est à lui que tu devrais poser tes questions.

Lizzie secoua la tête. Il ne me dira pas la vérité. Il veut nous protéger. L'air sceptique de son frère lui indiqua qu'il ne croyait pas leur père capable d'autant d'altruisme. Il a beaucoup changé, Derek. Ce n'est plus l’homme que tu as connu.

Agacé de constater qu’elle s’obstinait encore à défendre leur père envers et contre tout, Derek leva légèrement les yeux au ciel. Quoiqu'il en soit, je n'ai pas le droit de te parler de son état de santé. Tu sais très bien que je suis tenu par le secret professionnel.

Ce n’était pas ce genre d’argument qui allait dissuader Lizzie la têtue de mettre la pression sur son frère pour qu’il lui dise la vérité. Derek, je ne suis pas stupide, je sais faire deux plus deux. Et je connais très bien notre père. Je sais à quel point il est orgueilleux. Il ne ferait jamais appel à toi pour l’opérer s’il avait une autre solution. Donc, ça veut dire que les autres médecins pensent qu’il n’y a rien à faire, n'est-ce pas ? Derek soupira.

Même si elle mourait d’envie de continuer à suivre la conversation qui lui apprendrait certainement beaucoup de choses sur la famille Shepherd, Meredith décida de laisser Derek seul avec sa sœur en se disant que peut-être, c’était sa présence qui l’obligeait à se réfugier derrière le secret professionnel. Je vais vous laisser, dit-elle en se levant.

Derek lui prit la main pour la retenir. Pourquoi ? Tu peux rester, tu sais. Il n’y a pas de problème.

Lizzie renchérit. Si c’est à cause de moi que vous partez, il ne faut pas. Vous ne me dérangez pas. De toute façon, j'imagine que nos secrets de famille ne sont plus secrets pour vous.