• CHAPITRE 1025

    C’est le sourire aux lèvres que Derek pénétra dans la clinique. Sur la route, il avait réfléchi à la façon dont il pourrait réorganiser son planning de la journée afin de se ménager une longue pause à l’heure de midi, pendant laquelle il pourrait retrouver Meredith. Afin de convaincre celle-ci de lâcher sa mère pour quelques heures, il lui avait envoyé un texto lui faisant miroiter un pique-nique au bord de l’océan. Elle avait immédiatement accepté l’invitation. Il était donc en train de composer mentalement son menu, qu’il commanderait chez Bailey : saumon fumé et crevettes, poulet rôti et roastbeef, salades diverses et mousse au chocolat en dessert. Restait à espérer maintenant que rien ne viendrait compromettre ce projet, ni une urgence médicale, ni surtout la conversation entre mère et fille. A l’idée qu’en ce moment même, Meredith était en train de plaider leur cause, il se renfrogna. Malgré ce qu’elle lui avait dit, il restait pessimiste quant à l’issue de la discussion. Il avait le pressentiment qu’Anne Grey s’était déjà fait une opinion à son sujet – le débauché qui avait fait souffrir sa fille – et qu’elle ne se laisserait impressionner ni par sa promesse d’un changement d’attitude, ni par sa renommée, et encore moins par son statut social. La seule chose qui pouvait peut-être la faire fléchir était de réaliser à quel point sa fille était déterminée à donner une autre chance à son amoureux. Mais justement, Derek ne pouvait s’empêcher de se demander si Meredith l’aimait suffisamment pour imposer son point de vue à sa mère et, le cas échéant, passer outre son accord. Subitement inquiet, il reprit son téléphone et, tout en continuant de marcher, pianota rapidement un message sur les touches. Ça se passe bien avec ta mère ? Il n’avait pas fait trois pas que la sonnerie de son téléphone lui indiquait qu’il avait reçu une réponse. Elle n’est pas là. Elle est partie faire une course, lut-il, soulagé. Pourvu que Maman prenne son temps pour rentrer ! se dit-il. Chaque minute était une minute gagnée pour lui. Il prit l’ascenseur, pressé maintenant de retrouver son équipe, ses patients, sa salle d’opération, toutes ces choses qui pourraient le distraire un peu de ce qui était en train de se jouer dans un autre quartier de la ville. Il avait à peine posé le pied dans son service qu’il tomba nez à nez avec une infirmière.

    Ah Docteur ! s’écria celle-ci. Justement, je vous cherchais. Il y a une dame qui vous attend. Ça fait un moment, précisa-t-elle en trottinant aux côtés du chirurgien qui continuait à avancer d’un pas hâtif. Il n’y a rien dans votre agenda mais elle dit que vous avez rendez-vous.

    Je n’ai aucun rendez-vous ce matin, objecta Derek. Je pratique une craniotomie sur la petite Patterson.

    Je sais, Docteur. C’est ce que je lui ai dit, lui apprit l’infirmière, prête à subir les foudres de son ombrageux patron. Mais elle affirme que vous la connaissez et que vous l’attendez.

    Son nom ? s’enquit Derek.

    Madame Philips, répondit l’infirmière. C’est elle, là. Elle pointa son menton en direction de trois chaises qui étaient adossées au mur du couloir, et dont l’une d’elles était occupée par la dame en question.

    Derek sursauta en reconnaissant la mère de Meredith. Il n’eut pas le temps de s'interroger sur l'attitude à adopter. Anne tourna la tête vers lui et il lut dans ses yeux qu’elle n’était pas venue lui rendre une visite de courtoisie. Il avança vers elle en se demandant pour quelle raison elle avait ressenti le besoin de donner un nom d’emprunt. Madame Philips…

    Anne perçut de l’étonnement dans la voix de Derek. Philips est mon nom de jeune fille, se justifia-t-elle en négligeant la main qu’il lui tendait. C’était plus simple au cas où le nom de Grey vous aurait fait fuir.

    Derek fit signe à l’infirmière de s’en aller. Je n’ai aucune raison de vous fuir, Madame.

    Résolue à ne pas mettre de gants, Anne posa immédiatement la question qui la taraudait depuis la veille. Où est ma fille ?

    Je l’ai déposée chez votre belle-sœur avant de venir ici, dit Derek sans se départir de son calme, malgré le ton très agressif avec lequel elle s’adressait à lui. Il la vit pousser un soupir de soulagement. Elle va bien, ajouta-t-il pour finir de la rassurer. A aucun moment, elle n’a été en danger.

    Je n’en suis pas si sûre, riposta Anne en le fusillant du regard. Il comprit qu’elle faisait allusion à la relation qui l’unissait à Meredith. Alors, vous et elle…

    Nous sommes ensemble, oui. D’un signe de la main, il l’invita à l’accompagner jusqu’à son bureau. Si jamais la conversation dégénérait, autant que cela se fasse à l’abri des regards et des oreilles.

    Anne le suivit sans hésitation. Je ne comprends pas, avoua-t-elle. Elle ne m’a jamais parlé de vous, jamais. Depuis qu’elle avait été mise au courant de la nature des liens qui unissaient Meredith à cet homme, elle avait tenté de se rappeler toutes les conversations téléphoniques qu’elle avait eues avec sa fille, les textos et les mails qu’elle avait reçus d’elle, et elle était sûre que jamais, d’aucune façon que ce soit, Meredith n'avait fait allusion au chirurgien. Cela lui faisait mal de penser que son enfant n’avait pas eu suffisamment confiance en elle pour lui parler de cette première relation. Et même maintenant, elle continue de me cacher la vérité. Je ne comprends pas, répéta-t-elle, abattue.

    Je crois qu’elle a peur de votre jugement, avança Derek. Il ouvrit la porte de son bureau et s’écarta pour laisser entrer Anne.

    Mon jugement ? Celle-ci planta son regard dans celui de son interlocuteur. Vous n’êtes absolument pas le genre d’homme qui lui convient. Vous n’êtes pas bien pour elle. Depuis qu’elle vous connait, ma fille a changé. Elle ment. Elle dissimule. Elle renie ses valeurs. La Meredith qui a quitté Crestwood n’aurait jamais accepté qu’un homme la trompe. Elle se jeta dans le canapé, sans se douter une seule seconde que le meuble sur lequel elle était assise avait servi maintes fois de cadre aux fredaines de celui qui lui faisait face.


  • Commentaires

    1
    Butterfly
    Mardi 24 Septembre 2019 à 14:06

    Aie aie aie. La mère de Meredith qui s'en mêle. Je ne suis pas sûre que ce soit une très bonne idée. Meredith ne va pas apprécier quand elle va l'apprendre. Et j'espère que la maman ne va pas réussir à faire changer Derek d'avis ouch

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