• Jenna dévisagea Derek avec un air incrédule. C’est donc si terrible pour toi d’être amoureux ? Moi, je trouve ça merveilleux. ça me donne des ailes.

    Il redevint le cynique qu’il avait cessé d’être en ce moment d’abandon. Des ailes, hein ! Ouais, j’en ai eu, moi aussi. On me les a coupées et je me suis écrasé au sol comme une merde. L’amour, merveilleux ? persifla-t-il. Tu veux rire ! Tu te donnes corps et âme et au bout du compte, tu te retrouves sans rien. Il fit un geste avec sa main, l’invitant à laisser là cette conversation qui ne les mènerait à rien.

    Mais c’était bien mal connaître celle qui lui faisait face. Elle l’avait prévenu, elle était têtue et rien ne l’empêcherait de donner son avis, même si cela devait les fâcher à tout jamais. Tu n’en as pas assez de t’apitoyer sur ton sort, Derek ? s’emporta-t-elle. Il se redressa, piqué au vif. Oui, il arrive que les amours finissent mal. Il y a des ruptures qui nous mettent plus bas que terre, tu as raison. Mais c’est la vie, ça, continua-t-elle sur un ton plus doux. Dans toute existence, il y a des hauts et des bas, et parfois il y a des bas très bas. C’est ce que tu as vécu mais tu n’es pas le seul. Il y a beaucoup de gens qui vivent des choses bien plus dramatiques que toi, sois-en sûr.

    Derek se vexa. Comment se permettait-elle de le juger ? Elle ne savait pas par où il était passé. Ah vraiment ! Tu en connais beaucoup qui, comme moi, ont tout perdu ? Ma mère… Il s’arrêta un instant avant de poursuivre. Plus de famille, Jenna ! Plus d’amis ! Tout le monde m’a condamné et m'a tourné le dos !

    C’est faux ! s’écria-t-elle avec force, faisant se retourner sur eux toutes les personnes présentes dans le bar. Tu es en train de réécrire l’histoire, Derek ! Remarquant qu’ils étaient observés, elle baissa le ton. On ne t’a pas tourné le dos. C’est toi qui nous as rejetés. A l’exception de Mark, tu n’as plus voulu voir personne. Fini les bowlings, fini les soirées ou le cinéma. On ne te croisait plus qu’en cours et c’est à peine si tu nous adressais la parole. Tout ça à cause de ton fichu orgueil ! déplora-t-elle.

    Ça n’a rien à voir avec mon orgueil, protesta Derek, les dents serrées.

    Ça a tout à voir au contraire.

    Tu n’as aucune idée de...

    Jenna lui coupa sèchement la parole. Ta petite amie t’a trompé avec ton père. Alors, oui, c’est horrible. C’est sordide surtout. Tu étais amoureux d’Abigail, je ne prétends pas le contraire mais – elle secoua légèrement la tête - ne me fais pas rire, Derek. Si ton père n’avait pas été impliqué, tu n’aurais pas réagi de la même manière. C’est surtout ton orgueil qui a été blessé. Comment affronter le regard des autres après ce qui t’était arrivé ? Tu as vécu ça comme une humiliation.

    Mais c’en était une ! tonna Derek, les yeux brûlants de sa rage contenue. J’avais vingt ans, il en avait trente de plus. Et tout le campus était au courant. Pendant des mois, j’ai été le cocu de service aux yeux de tout le campus.

    Ça, c’est toi qui le dis ! répliqua Jenna, résolue à ne pas lui céder un pouce de terrain. J’étais la meilleure amie d'Abigail et je n'étais pas du tout au courant de leur liaison. Elle se remémora sa stupeur lorsqu’elle avait appris les faits et son incompréhension. Comment Abigail avait-elle pu préférer son professeur, tout aussi fringant qu’il soit encore, à son superbe fils ?

    Il n’y a pas eu que ça, Jen ! se défendit Derek avec vigueur. Tu oublies ce qu’il y a eu après.

    Je n’ai rien oublié, Derek ! Jenna pointa sur lui un index accusateur. On aurait aimé te soutenir, mais tu as préféré t’isoler. Par orgueil ! Toujours lui ! Elle savait qu’il n’appréciait pas son discours mais maintenant qu’elle était lancée, rien n’aurait pu l’arrêter. Il fallait qu’elle lui dise sa façon de penser. Peut-être prendrait-il conscience de certaines choses. C’est cet orgueil qui te pousse à croire que tu es une exception, le seul homme sur terre à autant souffrir. C’est lui qui, aujourd’hui, te fait repousser la femme que tu aimes. Tu as peur de souffrir, oui, mais tu crains surtout de perdre la face si ça se terminait mal, une fois encore. Ton orgueil t’empêche de vivre pleinement et je trouve ça dommage. Je te croyais plus intelligent que ça, lâcha-t-elle enfin, énervée par le manque de réaction de son camarade.

    Derek contracta sa mâchoire sous l’effet de la fureur. Si Jenna n’avait pas été une femme, il l’aurait fait taire à coups de poings. Voilà pourquoi il avait toujours refusé d’évoquer son passé et il se reprocha d’avoir dérogé à cette sacro-sainte règle. Personne ne pouvait le comprendre. De quel droit cette femme, qui avait vécu les évènements en simple spectatrice, lui donnait-elle des leçons ? Comment osait-elle ramener sa douleur à une simple réaction de fierté mal placée ? Abigail avait été son premier et, jusqu’à Meredith, son seul amour. Alors qu'il commençait à penser qu'il avait peut-être trouvé la femme de sa vie, il l’avait surprise dans les bras de son salaud de père. Cela avait eu des conséquences épouvantables sur sa vie et celle de sa famille. Il ne s’agissait pas d’orgueil blessé mais de sentiments bafoués, de confiance trahie, d’une épouvantable sensation de se retrouver seul au monde, de culpabilité aussi. C’était facile pour les autres de dire qu’il fallait tirer un trait, oublier le mal qui lui avait été fait et aller de l’avant. Non, vraiment, personne n’était à même de comprendre. Cela ne servait à rien de continuer cette conversation. Jamais il ne parviendrait à faire partager son ressenti et de toute façon, il n’y tenait pas. Cela faisait des années maintenant qu’il gérait le problème à sa manière et il allait continuer à le faire. Il se leva et, après avoir fait signe au serveur de mettre les consommations sur sa note, il quitta la salle sans plus un mot ni un regard pour celle qui s’était crue autorisée à lui faire la leçon.


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  • Cela faisait une heure et demie qu’ils dînaient dans une des salles de banquet de l’hôtel et Jenna n’avait cessé d’épier Derek, qui était installé à la table d’à-côté. En revanche, lui, il l’ignorait superbement. Déjà, lors des deux conférences auxquelles ils avaient assisté dans l’après-midi, il avait tout fait pour éviter de se retrouver avec elle ou même de croiser son regard. Elle savait pertinemment qu’il n’avait pas apprécié leur conversation. Cependant, elle ne regrettait pas de lui avoir dit ses quatre vérités, estimant qu’il était bon que, de temps en temps, il soit confronté à quelques-unes de ses contradictions. Là, il était en train de converser avec sa voisine de table, une jeune femme brune coiffée à la garçonne et le nez chaussé de lunettes qui lui donnaient un air austère. Jenna ne put s’empêcher de sourire. Les années n’avaient rien changé. Derek ne pouvait s’empêcher de tester son pouvoir de séduction. Des sourires, des petits regards, quelques mots murmurés au creux de l’oreille… Elle avait oublié à quel point il pouvait se montrer charmant quand il le voulait. Et manifestement, ça marchait encore car la fille le dévorait des yeux, toute frémissante d’espoir. Obéissant à une impulsion, Jenna se leva et alla s’asseoir sur la chaise que le voisin de Derek venait de libérer. Elle passa son bras sous celui de son ami qui se retourna vers elle, l’œil inquisiteur. Sans se soucier de lui, elle se pencha vers sa compagne qui la regardait avec suspicion et lui adressa son plus beau sourire. Vous permettez que je vous l’enlève ? Une discussion que nous avons entamée ce matin et que je tiens absolument à terminer. Elle se tourna vers Derek et prit son air le plus coquin. Dans ma chambre ou dans la tienne ? Elle vit, avec une satisfaction non dissimulée, sa pseudo rivale, offusquée, prendre le large. Bonne soirée, lui lança-t-elle, un brin provocatrice.

    Tu as changé d’avis ou bien tu as décidé de me pourrir le séjour ? demanda Derek, perplexe.

    Jenna émit un petit rire. Ni l’un, ni l’autre. Je veux t’empêcher de faire des bêtises. Derek voulut se dégager mais elle resserra son étreinte autour de son bras. Franchement, Derek, pourquoi perdre ton temps avec elle ? Elle le fit se lever et l’entraîna vers le lounge. Quand je pense…

    Arrête de penser, Jen, tu me rendras service, l’interrompit-il d’un ton sec, énervé à l’idée qu’il allait encore devoir subir les conseils qu’elle semblait vouloir lui prodiguer.

    Jenna ne se laissa pas démonter et continua. Non, je veux comprendre ! Explique-moi comment tu peux penser à te taper cette femme…

    Mais je ne voulais pas me la taper, protesta Derek avec la dernière énergie. On ne faisait que parler.

    Jenna arbora un sourire ironique. Bien entendu ! Eh bien, dis-moi comment tu peux parler avec cette femme tout à fait quelconque, il faut bien le dire, alors que tu pourrais parler avec Meredith ? Tout en tenant toujours solidement Derek par le bras, elle se laissa aller dans un canapé, l’obligeant à s’y asseoir, lui aussi.

    Elle avait mille fois raison, il le savait bien. Le hasard l’avait placé à côté de cette inconnue qui, effectivement, ne pouvait rivaliser avec Meredith sur aucun plan, et il l’avait un peu draguée, par désœuvrement, par habitude, sans aucun désir, en sachant qu’il ne donnerait pas suite en cas de réponse positive. Mais il était hors de question de le reconnaître. Il souffla bruyamment en dégageant son bras. Tu sais quel est ton problème, Jenna ? Tu juges sans savoir. Si ça se trouve, Meredith est tout à fait quelconque, elle aussi.

    Jenna secoua la tête. J’en doute fort. Tu en parles comme de la huitième merveille du monde. Alors elle n’est pas quelconque, du moins pas à tes yeux. Tu es amoureux d’elle, Derek ! s’exclama-t-elle comme s’il s’agissait d’un miracle.

    Inutile de me le répéter sans cesse, bougonna-t-il. J’ai intégré l’info, c’est bon. Quand allait-elle cesser de l’ennuyer avec toutes ces niaiseries ?

    Mais alors, pourquoi la tromper ? Jenna sut au regard qu’il lui lançait qu’elle était en train de franchir les limites, ce qui ne l’empêcha pas de continuer. Explique-moi au moins comment tu peux être fou de cette fille comme tu dis l’être, et en parler aussi joliment, et quand même coucher avec n’importe qui, insista-t-elle sans se préoccuper de la mauvaise humeur de plus en plus manifeste de son camarade.

    Il n’y a rien à expliquer ! Et de toute façon ça ne te regarde pas. J’étais content de te revoir mais là, tu commences sérieusement à m’emmerder. Excédé, Derek bondit hors du canapé. Je suis tout de même libre de mener ma vie comme je l’entends, nom de dieu !

    C’est vrai, admit Jenna en gardant son calme. Mais tu n’as pas le droit de rendre les autres malheureux au nom de ta liberté. Alors, si tu n’as pas envie de t’engager avec Meredith, quitte-la.

    Derek émit un petit grognement. Quitter Meredith ! Comme s’il n’y avait pas déjà pensé ! Mais ce n’était pas si simple. Il fallait d’abord qu’il se la sorte de la tête et ça, ce n’était pas évident. Il était tout à fait conscient de son égoïsme et à quel point son comportement envers Meredith était indigne. Mais s’il se le reprochait souvent, il refusait que d’autres le fassent. Maintenant, tu m’emmerdes vraiment, Jenna, cria-t-il. De quel droit te mêles-tu de mes affaires ? Parce que j’ai eu le malheur de te faire quelques confidences, tu crois que tu me connais ? Que tu connais ma vie ? Tu ne sais rien. Rien du tout. Alors… alors, ferme-la ! éructa-t-il en guise de conclusion avant de faire demi-tour pour s’en aller.

    Jenna se leva aussi et le retint par la manche. Il tremblait et ses yeux flamboyaient de rage. Mais rien n’aurait pu la dissuader de parler. Ce que je sais, c’est que tu es en colère, dit-elle avec douceur. Cette rage que tu as en toi, c’est tout ce que tu n’arrives pas à exprimer. Elle lui sourit et lui passa tendrement la main dans les cheveux, un peu à la manière d’une mère envers son enfant. Etonnamment, il ne la repoussa pas mais ferma les yeux, s’abandonnant un instant à cette caresse. C’était tellement dur de devoir toujours se battre contre tous, à commencer par lui-même. Cela fait douze ans que tu t’es muré dans ton chagrin et ta souffrance, poursuivit Jenna. Il faut que ça s’arrête. Si tu as des comptes à régler, fais-le, mais alors avec les bonnes personnes. Il rouvrit les yeux, redoutant de comprendre ce qu’elle lui disait à mots couverts. Pas avec Meredith. Elle n’est pour rien dans ce qui t’est arrivé. Et parle-lui, lui conseilla-t-elle encore. Elle t’aime. Si elle est au courant, elle pourra t’aider à oublier. Tu n’as rien fait de mal, Derek, et tu as le droit d’être heureux, toi aussi. Elle se haussa sur la pointe des pieds et lui déposa un baiser sur la joue avant de sortir de la pièce, le laissant totalement désemparé.


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  • Assise en tailleur sur son lit, au milieu de ses manuels, Meredith ressentait un énorme découragement. Cela faisait deux heures qu’elle passait de la biologie à la chimie en alternant avec la physique, avec l’espoir qu’un miracle allait se produire et qu’elle allait enfin à comprendre quelque chose. Mais rien à faire, elle restait totalement hermétique aux sciences. Et cela ne se passait pas beaucoup mieux avec le code de la route. Elle jeta un regard désespéré au livre qu’elle avait jeté par terre un peu plus tôt. Elle avait eu beau le lire et le relire, elle n’avait pas réussi à mémoriser la moindre ligne. Elle avait donc repris ses manuels mais sans plus de résultat. Evidemment, elle avait pensé appeler Mark à la rescousse mais ne l’avait pas fait finalement. Elle ne voulait pas abuser de sa gentillesse et puis, pour être honnête, elle savait que tous les scientifiques du monde ne lui seraient d’aucune aide. Ce qui lui faisait défaut, en ce moment, c’était la concentration. Mais comment aurait-il pu en être autrement ? Depuis deux jours, elle ne pensait qu’à Derek. Elle avait vraiment cru qu’après la scène du baiser, il allait l’appeler. Mais rien. Même pas un texto pour lui signaler que son vol s’était bien passé et qu’il avait atterri à Miami. Donc, elle était totalement perdue. Ce baiser, était-ce une façon de lui demander pardon pour la façon inqualifiable dont il s’était conduit avec elle ? Ou s’agissait-il d’un adieu ? Oh bien sûr, elle avait été tentée de lui téléphoner pour lui dire qu’il n’avait pas le droit de jouer comme cela avec elle, qu’elle avait l’impression de devenir folle avec toutes ces interrogations qui la minaient. Mais sa fierté l’en avait empêchée. Elle en mourrait peut-être de désespoir mais il était hors de question qu’elle s’abaisse à le relancer. Pour qui se prenait-il ? Est-ce qu’il croyait pouvoir disposer d’elle comme il voulait ? Un coup je veux te parler, un coup je veux plus, ronchonna-t-elle. Aujourd’hui je t’ignore, demain je viendrai te rouler une pelle devant tout le monde. Qu’est-ce que c’est pour des manières ? Mais cette fois, c’est fini, terminé ! Elle ne se laisserait plus faire. S’il croyait qu’à son retour, pour peu qu’il revienne vers elle – oh mon Dieu, faites que ça ne soit pas fini – elle allait l’accueillir la bouche en cœur et le sourire aux lèvres, il se mettait le doigt dans l’œil. Cette fois, il avait intérêt à avoir de bonnes explications à lui fournir.

    Et comme si tout cela ne suffisait pas à la distraire, il y avait Cristina et Izzie. Cela faisait un bon moment qu’elles faisaient des allers-retours dans le couloir, en passant d’une chambre à l’autre tout en parlant et en riant. Meredith reprit son manuel de biologie en soupirant et mit ses mains sur ses oreilles pour ne plus entendre le bruit. Bon, un chromosome est une structure constituée d'ADN. Chacun des chromosomes a une forme différente. Nous en avons vingt-trois paires dans le noyau de chacune de nos cellules, récita-t-elle sans entrain.

    Un coup bref fut frappé à la porte et Izzie pénétra dans la chambre, vêtue d’un peignoir et les cheveux enveloppés dans une serviette de bain. Mer, est-ce que je peux emprunter ton sèche-cheveux ? Le mien vient de rendre l’âme.

    Oui, prends-le, il est dans le tiroir là, indiqua Meredith sur un ton amorphe.

    Izzie remarqua les livres ouverts sur le lit et l’air découragé de son amie. ça ne va pas ?

    Non, grogna Meredith. Ça fait dix fois que je relis les mêmes phrases et je ne parviens pas à en retenir une seule.

    ça, c’est parce que tu n’es pas concentrée. Izzie s’assit au bord du lit. C’est à cause de Derek hein ! Tu n’as toujours pas de nouvelles ? Meredith hocha la tête. Elle sentit les larmes lui monter aux yeux et s’en voulut d’être aussi sensible à tout ce qui concernait son petit-ami, vu la façon dont il la traitait. Il est vraiment bizarre, ce mec, constata Izzie. Il est pas net. Moi, à ta place, je l’oublierais et je m’en trouverais un autre.

    Meredith poussa un gros soupir. Si seulement c’était aussi facile.

    Pourquoi tu ne sortirais pas avec nous ? proposa soudain Izzie. Elle s’entendait bien avec Meredith avant qu’elle ne sorte avec le chirurgien. Maintenant que les choses semblaient ne plus être au beau fixe avec lui, c’était peut-être le bon moment pour retrouver la complicité qui les liait avant. Alex nous emmène dans ce nouveau pub qui s’est ouvert près de la boutique. Il a dit qu’il amènerait un copain pour Cristina. Je n’ai qu’à l’appeler pour qu’il en trouve un pour toi, proposa-t-elle.

    Non surtout pas, répliqua vivement Meredith, épouvantée à l’idée de devoir passer la soirée avec un inconnu. C’est très gentil, Iz, mais il faut vraiment que j’étudie.

    Le monde ne va pas s’arrêter de tourner parce que tu t’accordes une soirée de liberté, Mer ! asséna Izzie. ça va te changer les idées, tu en as bien besoin. Tu as une heure pour te préparer, décréta-t-elle. Et moi, je vais prévenir Alex qu’il doit amener un deuxième copain. Elle vit Meredith qui s’apprêtait à protester encore une fois. Ne discute pas ! Ça ne veut pas dire que tu dois sortir avec ce type mais au moins comme ça, tu ne tiendras pas la chandelle.

    Meredith devait bien s’avouer qu’elle était tentée par la sortie. De toute façon, elle n’arriverait pas à étudier ce soir, elle le savait bien. Mais subir Alex et ses copains… Je ne sais pas. Elle regarda une fois encore son téléphone. Derek doit revenir de Miami aujourd’hui et…

    S’il avait voulu te parler, il t’aurait déjà appelée, souligna Izzie. Meredith baissa la tête, touchée par la justesse de la remarque. Alors tu ne vas pas rester là, à attendre qu’il daigne donner de ses nouvelles, poursuivit Izzie. Donc, tu vas venir avec nous. Il paraît que l’endroit est sélect. Alors, trouve-toi quelque chose de classe. ça ne devrait pas te poser de problèmes, ajouta-t-elle en pensant aux vêtements que Meredith avait ramené de son escapade aux sports d’hiver. Alex m’a dit que tout le personnel de la clinique sortait là-bas. Avec un peu de chance, quelqu’un racontera à ton chirurgien qu’on t’y a vue en galante compagnie. ça lui fera les pieds ! 

    Sans le savoir, elle venait de trouver l’argument décisif. Meredith sauta en bas de son lit. Tu as raison ! Ce soir, on va faire la fête !


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  • L’avion en provenance de Miami venait d'atterrir à San Francisco et Derek attendait impatiemment que sa valise arrive sur le tapis roulant. Il était content d’être de retour. Il n’avait été absent que deux jours mais ceux-ci lui avaient paru une éternité. Pourtant, habituellement, il appréciait ces congrès de médecine parce qu'ils coupaient la routine de son travail à la clinique. Voyager, faire de nouvelles rencontres, échanger des idées, apprendre de nouvelles techniques… Oui, en temps normal, tout cela le passionnait. Mais pas cette fois. Malgré la haute valeur des conférenciers, il n’avait trouvé aucun intérêt aux débats. C’était à peine s’il les avait écoutés d’ailleurs, tout occupé qu’il était à faire le point, se répétant encore et encore tout ce que lui avait dit Jenna. Celle-là, elle pourra se vanter d’avoir foutu le bordel dans ma tête, pensa-t-il. Il avait un peu redouté de la retrouver le lendemain de leur conversation mais, à sa grande surprise, elle n’avait plus du tout évoqué le sujet. Elle avait agi comme si de rien n'était et ils n'avaient plus parlé que de médecine. Sans doute estimait-elle avoir dit tout ce qu’elle avait à dire et que, dorénavant, il était seul juge.

    Après avoir récupéré son bagage, Derek se dirigea vers la station des taxis. Le problème était que maintenant, il se posait encore plus de questions qu’avant. Régler ses comptes ? Il voulait bien mais avec qui ? Abigail ? Le terrible drame familial qui l’avait frappée la mettait définitivement à l’abri. Il n’était pas dans les habitudes de Derek de frapper quelqu’un qui était déjà à terre. Et puis Jenna avait raison, s’il n’y avait eu qu'Abigail en cause, l’histoire serait oubliée depuis bien longtemps. Oh bien sûr, il en avait été amoureux mais il se serait remis de son infidélité si elle avait été commise avec un autre que son père. Sans doute était-ce à ce dernier que Jenna pensait en conseillant à son ami de vider son sac. Mais à quoi cela allait-il servir, douze ans après les faits ? Que pouvait-il espérer d’une confrontation avec son père ? Cet homme était tellement imbu de lui-même qu’il n’imaginait même pas pouvoir commettre des erreurs. De plus, il n’éprouvait pour ses enfants, et son fils unique tout particulièrement, que du mépris. Dans son esprit, il était tout à fait logique qu’une jeune femme brillante et ambitieuse comme Laura l’ait préféré au l'étudiant désinvolte que Derek était alors. Concernant les évènements qui avaient suivi, Christopher Shepherd ne s'était certainement jamais senti responsable. Qu’il reconnaisse ses torts et demande pardon relevait donc du domaine du fantasme. Quant au reste de la famille… A quoi cela servirait-il d’aller remuer toute cette vase ? Les ponts avaient été coupés, de l’eau avait coulé depuis, les années avaient fait que Derek était devenu un étranger pour eux, et réciproquement. Ce n’était pas quelques paroles et quelques excuses, peut-être, qui y changeraient quoi que ce soit.

    Restait le cas de Meredith et ce n’était pas la moindre des interrogations pour Derek. D’une part, il mourait d’envie de courir vers elle, la serrer dans ses bras, l’embrasser et lui faire l’amour. D’autre part, le fait de savoir qu’il ne couperait ni aux explications ni aux excuses le refroidissait. Lui non plus n’était pas très doué pour reconnaître ses fautes. Et même, s’il le faisait, que se passerait-il ensuite ? Le vrai problème était qu’il ne savait toujours pas ce qu’il voulait vraiment. C’est vrai, il était amoureux de la jeune fille, il ne songeait même plus à le nier. Il était vraiment bien avec elle et il était évident maintenant que s’il devait un jour avoir une relation stable, cela ne pourrait être qu’avec elle. Cependant, il n’avait pas l’impression d’être prêt pour cela, sans doute parce qu’il n’en avait pas vraiment envie. Le couple, la famille, il avait vu dans son entourage ce que cela donnait et l'expérience ne le tentait pas. De plus, il y avait toujours cette peur tapie au fond de lui qui lui conseillait de ne pas s’investir plus qu’il ne le faisait. Moins il s’impliquerait dans la relation, moins il souffrirait lorsque celle-ci prendrait fin. Parce que n’en déplaise à Jenna, les amours finissaient mal en général !

    Il demanda au chauffeur de taxi de le conduire à la clinique. Il n’avait pas envie de rentrer directement à la péniche. Ces derniers temps, la solitude le poussait à l’introspection et on ne pouvait pas dire que cela avait eu des effets très positifs. Alors, il préférait reculer le moment de se retrouver seul chez lui. Il regarda sa montre et se dit qu’avec un peu de chance, Mark serait encore à la clinique. Ils pourraient peut-être aller boire un verre dans un endroit sympa et essayer de remettre à flot leur amitié qui avait été quelque peu malmenée depuis Aspen. Pendant le trajet, Derek pensa à cette relation qui durait depuis qu’il était né ou quasiment et à laquelle il tenait énormément, quoiqu’il se serait fait arracher la langue plutôt que de le reconnaître. Mark était le seul qui sache tout de lui de A à Z, qui connaissait ses zones d’ombre et il y en avait beaucoup. C’est à ce titre qu’il pouvait se permettre de tout lui dire. Derek savait qu’il avait besoin d’une personne comme cela dans sa vie. Il était conscient de son ego parfois surdimensionné, de son arrogance et de ses trop grandes certitudes. Il fallait que quelqu’un le mette de temps en temps face à ses erreurs.

    Après avoir jeté sa valise dans le coffre de sa Porsche, il pénétra dans la clinique laquelle, en cette heure tardive, était presque déserte. Ne restait que le personnel de garde. On lui indiqua que Mark avait quitté les lieux une heure plus tôt. La messagerie de son ami lui apprit qu’il ne fallait pas espérer le joindre avant le lendemain matin. Evidemment, Derek aurait pu le faire biper en urgence mais il s’en abstint. Si Mark avait coupé son téléphone, c’était qu’il ne voulait pas être dérangé. Il serait encore temps le lendemain de lui raconter les retrouvailles avec Jenna Wise et ce qu’il était ressorti de leurs discussions.

    Après avoir consulté son planning qui était assez léger pour le lendemain, Derek regagna le parking pour reprendre sa voiture, hésitant sur ce qu’il allait faire. La sagesse aurait voulu qu’il rentre chez lui, défasse ses valises, s’installe devant la télévision pour regarder un de ces programmes sans intérêt avant d’aller dormir. Mais ce qui était sage n’était pas fait pour lui. Surtout pas en ce moment. Il décida donc d’aller en ville pour finir la nuit dans un bar. L’alcool, au moins, lui ferait oublier ses tourments. Du moins l’espérait-il.

    En passant dans Lombard Street, il aperçut l’enseigne d’un pub qu’il ne connaissait pas. Il était vrai que cela faisait quelque temps maintenant qu’il n’était plus passé par là. De petits groupes se pressaient pour entrer dans cet établissement baptisé "Gravity". Vu de l’extérieur, l’endroit présentait bien. Derek décida de s’y arrêter pour se forger sa propre opinion. Se saouler ici ou ailleurs, de toute façon, quelle importance ?


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  • Le moins que l’on puisse dire, c'est que le bar était bondé. Derek dut jouer des coudes pour se frayer un passage jusqu’au comptoir, derrière lequel se trouvaient quelques serveuses souriantes et très légèrement vêtues. Dans un coin de la salle, qui était assez grande, se trouvait un billard autour duquel les joueurs peinaient à utiliser leurs queues sans heurter les autres consommateurs. A l’opposé, il y avait un minuscule espace où les danseurs ne pouvaient, faute de place, que se dandiner d’un pied sur l’autre au son d’une musique assourdissante. Après avoir commandé un scotch pur malt, Derek regarda autour de lui et aperçut quelques visages connus, des employés de la clinique, parmi lesquels deux ou trois de ses anciennes conquêtes qui le saluèrent avec circonspection, en lui donnant l’impression que sa présence leur gâchait un peu leur plaisir. Il repéra un peu plus loin trois jeunes femmes qui le regardaient avec intérêt en lui décochant des sourires qui ne prêtaient pas à équivoque. Il se détourna immédiatement. Le lieu n’était vraiment pas un terrain de chasse idéal, à moins de vouloir que Meredith ne soit mise au courant de ses incartades dès le lendemain. Qui plus est, l’envie n’y était pas. Derek avait compris que quoi qu’il fasse, rien ne lui ferait oublier son amie. T’as déjà assez d’emmerdes comme ça, mon vieux, se dit il. Pas la peine d’en rajouter ! Il vida son verre d’un trait et en demanda un autre. Il en avait plus qu’assez de tous ces états d’âme. Qu’est-ce qu’il était bien quand il n’avait ni scrupules ni sentiments ! Comme la vie était simple alors ! Il s’adossa au comptoir et recommença à observer ceux qui l’entouraient, en se demandant si ces personnes étaient là pour simplement s’amuser ou pour, comme lui, trouver l’oubli dans l'alcool. Ah nom de dieu, c’était vraiment trop bête que Mark ne soit pas là ! Boire entre amis, c’est amusant, boire tout seul, c’est carrément pathétique, pensa Derek en vidant son deuxième verre. Il tourna la tête pour demander à une serveuse de le remplir.

    C’est alors qu’il la vit. Elle lui tournait le dos, pourtant il n’eut aucun doute, c’était Meredith. Son cœur se mit à battre à tout rompre. Foutu karma ! Il venait ici pour se vider la tête et il fallait qu’elle soit là. Il ne s’en sortirait jamais. Lorsque ses yeux se détachèrent d’elle, il découvrit qu’elle n’était pas seule, ce dont il se doutait par ailleurs. Il tiqua en apercevant Alex Karev - il avait pourtant prévenu cet enfant de salaud de rester loin d’elle – mais fut un peu rassuré lorsqu’il vit que la tête d’Izzie reposait sur l’épaule du jeune homme. Meredith avait donc raison, ils sortaient ensemble. C’était déjà ça de gagné. En revanche, il aurait bien aimé savoir qui étaient les deux guignols qui entouraient sa petite amie. Un petit groupe empêchait Derek de bien voir mais il se rendait compte tout de même que ces deux garçons, qui lui semblaient assez jeunes, collaient tous les deux la jeune fille, le grand brun surtout. Quelques personnes se déplacèrent un peu et Derek manqua s’étrangler en voyant que ce gars, sorti d’on ne sait où, était en train de passer son bras autour de la taille de Meredith qui, en plus, portait une robe épousant parfaitement ses formes. Il fut quelque peu soulagé en voyant que la jeune fille se dégageait aussitôt. Il ne sut pas ce qui le retint d’aller flanquer son poing dans la figure de ce morveux. La certitude sans doute qu’il n’était pas en position de faire valoir ses droits de petit ami et aussi que Meredith n’apprécierait pas qu’il fasse un scandale en public.

    Il vit tout à coup Cristina faire un signe à Meredith et comprit qu’elle l’avait repéré. Il n’eut pas le temps de faire quoi que ce soit que son amie s’était déjà retournée et le regardait, totalement abasourdie de le voir là et déçue aussi, lui sembla-t-il. Ils restèrent quelques secondes, les yeux dans les yeux, et comme à chaque fois, Derek oublia tous ceux qui étaient autour d’eux ainsi que le bruit environnant. Il n’y avait plus qu’elle et lui dans ce pub. Il ne résista plus et fit deux pas vers elle avant de l’inviter, d’un léger signe de tête, à le rejoindre. Il nota avec plaisir qu’elle n’hésitait pas et il la regarda venir à lui, son verre à la main, magnifique avec ses cheveux relevés en un chignon décoiffé, et dans cette jolie robe rose largement décolletée sur le devant, dont il réalisait maintenant qu’elle ne lui arrivait même pas à mi-cuisses. De plus, il apparaissait clairement, au doux balancement de la poitrine sous le tissu, que les seins de Meredith étaient libres de toute entrave. Il sentit son sang bouillir dans ses veines, autant de désir que de colère. De penser que d’autres que lui puissent la voir ainsi le rendait malade.

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    Elle fut enfin devant lui, immobile et muette, attendant une réaction de sa part. Il se pencha vers elle et l’embrassa délicatement sur la joue, presque à la commissure des lèvres. Bonsoir.

    Bonsoir, répondit-elle, glacée par ce sage baiser qui semblait confirmer ce qu’elle avait tant redouté. Tout était fini entre eux. Je ne savais pas que tu étais rentré, se força-t-elle à dire d’un ton détaché, trop fière pour lui laisser voir son désespoir.

    J’ai atterri il y a deux heures environ et puis, je suis passé à la clinique. J’allais te téléphoner, prétendit-il. Elle opina de la tête mais il sut qu’elle ne le croyait pas.

    Alors, c’était bien, Miami ?

    Oui enfin, tu sais… Nerveux, Derek fit tourner son verre dans ses mains. Rien ne ressemble plus à un congrès médical qu’un autre congrès médical. Les conférences qui se succèdent, les collègues que tu rencontres… Tu n’as pas vraiment le temps de faire autre chose. Mais c’était très intéressant, affirma-t-il, peut-être un peu pour justifier le fait qu'il ne s'était pas manifesté depuis trois jours.

    Tant mieux. Meredith se tut, ne sachant comment relancer la conversation, désarmée parce que, pour la toute première fois depuis leur rencontre, ils ne trouvaient rien à se dire.

    Derek la regarda de la tête aux pieds. Tu es très belle. Je ne t'avais jamais vue avec cette robe. Il ne laissa rien transparaître mais il était dévoré par la jalousie. Qu’elle ait pu mettre une tenue aussi provocante pour sortir sans lui, et qui plus est avec d’autres hommes, lui donnait la nausée. Cette femme était à lui et il refusait de la partager de quelque façon que ce soit.


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