• Ah ça, je m’en doute ! Mark ricana. Si tu crois que je n’ai pas compris pourquoi tu t’es comporté comme ça avec elle ! Un véritable salaud, voilà ce que tu as été ! Il pointa son doigt vers Derek. Tout ça parce que tu te sens coupable et que tu as peur qu’elle devine ce que tu as fait. La meilleure défense, c’est l’attaque, hein ? Tu lui as déjà fait le coup à Aspen, c’était pas assez ? Il a fallu que tu remettes ça.

    Derek releva enfin la tête et darda un regard noir sur son ami. Je te l’ai déjà dit, Mark, ne t’immisce pas dans ma vie privée ! Ça ne regarde que Meredith et moi.

    Ouais, ben, parlons-en justement, de Meredith ! Comment as-tu pu lui faire ça ? s’écria Mark, scandalisé. Elle est… Il secoua la tête, peinant à exprimer qu’il voulait dire, de peur d’être trop enthousiaste. Elle est géniale, cette fille ! Est-ce que tu te rends compte de la chance que tu as, nom de dieu ? dit-il en haussant soudain la voix et pensant à lui qui aurait donné n’importe quoi pour être à la place de son ami. Qu’est-ce qu’une nana levée dans un bar ou je ne sais où peut t’apporter de plus qu’elle ? C’est pour le cul ? l’interrogea-t-il, malgré tout incrédule. Son intuition lui disait que, dans un lit avec l’homme qu’elle aimait, Meredith devait être une vraie bombe, ardente et passionnée. T’as toujours dit que c’était super avec elle…

    Ça n’a rien à voir avec ça, daigna reconnaître Derek.

    Avec quoi alors ? s’emporta à nouveau Mark. Encore cette connerie de peur que tu traînes depuis plus de dix ans ? Merde, Derek. Pense un peu à autre chose ! Pense à Meredith ! Avec ce qu’elle vient de vivre en plus ! Tu t’imagines dans quel état elle va être si elle apprend que tu…

    Derek le coupa aussitôt, l’air hostile. Si tu fermes ta gueule, elle n’en saura jamais rien.

    Oh joli ! Super comme mentalité ! Mark leva le pouce de sa main droite en l'air. Alors, pour toi, tu peux faire ce que tu veux ? Du moment qu’elle n’en sait rien, tout t’est permis ?

    Derek eut un rire mauvais. Non, mais franchement, c’est l’hôpital qui se fout de la charité. Tu crois que tu peux vraiment me donner des leçons de morale ? Et pourtant, tout au fond de lui, il savait que Mark avait raison, sur tous les points.

    Ah non ! N’essaie pas de faire avec moi comme avec elle, mon vieux ! Ne retourne pas le problème. C’est toi qui es en tort, pas moi ! Mark se pencha légèrement au-dessus de la table. Je ne suis pas un saint et tu es le mieux placé pour le savoir mais ce que tu fais là, je ne le ferais pas. Et ça n’a rien à voir avec la morale, Derek. Il soutint le regard que ce dernier posa sur lui. Moi, tout ce que je vois, c’est que tu lui mens et que, pour te protéger, tu me demandes d’être ton complice. Et ça… ça, ça me répugne. Meredith est devenue mon amie. Je n’aime pas lui mentir. Tout à coup, il baissa la tête et parla plus bas. Et pourtant, je vais le faire, mais pas pour toi. Il secoua la tête. Oh non, ça, pas pour toi. Pour elle ! Parce que si elle apprend que tu la trompes, ça va l’anéantir.

    Puisque je te dis qu’elle n’en saura jamais rien ! tonna Derek. Je ne suis pas débile tout de même.

    Ça, je n’en suis plus aussi sûr ! persifla Mark. Et de toute façon, quelle garantie tu peux donner ? Aucune ! Quand elle a entendu Sharla parler de tes frasques ou quand elle a surpris la conversation des filles dans les toilettes, tu n’as rien pu empêcher, Derek. Rien du tout ! Et si une des filles que tu sautes…

    Ça n’arrivera pas ! assura Derek en secouant la tête. Si jamais… je ferai attention. Il se rendit compte qu’il se défendait mal et souffla. Je ne sais pas. Je dois faire le point. Au cas où, elle ne saura rien, répéta-t-il, ne trouvant plus rien d’autre à dire.

    Mark fut éberlué quand il comprit que Derek n’était pas certain de vouloir s’amender. Non pas qu’il ait vraiment cru que cette conversation le remettrait dans le droit chemin. Et s’il voulait être tout à fait honnête, l’idée d’en tirer parti l’avait effleuré une seconde. Si Meredith apprenait les frasques de son amant, il y avait fort à parier qu’elle le quitterait sur-le-champ. Evidemment, Mark serait celui vers lequel elle se tournerait pour trouver du réconfort et chacun savait que du statut de consolateur à celui de nouveau petit ami, il n’y avait qu’un pas. Mais avant d’en arriver là, il y avait l’horrible souffrance que Meredith éprouverait à coup sûr en apprenant la trahison de Derek. Et ça, Mark ne pouvait pas l’envisager. Il l’aimait trop pour souhaiter qu’elle souffre. Alors, quoi qu’il lui en coûte, il ferait tout pour la protéger. Il tenta une nouvelle fois de faire entendre raison à son ami. Mais espèce de connard ! Tu peux encore aller les chercher à l’autre du bout du pays, si c’est pour lui faire à chaque fois payer tes fautes comme tu l’as fait ce matin, ça change quoi ? Et tu crois que je vais rester là, à te regarder lui faire du mal, sans réagir ?

    Derek se leva vivement, manquant de faire tomber sa chaise. Tu me fais chier, Mark. Tu n’as pas à me dire ce que je dois faire. Reste en dehors de ça, ça vaudra mieux pour tout le monde. Quant à Meredith… c’est mon problème, pas le tien ! Il jeta un billet de cinquante dollars sur la table et partit en direction de la clinique.

    Il n’avait fait que quelques pas que Mark le rejoignait, le prenant par le bras pour l’obliger à lui faire face. Tu te souviens, un jour, je t’ai dit que si tu lui faisais du mal, je ne serais peut-être plus de ton côté ?

    Oui, je me souviens, répondit Derek d’une voix lasse.

    Eh bien, voilà ! Je suis passé de l’autre côté. Mark fit demi-tour et repartit vers le Sweet Dream.


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  • Mark se campa sur la terrasse, cherchant à apercevoir Meredith à travers les vitres de la boutique. Il la vit derrière le comptoir, le visage ravagé, et comprit qu’elle luttait pour ne pas éclater en sanglots. Il pensait avoir atteint le paroxysme de la colère quelques minutes plus tôt mais s’aperçut qu’il n’en était rien en sentant une nouvelle flambée de rage l’envahir. Lui et Derek s’étaient souvent disputés, avec plus de violence même parfois, mais jamais il n’avait ressenti autant de colère contre son ami. Il lui en voulait tellement pour tout le mal qu’il faisait à Meredith. La pauvre ! Elle ne méritait vraiment pas ce qui lui arrivait. Il l'observa encore un instant, le cœur serré.

    De son côté, Meredith était partagée entre la colère et une tristesse infinie. Elle ne comprenait pas du tout pour quelle raison Derek s’en était pris à elle de cette façon. Jamais encore, il ne lui avait parlé sur ce ton. Quelle différence entre la tendresse qui transpirait de sa voix quand il lui avait téléphoné la veille et les paroles froides, coupantes qu’il venait de lui asséner ! Elle avait beau y réfléchir, elle ne voyait pas pourquoi il lui en voulait autant. Sa seule faute était d’avoir refusé de passer la soirée avec lui pour étudier. Et encore, elle n’appelait pas ça une faute. Il n’arrêtait pas de lui répéter qu’elle devait faire ce qu’elle estimait bien pour elle, sans s’occuper des autres. Eh bien, c’était ce qu’elle avait fait. Mais manifestement, quand il était concerné, Derek se montrait beaucoup moins tolérant. L'envie de pleurer devenant trop forte, elle se refugia dans l’arrière-salle pour fuir les regards curieux et moqueurs des clients et de ses collègues. Après avoir refermé la porte derrière elle, elle se laissa glisser par terre et se cacha le visage dans les mains, en repensant à la façon dont Derek l’avait rabrouée d'une façon qui confinait presque à de l'acharnement. Qu’il la garde, sa foutue bagnole ! grogna-t-elle entre ses dents avant de se mettre à pleurer, autant de chagrin que de rage.

    Lorsque Mark la vit entrer dans l’arrière-boutique et fermer la porte, il pressentit que cela n’avait rien à voir avec le travail. Cette petite semblait avoir grand besoin de réconfort. Il pénétra sans hésiter dans la boutique et traversa la salle d'un pas décidé pour rejoindre son amie. Dédaignant Cristina qui l’apostrophait, il entra dans la deuxième pièce et fut atterré en découvrant Meredith assise par terre, le corps plié en deux, le visage enfoui dans ses mains. Il referma la porte en douceur et s’accroupit devant à la jeune fille. Mer, murmura-t-il pour lui signaler sa présence, en lui passant la main dans les cheveux, les soulevant à la hauteur de la nuque pour pouvoir caresser celle-ci.

    Laisse-moi, chuchota-t-elle sans bouger d'un pouce.

    Mark fit claquer plusieurs fois sa langue contre son palais. Ah non, ça, n’y compte pas ! Je ne peux pas te laisser comme ça. Sa main quitta la nuque pour rejoindre le menton qu’il souleva, afin d’obliger la jeune fille à relever la tête.

    Elle plongea ses yeux dans les siens. Bouleversé par sa détresse, il essuya du bout de l’index une larme qui s'était arrêtée sur le bout du nez. Il a vraiment été ignoble avec moi, constata-t-elle d’une voix sourde.

    Mark haussa légèrement les épaules. Ouais, je sais. Il s’est conduit comme un gros connard, c’est vrai. Il eut un sourire empreint de regret. Tu sais comment il est, dit-il en sortant un mouchoir pour sécher le reste de ses larmes. Bien qu’il n’ait nullement envie de prendre la défense de son ami, il se sentit obligé de le faire pour essayer de remonter le moral de Meredith. Mais je suis certain qu’il ne pensait pas un mot de ce qu’il t’a dit.

    Meredith se redressa, le regard flamboyant de colère. Peut-être ! Mais ça n’excuse pas son attitude. Non mais tu as entendu comme il m'a parlé ? J'ai eu l'impression d'être une criminelle. Et quand il a dit que j’allais bousiller sa voiture ! Monsieur a peur pour sa Porsche ? ironisa-t-elle.

    Mais non, assura Mark en se relevant. Il n'en a rien à foutre de sa caisse. Il était énervé, il a dit n’importe quoi. Il lui tendit la main pour l'aider à se mettre debout. De toute façon, tu n’aurais pas pu apprendre avec la Porsche, la boite de vitesses n'est pas automatique, ajouta-t-il en reprenant l’argument de Derek.

    Meredith fit une moue boudeuse. Eh bien, tant pis. Et comme je suis trop conne pour apprendre à conduire, ce n'est pas la peine que j'aille à l'unif non plus. Comme ça, le problème est réglé.

    Mark se campa devant elle, l'air abasourdi. Pardon ? C’est une plaisanterie ? Tu te fous de moi, là ?

    Est-ce que j’en ai l’air ?

    Mark soupira. Comme d'habitude, c'était Derek qui avait déclenché la crise et c'était lui qui devait essuyer les plâtres. Ecoute, tu es trop énervée pour discuter valablement, dit-il avec douceur. Cette conversation ne nous mène à rien. On va retourner à notre table, tu vas terminer ton petit-déjeuner et on discutera de tout ça après. Il la prit par la main et la tira légèrement pour l'amener jusqu'à la porte.

    Elle lui résista. J’ai pas faim, maugréa-t-elle. Et j'ai pas le temps, j'ai du travail qui m'attend. Cristina a raison, comme je ne vais pas aller à l'unif, je dois m'investir à fond ici.

    Agacé par cette provocation, Mark grogna de dépit. Franchement, y’a des paires de claques qui se perdent, Mer.

    Meredith le défia du regard. Essaie pour voir !

    Mark lui adressa un sourire teinté de tendresse et d’amusement. Ne me tente pas. Il sourit devant son air scandalisé. Ho je plaisante ! Crois-moi, s’il y a bien une chose à laquelle je ne pense jamais quand je suis avec toi, c’est à te frapper ! assura-t-il en avançant la main pour lui caresser la joue.


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  • La colère de Meredith, qui n'était d'ailleurs pas dirigée contre Mark, retomba d’un coup. Quelles que soient les circonstances, il arrivait toujours à trouver les mots et les gestes pour la réconforter. Elle avait particulièrement apprécié qu’il prenne son parti contre celui de Derek, alors que celui-ci était son meilleur ami et depuis bien plus longtemps qu’elle. Oui, elle avait beaucoup de chance d’avoir trouvé un ami aussi fidèle mais cette certitude n’atténuait en rien la tristesse qui était la sienne devant l’attitude injustifiée de l’homme qu’elle aimait. Quel con ! marmonna-t-elle pour elle-même.

    Mark la prit par les épaules pour la faire sortir de la pièce. Allez, viens, murmura-t-il avec toute la tendresse qu’il éprouvait pour elle, en la tenant étroitement contre lui. Tout va s’arranger, ne t’en fais pas. Revenu sur la terrasse, il lui présenta galamment une chaise pour qu’elle s’y installe. Tu vas commencer par manger un peu, exigea-t-il. Après, on pourra discuter. Pendant qu’elle s’asseyait, il se tourna vers la boutique et claqua des doigts à plusieurs reprises pour attirer l'attention d'Alex qui observait les passants depuis le seuil de la boutique. Rends-toi utile, apporte-nous du café chaud, dit-il au jeune homme qui venait vers lui.

    Meredith le gronda gentiment. Il n'est pas un animal. Ce n'est pas gentil de claquer des doigts pour l'appeler.

    Mark s’assit à côté d’elle, rapprochant au maximum sa chaise de la sienne. Qu’est-ce que tu aurais voulu que je fasse ? Des courbettes ? Je n’ai pas envie de faire des efforts avec ce type, Mer. C’est un connard ! asséna-t-il d’un ton sans réplique. Mange, allez, mange ! Il lui tendit un muffin au chocolat. Mords-moi là-dedans. Comme elle soufflait pour marquer son agacement, il insista en prenant un air sévère qui n'était pas vraiment convaincant. Tu ne te lèveras pas tant que tu ne l’auras pas terminé, de toute façon. Meredith se mit à rire et prit le gâteau dans lequel elle mordit à belles dents. Mark ne la quitta pas des yeux jusqu’à ce qu'elle ait avalé la dernière miette du muffin. Tiens, prends-en encore un, lui proposa-t-il en lui tendant la corbeille en osier.

    Elle la repoussa en secouant la tête. Non, non merci, mais je ne pourrais plus rien avaler. Si ça n'avait tenu qu'à moi, je n'aurais rien mangé. J’ai déjà fait un énorme effort pour te faire plaisir.

    OK, alors, je n’insiste plus. Mark reposa les pâtisseries sur la table et prit la main de la jeune fille entre les siennes. Tu n’étais pas sérieuse quand tu as dit que tu n'irais pas à l’université ? Pas à cause de cette histoire de permis tout de même ? C’est rien, ça, Mer, juste un détail. Quand je pense à ce que tu as fait avec mes recherches… Ce permis, tu vas l’obtenir sans problèmes, c'est sûr. Il lui adressa un sourire complice. Tu es tellement douée pour tout.

    Faudrait déjà que je trouve quelqu’un qui veuille bien m’apprendre à rouler, répliqua-t-elle. Et c'est clair que je ne dois pas compter sur Derek pour ça !

    Faudrait peut-être que tu demandes à la bonne personne, répondit Mark avec un petit sourire malicieux.

    Meredith le regarda, pleine d’espoir. Tu parles de toi ? Tu voudrais bien ?

    Comme si tu ne le savais pas !

    Touchée par son offre, Meredith posa la tête contre l'épaule de son ami. Merci. Je ne sais pas ce que je ferais sans toi. Tu es toujours là pour moi quand j'en ai besoin. Elle se redressa et plongea ses yeux dans ceux de Mark. En plus, c’est moi qui devrais te remonter le moral. Tu as d’autres choses à penser pour le moment qu’à mes petits problèmes. Les larmes lui montèrent aux yeux à la pensée du drame auquel il allait sans doute devoir bientôt faire face.

    Elle était tellement généreuse qu'elle pensait toujours aux autres avant de penser à elle. Comment Derek pouvait-il ne pas se rendre compte de la chance qu’il avait eue de tomber sur une fille comme elle ? C’était le genre de rencontres qu’on ne faisait qu’une fois dans sa vie et cet idiot était en train de tout gâcher ! Ne pleure pas, Mer, supplia Mark. Si tu pleures, je vais devoir te prendre dans mes bras pour te consoler et les gens vont jaser. Ça va ruiner ta réputation.

    Meredith essuya ses yeux d'un revers de la main en pouffant de rire. T’es bête !

    Mark lui sourit avec un air satisfait. Mais je parviens à te faire rire. Mission accomplie ! Je préfère te voir rire que pleurer, lui confia-t-il, heureux d’avoir su trouver les mots qui avaient chassé ses tristes pensées. Et ne t’inquiète donc pas pour ton permis. Avec moi comme prof, tu vas le passer les doigts dans le nez.

    Merci. J'ai envie de prouver à Cristina que je ne suis pas aussi débile qu'elle le croit, avoua Meredith. Et puis, depuis que je suis arrivée ici, je n'ai pas vécu grand-chose de bien, à part ma rencontre avec toi et Derek, alors j'ai envie d'avoir quelque chose de positif, tu comprends ? Mark opina de la tête. Il venait de réaliser que, contrairement à ce que Derek et lui avaient imaginé dans un trop grand élan d’optimisme, elle ne s’était pas totalement remise du drame qu’elle avait vécu. Elle était encore fragile et le moindre incident pouvait la plonger dans le désespoir, c’était perceptible. Il ne permettrait pas que cela se produise. Non, rien ni personne ne lui ferait encore du mal, il serait là pour y veiller. Je dois retourner travailler, dit-elle en se mettant debout.

    Mark l'imita. Tu peux bien rester encore un instant.

    Non, il vaut mieux que j'y aille. Ça fait deux fois que Cristina passe sa tête à la porte. Je n'ai pas envie de subir ses remarques encore une fois.

    Mark lui caressa la joue. Ne t’en fais pas. Si elle te dit quoi que ce soit, elle aura affaire à moi. Il l'embrassa sur le front et lui adressa un clin d’œil complice avant de reprendre le chemin de la clinique.


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  • Mark ouvrit la porte des vestiaires et s’arrêta net sur le seuil en découvrant Derek, torse nu, qui était en train de revêtir sa tenue de chirurgien. Derek regarda en direction de la porte qui venait de s’ouvrir et se figea en reconnaissant son ami. Les deux hommes se défièrent du regard avant de se détourner, chacun de son côté, se tournant même ostensiblement le dos, agissant comme si l’autre n’existait pas.

    Derek n’acceptait pas que Mark se pose en défenseur de la morale et de la vertu, alors qu’il était exactement comme lui. De plus, Mark n’avait-il pas été le premier à se moquer de lui, quand il avait commencé à sortir avec Meredith, parce qu’il ne voulait plus avoir d’autre relation qu’elle ? Et maintenant qu’il avait peut-être changé d’avis, Mark le lui reprochait ! Mais de quel droit ? Bien sûr, Derek savait à quel point Mark appréciait désormais Meredith et l’amitié qu’il éprouvait pour elle. Mais de là à fouler aux pieds tout ce qui avait existé entre eux ! Depuis qu’il avait quitté la boutique, les dernières paroles de son ami résonnaient sans cesse dans son esprit. J’ai changé de côté. Trente-cinq ans d’amitié quasiment réduits à néant parce que Mark s’était mis en tête de protéger une fille qu’il ne connaissait que depuis trois mois ! Derek n’en revenait pas. Il finit de s’habiller, se murant dans un silence de plus en plus pesant, son ressentiment grandissant au fil des secondes. Après avoir rangé ses affaires dans son casier, il en referma la porte d’un geste rageur en la faisant claquer bruyamment, avant de sortir, la tête haute, la mine agressive, le regard fixé devant lui pour ne pas avoir l’air de chercher celui de Mark. Il était à peine sorti de la pièce que celui-ci lâchait un retentissant "connard" plein de hargne.

    Mark était partagé entre deux pôles. Il ne pouvait s’empêcher de penser que si Derek recommençait à fréquenter les bars et les clubs à la recherche d’aventures d’un soir, il serait forcément moins disponible pour Meredith. Peut-être qu'alors la jeune fille se lasserait d’attendre son amant et remarquerait enfin l’amour que lui portait son meilleur ami. Mais d’un autre côté, Mark n’était pas dupe. Même si elle réalisait un jour les sentiments qu’il avait pour elle, cela ne changerait pas grand-chose, du moins pas à son avantage. Le fait est qu'elle semblait totalement envoûtée par Derek. Malheureusement, si les infidélités de ce dernier se prolongeaient, arriverait immanquablement le moment où elle en aurait connaissance. Et ce jour-là, elle ne sortirait pas indemne d’une telle affaire. Après la trahison de George, celle de Derek la dévasterait, sans doute à tout jamais. Alors, vaut mieux oublier ça tout de suite, se dit Mark. Il repensa à la scène du matin et jura. Non content de tromper sa petite amie, Derek la rendait responsable de ses actes. C’était peut-être ce que Mark admettait le moins. Il ne comprenait pas que Derek se montre aussi injuste avec la jeune fille, alors que, Mark en aurait mis sa main au feu, il en était fou amoureux. Mark connaissait son ami, son histoire, il savait ce qui avait fait de lui cet homme dur, mais cette fois, il estimait que Derek avait été trop loin et il ne parvenait pas à lui trouver des excuses. C’est déçu et exaspéré qu’il quitta les vestiaires à son tour.

    Durant la matinée, les deux hommes se croisèrent dans les couloirs en s'ignorant royalement, se retrouvant parfois au chevet de certains de leurs patients, n’échangeant que des informations purement professionnelles quand ils y étaient vraiment obligés, s’installant chacun à un bout de la table lors d’une réunion à laquelle ils avaient été conviés à participer. Leur mésentente était tellement évidente qu’elle devint rapidement le sujet de conversation principal du personnel. Les plus anciens de la clinique se souvenaient que, de tout temps, ces deux-là avaient toujours été les meilleurs amis du monde, partageant tout, même leurs conquêtes, prenant immanquablement le parti de l'autre, se soutenant dans les coups durs, de véritables complices, quelles que soient les circonstances. Rien ni personne n’avait jamais réussi à entamer cette amitié sans failles. C’était ce qui rendait la situation d’autant plus intrigante.

    Pendant la tournée de ses patients, Mark avait eu beaucoup de mal à se concentrer sur les dossiers que ses collaborateurs lui avaient présentés. Il n’avait cessé de penser à Meredith, à l’état dans lequel elle devait être, aux questions qu’elle devait nécessairement se poser. Il était certain que, après tout ce qu’elle avait vécu, l’attitude de Derek n’avait pu que la fragiliser un peu plus et qu’elle devait vraisemblablement se remettre, elle, en question et, qui sait, se croire responsable de qui arrivait. Cela, il ne pouvait le tolérer. Après avoir pesé le pour et le contre, il décida d’aller voir Derek afin d'essayer de lui faire entendre raison, du moins en ce qui concernait la scène du matin. Il parcourut la clinique jusqu’à ce qu’il trouve son ami dans une salle d’examen, en train d’examiner les résultats d’un scanner. Il referma la porte derrière lui et entra directement dans le vif du sujet. Est-ce que tu as appelé Meredith ?

    Pour quoi faire ? demanda Derek avec agressivité, sans cesser de regarder ses clichés.

    Pour t’excuser, tiens ! éructa Mark. Quelle question !

    Si Derek avait espéré, en voyant son ami entrer, qu’il était venu tenter une réconciliation, il avait été déçu dès les premiers mots. Mais qu’en plus Mark ne soit venu que pour lui infliger encore une fois une de ses pseudos leçons de morale l’agaça prodigieusement. Qu'on veuille lui faire remarquer ses défauts et démontrer ses torts lui était insupportable. Mark le savait et le fait qu’il le fasse malgré tout, avec autant d'insistance, Derek le prit pour de la provocation pure et simple. M’excuser ? ricana-t-il en se tournant enfin vers son ami. Et de quoi donc ?  

    De quoi ? De ton petit numéro de ce matin ! s’exclama Mark, énervé par tant de mauvaise foi. Tu ne crois pas qu’après la peine que tu lui as infligée, c’est le moins que tu puisses faire ?

    La peine que je lui ai infligée ! répéta Derek sur un ton emphatique. Tout de suite les grands mots ! Ce n’était jamais qu’une banale dispute, Mark.


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  • Tellement banale qu’elle en a pleuré après que tu sois parti, révéla Mark. Nom de dieu, ne me dis pas que ça ne te fait rien !

    Derek serra les dents. Bien sûr que ça lui faisait quelque chose ! Il était malade rien que d’y penser. Mais il était tellement orgueilleux qu’il lui était impossible de le reconnaître. Ce n’est pas ma faute si elle dramatise, grogna-t-il.

    Mark eut l'air abasourdi. Ah bon, elle dramatise ? Si tu le prends comme ça, alors, je laisse tomber !

    Mais je ne te demande rien d’autre, s’écria Derek, en levant les yeux au ciel, comme s’il était soulagé que son ami ait enfin compris ce qu’il attendait de lui. Combien de fois t’ai-je demandé de ne pas te mêler de nos affaires ? Ce qui se passe entre Meredith et moi ne regarde qu'elle et moi. Et ton amitié pour elle ne te donne pas tous les droits ! se dépêcha-t-il d’ajouter en voyant son ami ouvrir la bouche pour répliquer.

    Mais ça me donne le droit de la protéger de ta connerie ! cria Mark, furibond. Est-ce qu’au moins tu te rends compte du mal que tu lui as fait ? Et je ne parle pas de celui qu’elle aura si elle…

    Derek ne le laissa pas s'exprimer. Maintenant, tu me fais vraiment chier, Mark ! répliqua-t-il avec force. Et pourtant, oui, il savait que Mark avait raison. Il avait remarqué la réaction de Meredith, ses yeux pleins de larmes, la déception qu’elle avait éprouvée face à sa méchanceté. Il aurait aimé être capable de réagir autrement mais ce n’était pas possible. Il était conscient de ses torts mais il aurait préféré crever plutôt que de les admettre à haute voix.

    Oui, ça, quand on pointe tes erreurs du doigt, ça te fait chier, forcément, ironisa Mark.

    C’est ça, c’est ça… Mister Perfect ! Derek s’assit à une table et feignit de ne plus faire attention à son ami.

    Celui-ci hocha la tête. Oh non, je ne suis pas parfait ! Loin de là ! Mais moi, au moins, je ne suis pas mesquin. Derek releva aussitôt la tête. Oui, mesquin, insista Mark. Tu as bien entendu. Parce que ce tu lui as dit à propos de ta Porsche…. Il regarda son ami avec incrédulité. Tu y tiens donc tant que ça, à ta putain de carrosserie ?

    Je m’en fous complètement, grommela Derek. Mais ça ne sert à rien de lui apprendre à conduire avec une bagnole qui n’est pas automatique.

    Alors pourquoi tu ne lui as pas dit ça plutôt ? s'étonna Mark. Derek haussa les épaules. En tout cas, elle va pouvoir compter sur moi pour lui apprendre à conduire, et pas plus tard que ce soir, annonça Mark

    C’est très bien, se borna à répondre Derek. Pour être tout à fait honnête, il se sentait vaguement soulagé à l’idée de ne pas avoir à inventer un prétexte quelconque pour ne pas voir Meredith. Non pas qu’il n’en ait pas envie, loin de là. Cela ne faisait qu’une journée qu’il avait pris du recul vis-à-vis de la jeune fille mais le manque d’elle était déjà quasiment intolérable. Malgré tout, il ne se sentait pas le courage d’affronter son regard lourd de reproches et encore moins de lui mentir. Très bonne idée, dit-il encore, en baissant à nouveau les yeux sur son dossier.

    Ah je veux bien le croire, persifla Mark. Ça t’arrange, certainement. Il ouvrit la porte. Tu vas avoir ta soirée libre pour courir les putes, conclut-il avec amertume, la main sur la clenche.

    Surtout, n’oublie pas ton auréole en sortant, riposta Derek, sans même le regarder. Il sut que son ami était sorti en entendant la porte se refermer avec fracas. Il se leva et, avisant un plateau rempli de divers instruments, le saisit pour l’envoyer voler avec force contre le mur. Le bruit fut assourdissant, pas suffisamment cependant pour couvrir le cri de rage que Derek poussa. Un groupe d’infirmières qui passait devant le couloir s’arrêta devant la salle, l’air stupéfait, se demandant qui avait un tel accès de colère. Elles eurent la réponse lorsque Derek ouvrit la porte violemment. Les infirmières comprirent à son expression qu’elles allaient faire les frais de sa colère. Le chirurgien leur donna immédiatement raison. Qu’est-ce qu’il y a ? Vous ne m’avez jamais vu ? Vous n’avez rien à foutre ? Il se mit à crier à la cantonade. Est-ce qu’il y a quelqu’un qui travaille dans cette foutue clinique ? Le visage fermé, il se dirigea à grandes enjambées vers les ascenseurs.

    C’est vraiment la fin des vacances, murmura une des infirmières avec une pointe de regret dans la voix.

    Une demi-heure plus tard, Derek sortit du bureau de Richard Webber, avec la sensation que sa journée venait subitement de s’éclairer. Son patron lui avait demandé de remplacer un de ses confrères qu'un problème d'ordre familial empêchait de se rendre à Miami pour participer à une conférence qui devait réunir les meilleurs neurochirurgiens du pays. Il avait accepté sans l'ombre d'une hésitation. Ce congrès n'aurait pas pu mieux tomber. Il allait lui permettre de mettre de la distance, quelques cinq mille kilomètres en fait, entre Meredith et lui. Puisqu’il était mal à l’aise avec elle maintenant, puisqu’il n’osait même plus la regarder en face, il valait mieux l’éviter. L'idée qu'il avait maintenant une bonne excuse pour ne plus la revoir pendant quelques jours avait un peu allégé le sentiment d'oppression qu'il ressentait depuis la scène à la boutique. Toutefois, en repartant vers son bureau, il réalisa qu’il devrait encore jouer la comédie pendant deux jours. Il soupira, ces deux jours risquaient bien d’être les plus longs de sa vie.


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