• Main dans la main, le couple descendit la rue sur une cinquantaine de mètres avant de bifurquer sur Presidio Boulevard qui menait à l’intérieur du parc. Plutôt que de suivre la route, Derek entraina directement son amie en-dessous des eucalyptus et des pins qui s’étaient penchés au fil des ans à cause du vent. Par chance, ce soir-là, la brise était légère et la température relativement douce, mais l’humidité du soir imprégnait déjà l’atmosphère, dégageant du sol une odeur d’aiguilles de pin et de terre mouillée. Comme Derek l’avait prédit, il n’y avait pas un chat et pour être honnête, s’il n’y avait pas eu les lumières des maisons bordant le parc, l’endroit aurait été assez sinistre. D’ailleurs, Meredith ne se sentit pas rassurée et elle se serra contre son amant. Tu as froid ? s’inquiéta-t-il.

    Non. Avec ton pull et ma veste, ça va, le rassura-t-elle. Mais j’aime bien être dans tes bras.

    Derek la prit par les épaules. Comme ça ? Elle acquiesça d’un signe de tête en souriant. Tu vois, j’avais raison, on est les seuls, lui fit-il remarquer. Ça aurait été dommage de se priver de cette petite balade.

    Oui, c’est vrai, concéda Meredith. Tu m’as sans doute trouvée un peu stupide tout à l’heure – Derek hocha la tête - mais ce n’était pas un caprice. C’est juste que je n’ai vraiment pas envie de faire face aux regards des gens, à leurs commentaires, à leurs questions. Je n’ai pas la force d’affronter tout ça pour le moment.

    Derek lui donna un baiser sur la tempe. Oui, je comprends. Mais tu sais, fuir la réalité ne va pas effacer ce qui s’est passé.

    Ce qui n’était qu’une simple constatation fut ressenti par Meredith comme une accusation. Elle s’arrêta net de marcher et se campa devant Derek. Fuir la réalité ? Tu crois que c’est ce que je fais ? Tu crois que c’est possible ? Il voulut répondre mais elle ne lui en laissa pas le temps. J’aimerais tant pouvoir fuir la réalité mais je n’y arrive pas, asséna-t-elle avec un certain énervement. J’y pense tout le temps. Tout le temps !

    Oui, je sais…

    Elle lui coupa la parole. Non, tu ne sais pas. Tu ne peux pas savoir ce que c’est. Tu n’as jamais eu ton ami d’enfance qui te roue de coups, qui te touche contre ta volonté, qui te fourre son sexe dans la bouche.

    Arrête, la supplia Derek d’une voix sourde.

    Tu voulais de la réalité, tu en as, répliqua Meredith. Je n’arrête pas de penser à ce qu’il m’a fait. Je le revis à chaque instant. Les images sont toujours là, dans ma tête. Et je sens sa présence, tout le temps, au point d’avoir l’impression parfois qu’il est là et qu’il me surveille.

    Derek la prit dans ses bras en la grondant gentiment. Tu vas me faire le plaisir de te retirer cette idée de la tête tout de suite. Il ne connait pas la maison de Callie et encore moins celle de Marc. Il n’y a aucun moyen qu’il sache où tu es. Pelotonnée contre lui, Meredith l’approuva d’un signe de tête. Et à mon avis, il est déjà très loin, poursuivit Derek comme s’il voulait achever de la convaincre. Il s’est sûrement dit que tu avais porté plainte et il n’aura pas attendu que la police parte à sa recherche. A ce sujet, d’ailleurs…

    Meredith l’interrompit avec un ton blasé. Oui, tu veux que je porte plainte. Je sais, Mark m’en a déjà parlé.

    Tu dois le faire, bébé, insista Derek. Il faut qu’il paie pour ce qu’il t’a fait. Une fois qu’il sera sous les verrous, tu seras soulagée et tu pourras vraiment aller de l’avant.

    Avant de le mettre en prison, il faudrait déjà l’attraper, souligna Meredith avec un air désabusé.

    Oh je ne m’inquiète pas pour ça. Il n’est pas assez malin pour leur échapper, ironisa Derek. Il reprit son amie par la main et ils recommencèrent à avancer.

    Je ne sais pas encore ce que je vais faire, reconnut Meredith. Derek tourna la tête vers elle avec un regard désapprobateur. Comprends-moi, l’implora-t-elle. Je n’ai pas envie d’aller raconter dans les détails ce qui m’est arrivé à des inconnus, même si ce sont des policiers. C’est humiliant. Et pour quel résultat ? Il va peut-être se retrouver en prison. Et alors ? Ça ne va pas me rendre ce que j’ai perdu. Mon insouciance, ma confiance. Ses yeux s’embuèrent de larmes. Mes amis… Toi, ajouta-t-elle après un petit silence

    Moi ? Derek la regarda avec un air choqué. Hé ! Tu ne m’as pas perdu. Je suis là.

    Jusqu’à quand ?

    Jusqu’à, jusqu’à… Tu ne m’as pas perdu, c’est tout, s’écria Derek. Comment tu peux en douter ?

    Derek, soupira Meredith en posant sur lui un regard éploré. On ne fait même plus l’amour.

    Il leva les yeux au ciel. A t’entendre, on dirait que ça fait six mois.

    Non, mais ce sera le cas dans six mois, déplora Meredith.

    Ça, tu n’en sais rien, riposta Derek, agacé.

    Je ne suis pas si naïve, rétorqua la jeune fille. Tu n’attendras même pas aussi longtemps pour me quitter.

    Excédé, Derek éleva la voix. Tu veux bien cesser de me prêter des intentions que je n’ai pas ?

    Que tu n’as pas aujourd’hui, mais dans quelques jours ? Dans quelques semaines ?


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  • Meredith voulut avancer mais Derek la retint par la main. Je serai toujours là, promit-il.

    Elle lui arracha sa main. Mais arrête de dire n’importe quoi ! cria-t-elle. Tu te rappelles le genre de relation qu’on a ? Pas de contraintes, pas de prises de tête, que des bons moments. Et avant tout, du sexe ! Oh je sais, tu ne me l’as pas présenté comme ça, dit-elle pour devancer les protestations qu’il n’allait pas manquer de faire. Mais c’était évident que c’était ce que tu voulais. Et là, qu’est-ce que tu as ? Une fille qui passe son temps à pleurer et qui ne supporte même plus l’idée de faire l’amour.

    Derek balaya l’argument d’un revers de la main. C’est passager, ça. Et pour le reste… Il prit son amie par la taille. Est-ce que j’ai un jour fait quelque chose qui t’a fait penser que tu n’étais qu’un plan cul pour moi ?

    Non, mais…

    Il posa son index sur les lèvres de Meredith pour la faire taire. Quand je t’ai proposé de sortir avec moi, au début… Il se tut, un peu effrayé par ce qu’il s’apprêtait à lui confier. Pourtant, il continua. L’heure n’était plus aux faux-semblants. Meredith avait besoin qu’il soit sincère. C’est vrai que je n’envisageais que le sexe, je l’avoue. Mais avec le temps, je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas que ça. Il planta son regard dans celui de la jeune fille. Je suis bien avec toi. Tout semble facile, comme si ça coulait de source. Tu m’apaises. Et surtout, j’ai confiance en toi. Au point même de te parler de moi. Ça ne m’était jamais arrivé. Il lui sourit tendrement. Et puis, on discute, on s’amuse. Je ne suis pas le genre d’homme qui rit beaucoup mais avec toi, oui. Et je ne me force pas, c’est naturel. C’est comme si tu me faisais découvrir des émotions. Ce sont des choses auxquelles je n’ai pas du tout envie de renoncer. Il se pencha vers elle. Je suis vraiment bien avec toi, bébé, lui répéta-t-il, la bouche collée à son oreille. Et ça n’a strictement rien à voir avec le sexe.

    Elle avait envie de le croire mais maintenant, c’était compliqué. Tu dis ça mais pourtant… On a fait l’amour à chaque fois qu’on s’est vu.

    Pour la seconde fois, Derek leva les yeux au ciel. Bien sûr qu’on a fait l’amour à chaque fois ! J’adore faire l’amour avec toi. Entre nous, c’est génial. C’est grandiose, même. Je ne vois pas pourquoi on s’en priverait. Mais il y a plus que ça entre nous. Il caressa la joue de la jeune fille. Dis, tu me crois ?

    Meredith acquiesça. Oui, je te crois. Mais ça ne fait que trois jours, Derek. Qu’est-ce qui se passera quand tu seras privé de sexe depuis deux semaines ? Ou un mois ? Peut-être même beaucoup plus.

    Qui te dit que ça durera aussi longtemps ? demanda-t-il avec calme.

    Tu as bien vu ma réaction, tout à l’heure, lui rappela Meredith. Tu as eu… Incapable de prononcer les mots qu’elle avait en tête, elle déglutit avec bruit. Je ne le supporte pas. Ça me fait peur maintenant.

    Qu’elle le dise aussi franchement fit mal à Derek mais il prit sur lui pour ne pas le lui montrer, parce qu’il ne voulait pas l’accabler. Après ce que tu as vécu, c’est tout à fait normal. Je le comprends. Je n’en fais pas un drame, fais-en autant. Avec le temps…

    Elle lui coupa la parole. Et si le temps ne change rien ? Qu’est-ce que tu feras si ça dure ?

    J’attendrai, affirma-t-il avec conviction. Meredith ne put dissimuler qu’elle était plus que dubitative, ce qui agaça Derek. Bon sang ! s’exclama-t-il. Pour qui tu me prends ? Pour un animal en rut que ne sait pas se retenir ? Il lui prit le visage entre les mains. Je peux y arriver, je le sais. Fais-moi confiance.  

    Il paraissait vraiment sincère et elle était tentée de lui faire confiance, comme il le lui demandait, mais il y avait en elle quelque chose qui l’en empêchait et c’est pour ça qu’elle voulut le pousser dans ses retranchements. Et si je ne m’en remets jamais ? Si je n’avais plus jamais envie de faire l’amour ?

    Derek lui décocha un sourire plein d’assurance. Tu en auras encore envie. Un jour, tout redeviendra comme avant. Il faut juste être patiente.

    Son optimisme à toute épreuve exaspéra Meredith. Tu n’arrêtes pas de dire ça mais qu’est-ce que tu en sais ? Son débit de paroles s’accéléra. Tu ne sais pas ce que j’ai vécu, tu ne sais pas ce que ça m’a fait, tu ne sais pas ce que je ressens. Rien, tu ne sais rien ! Alors, arrête de dire que tout redeviendra comme avant.

    C’est vrai, je ne sais pas ce que tu ressens, admit Derek. Mais ce que je sais avec certitude, c’est que bientôt tu retrouveras ta vie d’avant. Peut-être pas tout à fait la même, mais l’un dans l’autre… Et tu éprouveras à nouveau du désir.

    Et toi ?

    Moi ? Je suis là pour toi. Il la reprit dans ses bras et l’embrassa dans le cou, juste sous l’oreille. Et j’ai toujours très envie de toi, chuchota-t-il. Ne t’en fais pas pour ça.

    Montre-moi, ordonna Meredith. Elle lui prit les mains et les posa d’autorité sur ses seins. Caresse-moi. Interloqué par cette demande à laquelle il ne s’attendait pas du tout, Derek resta immobile. Vas-y, l’encouragea-t-elle. Montre-moi que tu as envie de moi. J’en ai besoin.

    Il y avait ce qu’elle disait et il y avait son attitude. Tout dans celle-ci indiquait que la sensation des mains de son amant sur sa poitrine lui était insupportable. Elle était raide, figée et elle avait tourné la tête, comme si elle n’était pas capable de regarder Derek en face. Il retira les mains de ses seins. C’était intolérable de la voir souffrir et plus encore, d’en être la cause. Meredith… non. Pas comme ça. Je ne veux pas.


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  • Les épaules de la jeune fille s’affaissèrent. Je le savais, dit-elle avec un accent de désespoir.  

    Derek comprit les sombres pensées qui la tourmentaient. Non, tu ne sais pas.

    Mais si ! Bien sûr, c’est logique. Comment pourrais-tu encore avoir envie de moi après ça ? Meredith se mit à pleurer. Un autre m’a touchée. Il m’a salie et…

    Il ne t’a pas salie ! martela Derek. C’est lui qui s’est sali en posant les mains sur toi. Et ce qu’il t’a fait n’a pas changé l’image que j’avais de toi. Meredith secoua la tête. Ecoute-moi, la conjura Derek. Le jour où on a fait l’amour pour la première fois - ses yeux se mirent à briller - tu m’as fait un cadeau, le plus beau qui soit. Et je ne parle pas uniquement de ta virginité. Ce cadeau, je n’en étais pas digne et je ne le suis toujours pas. Mais puisque tu me l’as fait, je ne laisserai personne, tu m’entends, personne, et surtout pas ce salaud, me le reprendre. Il dégagea les mèches de cheveux qui, sous l’effet du vent qui était monté, venaient encombrer le visage de la jeune fille. Mon désir pour toi est intact. Mais je ne peux pas te le montrer, parce que si je te le montre, je te fais peur. Et tu ne t’imagines pas à quel point cette idée est dure à supporter. Il la regarda avec un air désespéré.

    Ce n’est pas toi qui me fais peur, certifia Meredith, le visage ruisselant de larmes. C’est le désir, le sexe. Je n’arrive pas à faire la part des choses entre toi et… C’est lui que je vois, que je sens.

    L’aveu fut terrible pour Derek. Je ne suis pas lui, murmura-t-il douloureusement. Moi, je ne veux pas te faire de mal.

    Meredith opina lentement de la tête. Je sais mais je n’arrive pas à me raisonner. C’est plus fort que moi. Un sanglot la fit hoqueter. Si seulement je pouvais me réveiller et réaliser que tout ça n’est qu’un horrible cauchemar ! Mais ça s’est vraiment passé et maintenant, je n’ai plus rien ! Elle se libéra de l’étreinte de son amant et fit demi-tour en courant.

    Meredith, hurla Derek en se lançant à sa poursuite. Elle était rapide et il dut augmenter la cadence de ses foulées pour la rattraper. Il n’était plus qu’à deux mètres d’elle quand il trébucha sur une branche tombée au sol, ce qui permit à la jeune fille de le distancer à nouveau. Meredith, cria-t-il encore.

    Elle ne s’arrêta pas. Elle courait à toutes jambes sans trop savoir où elle allait, ni ce qu’elle allait faire. Tout ce qu’elle savait, c’est qu’elle ne voulait plus ressentir la honte qu’elle éprouvait quand elle était avec Derek, ni le désespoir que suscitaient tous ses rêves détruits, ni la rage qui l’envahissait quand elle pensait à ce que George lui avait fait, ni la colère qu’elle avait envers elle-même, parce qu’elle ne pouvait s’empêcher de se blâmer pour n’avoir pas fait tout ce qu’elle pouvait pour repousser son agresseur. Il fallait que toutes ces émotions disparaissent et pour cela, elle ne voyait pas d’autre moyen que la fuite. Peut-être que quand elle aurait couru très longtemps, elle serait tellement exténuée qu’elle ne ressentirait plus rien.

    Elle allait atteindre la route quand une vive douleur lui vrilla le bas du dos avant de se propager dans le haut de son corps, la stoppant net dans sa course. C’est avec peine qu’elle parvint à faire encore quelques pas jusqu’à un arbre, contre lequel elle s’appuya. J’ai mal, souffla-t-elle à Derek qui venait de la rejoindre.

    Mal où ? Dans la poitrine ? l’interrogea-t-il avec un air soucieux.

    Haletante, elle hocha la tête. Non. Le dos surtout, et ma nuque. C’est la même douleur que j’ai depuis hier.

    Des douleurs musculaires, tu veux dire ? se renseigna Derek, tout aussi essoufflé qu’elle. Elle confirma d’un signe de tête. Pas de douleurs thoraciques ? Pas de difficultés respiratoires ? insista le chirurgien.

    Non, non, le rassura Meredith. Ça va. J’ai juste besoin d’un antidouleur.

    On va retourner à la maison et je t’en donnerai un. Derek jaugea la situation en quelques secondes. Il était évident qu’elle ne serait pas capable de marcher jusqu’à la maison. Aucun des deux n’avait pris son téléphone, il n’était donc pas possible d’appeler un taxi. Quant à la laisser seule dans le parc, le temps d’aller chercher la voiture, ce n’était même pas la peine d’y penser. Elle était trop fragile pour rester seule dans un environnement qui lui semblait hostile et la peur ne ferait qu’aggraver son état. Dès lors il n’y avait pas trente-six solutions. Je vais te porter, lui annonça-t-il.

    Il se pencha pour la prendre dans ses bras mais elle le repoussa. Non, je vais marcher. En m’appuyant sur toi, ça ira. Elle s’arrêta après cinq mètres. Je ne peux pas, j’ai trop mal, avoua-t-elle.   

    Bon, on en revient à ma première idée, déclara Derek. Je vais te porter jusqu’à la maison. Il la souleva dans ses bras et commença à avancer.

    Tu es fou, protesta Meredith. Tu ne vas jamais y arriver.

    Derek haussa un sourcil. Dis donc, toi, tu me prends pour une mauviette ? Fais confiance à ton homme. Il gère.

    D’accord. Meredith posa sa tête sur l’épaule de son amant avec le sentiment bizarre que, finalement, son agression n’avait pas que des aspects négatifs. Elle semblait avoir amené Derek à prendre conscience de ses sentiments. Qu’il se définisse comme son homme était une avancée majeure. Alors maintenant, elle allait devoir se montrer à la hauteur pour combler ses attentes !


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  • Derek posa précautionneusement Meredith sur un fauteuil. J’arrive. Je vais aller chercher les antidouleurs dans ton sac. Marc l’a déjà monté, je suppose ? s’enquit-il en faisant un pas en direction du hall.

    La jeune fille l’arrêta. Oui mais les médicaments sont dans la cuisine, répondit-elle. Mark m’en a déjà donné un tout à l’heure.

    Derek traversa rapidement la salle de séjour. Le temps de prendre un comprimé et de verser un verre d’eau, il était de retour. Il s’assit sur l’accoudoir du fauteuil, surveillant d’un regard attentif son amie tandis qu’elle prenait le médicament. Ça va ? Après avoir acquiescé, elle s’appuya contre le dossier du fauteuil et ferma les yeux. Quelle idée de te mettre dans des états pareils, murmura Derek.

    Meredith rouvrit les yeux et le regarda avec un air accablé. Tu ne te rends pas compte. Si un jour, tu n’es plus là…

    Mais je suis là et je n’ai pas l’intention de partir, réaffirma Derek. Et je ne veux plus entendre quoi que ce soit à ce sujet ! Alors maintenant, on parle d’autre chose. Il sortit le tube de gel à l’arnica de la poche de son jean. C’est à toi, ça ?

    Oui. Enfin, c’est Mark qui me l’a apporté, rectifia Meredith. Il m’en a mis tout à l’heure et ça m’a fait du bien.

    Derek haussa les sourcils. Même s’il avait toute confiance en son meilleur ami, il n’appréciait que moyennement l’idée que ce dernier avait posé ses mains sur Meredith. Au fil des jours, il sentait grandir en lui un sentiment de jalousie, pire encore, un instinct de possession envers elle, et c’était plus que surprenant, parce que tout cela lui avait été totalement étranger jusqu’à ce qu’il la rencontre. Alors, comme ça, il t’a mis du gel tout à l’heure ? persifla-t-il.

    Meredith ne réalisa aucunement qu’il était contrarié. Oui, dans le dos, précisa-t-elle innocemment.

    Dans le dos, répéta Derek sur un ton sarcastique. Tu m’en diras tant. Où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir, n’est-ce pas ? 

    Cette fois, Meredith comprit. Cela la fit sourire. Dieu qu’il était compliqué ! Mais bizarrement, c’était un de ses traits de caractère qu’elle aimait le plus. Le dos, Derek ! Je pense qu’il y a des zones bien plus érotiques que ça. Et puis, Mark est ton meilleur ami. Il ne ferait jamais rien contre toi, et tu le sais.

    Oui mais ça n’en reste pas moins un homme, répliqua Derek. Et je n’ai pas envie qu’il se rince l’œil avec toi.

    Meredith souffla. Oh tu dis toujours ça ! Rincer l’œil. Elle lui lança un regard moqueur. Ah ça, il a été bien rincé, son œil. J’ai tellement de bleus partout qu’on pourrait presque me confondre avec la Schtroumpfette.

    Je te ferai remarquer que tous les Schtroumpfs ont envie de se la faire, rétorqua Derek avec le plus grand sérieux. Alors, la prochaine fois que tu veux qu’on te mette du gel, tu oublies Mark et tu me demandes.

    Eh bien, qu’est-ce que tu attends ?

    Avec plaisir. Derek se releva après lui avoir donné un léger baiser sur la joue. Allez, viens. Il la reprit dans ses bras pour l’emmener au deuxième étage, dans ce qui allait être leur chambre. Tu n’as pas froid ? lui demanda-t-il en la déposant sur le lit. Tu veux que je mette du chauffage ?

    Non, ça va, répondit Meredith en retirant son pull. Au moment de dégrafer son soutien-gorge, elle eut une hésitation. Et ça, je dois l’enlever ?

    Même s’il était mortifié de constater qu’elle éprouvait toujours de la gêne vis-à-vis de lui, Derek réussit à ne pas le montrer. Non, ce n’est pas nécessaire, dit-il en hochant la tête. Il vint s’asseoir près d’elle. Je pourrais peut-être commencer par un léger massage, si tu veux, proposa-t-il sur un ton très détaché, pour qu’elle ne se méprenne pas sur ses intentions.

    Elle tourna la tête vers lui avec un air étonné. Mark a dit qu’on ne pouvait pas masser avec du gel.

    Et il a raison, commenta Derek. Bien sûr, je vais éviter de masser ton dos ici. Il effleura la zone située autour de l’omoplate gauche, qui était la plus noire et la plus enflée. Mais tu n’as aucun hématome dans la nuque, par exemple, ni sur les épaules, ni sur les bras. Je pourrais te masser là. Qu’est-ce que tu en penses ? Ça pourrait peut-être t’aider à te relaxer, non ?

    Oui, ce serait bien.

    Derek s’éclipsa dans la salle de bains pour se laver les mains. Il en revint en les frottant vigoureusement l’une contre l’autre, pour les réchauffer. Tu es prête ? demanda-t-il à son amie.


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  • Meredith opina d’un signe de tête. Derek s’installa derrière elle, ses jambes encadrant les siennes. Si je te fais mal, ou si je te mets mal à l’aise, n’hésite pas à me le dire, d’accord ? Après qu’elle eut marqué son approbation, il commença par lui masser le haut du dos, les épaules, les bras et le cou. Ensuite, avec ses pouces, il pétrit doucement la base du crâne, avant de descendre un peu sur la nuque, où il exerça des mouvements circulaires de part et d’autre des cervicales. Ça te fait du bien ? s’enquit-il après la troisième fois.

    Oh oui, gémit Meredith.

    Un frisson parcourut l’épine dorsale de Derek. Il n’était plus aussi certain d’avoir eu une bonne initiative en proposant ce massage pourtant tellement innocent. Lui, habituellement si totalement maître de lui, était quasiment en transe au seul son de la voix d’une gamine de vingt ans. Mais puisque cela la soulageait, c’était à lui de se contrôler. Il poursuivit en décrivant de petits cercles de chaque côté de la colonne vertébrale, au niveau du haut des omoplates, en remontant dans la nuque jusqu’à la naissance des cheveux. Après l’avoir fait deux fois, il plaça ses mains de chaque côté de la tête avec les doigts écartés et appuya légèrement sur le cuir chevelu, comme s’il faisait un shampoing. Il sut que Meredith appréciait en l’entendant pousser quelques longs soupirs. Je vais m’occuper de ton dos maintenant, l’avertit-il après un certain temps. Mais il vaudrait mieux dégrafer ton soutien-gorge, sinon je vais l’enduire de gel, lui aussi. Il se pencha au-dessus de son épaule pour la regarder de côté. Tu veux bien ? Elle répondit par l’affirmative. Après qu’il eut défait l’attache du sous-vêtement et écarté les bretelles, Meredith prit l’initiative d’ôter son soutien-gorge. La satisfaction que Derek ressentit alors, parce qu’il y voyait le signe que finalement, elle recommençait à se sentir à l’aise avec lui, se transforma en dépit quand elle reprit son pull pour le mettre devant elle, probablement dans le but de lui cacher sa poitrine. Il avait beau comprendre les raisons de cet excès de pudeur, ça n’en était pas moins dur à vivre. Ne manifestant cependant aucune réaction, il prit le tube de gel et en fit tomber une grosse noisette sur le haut du dos de la jeune fille, entre les épaules. Il l’étala délicatement en effleurant à peine la zone qui était la plus atteinte. Ensuite, il partit vers l’extérieur en grands cercles concentriques. Ça va ? Tu ne souffres pas ?

    Non, au contraire, assura Meredith avec une intonation presque béate. Ça me fait vraiment du bien. Dommage que tu ne puisses pas me masser comme ça partout !

    Derek lui embrassa l’épaule. Ne t’en fais pas. Dans quelque temps, les hématomes se seront résorbés et je pourrai te faire un vrai massage. Quand il eut terminé, il se déplaça pour s’agenouiller face à elle. Les bras, maintenant. Il les enduisit de gel, partant de l’épaule pour arriver au poignet, exerçant de très légères pressions aux endroits les plus touchés, sans quitter le visage de la jeune fille des yeux. Elle avait fermé les siens et penché légèrement la tête sur le côté, avec un sourire si léger qu’il en était à peine visible. Elle semblait presque sereine, comme si le désespoir qui l’avait secouée un peu plus tôt s’était évanoui. Mais Derek, qui commençait à bien la connaître, savait qu’il n’en était rien. Le désespoir était toujours là, tapi au fond d’elle, prêt à ressurgir à la première occasion.

    Elle sentit le regard de son compagnon sur elle et rouvrit les yeux. Qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-elle timidement. 

    Je t’admire.

    Pourtant, il n’y a rien à admirer, dit-elle avec amertume.

    Ne sois pas sotte, la gronda Derek. Tu es ravissante.

    Tu parles ! grogna-t-elle, l’air buté.

    Tu es magnifiquement, terriblement belle. Comment vais-je devoir te le dire pour que tu me croies enfin ? Derek se rapprocha d’elle et s’empara de ses lèvres avec un peu plus d’ardeur qu’il ne l’avait voulu. Leurs bouches luttèrent, de bécots en suçotements, de petits coups de langues en baisers profonds, rythmés par de petits gémissements. Ils ne se séparèrent que pour reprendre leur souffle. Et maintenant ? haleta Derek. Est-ce que tu me crois maintenant ?

    J’avoue que c’est assez convaincant, répondit Meredith, malicieuse.

    Assez ? J’essaierai de faire mieux la prochaine fois, promit Derek avec un petit rire. Il s’assit sur ses talons tandis que son rire s’amplifiait. Tu ne manques pas d’air tout de même.

    C’est ce qui fait mon charme, plaisanta la jeune fille. Elle redevint sérieuse en voyant qu’il refermait le tube de gel. C’est déjà fini ?

    Oui, j’en ai mis partout où c’était nécessaire, estima-t-il.

    Meredith baissa les yeux sur sa poitrine. Et là, on ne peut pas en mettre ? Il y a des hématomes aussi.

    Oh si, bien sûr. Derek lui tendit le tube. Tiens.


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