• Après avoir raccroché, Derek passa dans la cuisine pour se servir un verre d’eau. Il aperçut son reflet dans la vitre d’une armoire et vit qu’il avait les traits tirés. Sa barbe naissante et ses cheveux décoiffés accentuaient l’impression de fatigue qui se dégageait de son visage. Il aspergea généreusement ce dernier d’eau fraiche avant de se dépêcher de remonter à l’étage. Il ouvrit doucement la porte de la chambre et avança avec précaution vers le lit où Meredith dormait toujours. Il s’assit sur le bord du matelas pour la regarder. Même avec le visage blessé, elle restait ravissante, une véritable poupée. Du moins, c’est ainsi qu’il la voyait. Il fut submergé par un véritable élan de tendresse qui le poussa à déposer un léger baiser sur les lèvres de la jeune fille. Cela suffit à la tirer de son sommeil. Oh je t’ai réveillée, regretta Derek avec un air contrit. Je suis désolé.

    Meredith lui sourit. Il ne faut pas. C’est très agréable de se faire réveiller par un baiser, je trouve.

    Il lui effleura la joue du bout de ses doigts. Tu es si belle, je n’ai pas résisté.

    Elle se renfrogna aussitôt. Arrête de dire que je suis belle, ce n’était déjà pas vrai avant, alors maintenant…

    Derek posa un doigt sur sa bouche pour la faire taire. Tu es belle, tu es ravissante, tu es magnifique, aujourd’hui comme hier.

    Tu dis n’importe quoi, murmura Meredith, touchée par la sincérité qu’elle percevait dans ces compliments.

    Derek hocha doucement la tête. Pas du tout, et crois-moi, je m’y connais !

    Oh ça, je n’en doute pas, répliqua la jeune fille.

    Alors, n’y revenons plus, tu veux bien ? chuchota Derek en rapprochant son visage de celui de son amie. Leurs regards s’accrochèrent pour ne plus se quitter. Cet échange si intense troubla Derek. Bien sûr, il y avait le contexte et après ce que Meredith venait de vivre, il ne voulait certainement pas la mettre mal à l’aise mais il ne pouvait s’empêcher de la désirer. Craignant qu’elle ne le trouve indécent, il s’écarta juste après lui avoir donné un sage baiser sur la joue. Je vais préparer le petit-déjeuner ? proposa-t-il sur un ton guilleret.

    Meredith fit une petite moue. Pour toi peut-être mais moi, je n’ai pas très faim.

    Même si ce n’est qu’un peu, il faut que tu manges, bébé, lui conseilla Derek sur un ton un peu paternaliste. Sinon, comment veux-tu reprendre des forces ?

    Tu as raison. Meredith se redressa en grimaçant tant ses membres lui faisaient mal.

    Tu souffres tant que ça ? lui demanda Derek avec sollicitude.

    Mon dos surtout, répondit-elle en sortant les jambes de sous la couette pour se lever.

    Derek lui prit les jambes et les souleva légèrement, avec précaution, pour les placer sur ses cuisses. Dans ce cas, tu vas prendre ton petit-déjeuner au lit, annonça-t-il en lui caressant les mollets.

    Je ne peux tout de même pas rester immobile sous prétexte que j’ai mal, lui fit-elle remarquer.

    Bien sûr que non, mais tu peux démarrer en douceur, objecta-t-il. Tu prends le petit-déjeuner au lit, le temps que l’antidouleur que je vais te donner fasse son effet. Il reposa les jambes de Meredith sur le lit avant de se lever. Tu as des exigences particulières pour manger ? se renseigna-t-il avec un petit sourire.

    Meredith fit signe que non. Mais ne prévois pas trop. Ça serait du gaspillage. Après qu’il soit sorti de la pièce, elle arrangea les oreillers pour être mieux installée, tout en réfléchissant à ce qui s’était passé un peu plus tôt. Impossible de se méprendre, c’était bien du désir qu’elle avait vu dans les yeux de Derek. Si elle était heureuse de constater que les sentiments de ce dernier à son égard ne semblaient pas avoir changés, elle se sentait totalement incapable d’assumer le côté sexuel de leur relation. A chaque fois qu’elle y pensait, l’image de George, pervers, violent, se substituait à celle, adorable et tendre, de Derek. A nouveau convaincue que celui-ci ne tarderait pas à la quitter, elle laissa échapper quelques larmes de tristesse.

    Dans le même temps, Derek s’était adossé à la porte de la chambre. Il s’était rendu compte à quel point cela allait être dur de gérer la situation. Ces derniers temps, des liens s’étaient tissés entre eux qui avaient renforcé leur relation. Il désirait Meredith, autant qu’avant, peut-être même plus, et il lui était interdit de le lui montrer. Pas évident, voire impossible pour un homme avec son tempérament. Pourtant, il n’avait guère le choix. Il était là pour tirer Meredith vers la lumière, pas pour l’enfoncer dans le drame. Fort de ses bonnes résolutions, il prit la direction de la cuisine. A peine entré, il repéra une feuille de papier qui trônait au milieu de la table. Il sourit en découvrant les premiers mots que Mark avait écrits. Les fées du logis sont parties au petit matin pour faire un peu de rangement. Fais-moi biper quand tu veux. Je te ferai un rapport.

    Tout en choisissant dans le frigo ce qui pouvait constituer un petit-déjeuner appétissant, Derek appela la clinique. On lui indiqua que le Dr Sloan était auprès d’un patient et qu’il allait être prévenu de son appel immédiatement.


    2 commentaires
  • Derek terminait de confectionner la pâte à pancakes lorsque son téléphone sonna. Salut, Mark. Alors, ça a été ?

    Oui, on a fait ce qu’il fallait, répondit Mark. A ce sujet, faut que je te dise quelque chose. Intrigué, Derek abandonna sa pâte. Ce matin, Callie m’a fait penser à un truc, poursuivit Mark. Elle m’a fait remarquer qu’en faisant le ménage, on allait effacer toutes les preuves.

    Derek soupira. Donc, vous n’avez rien fait.

    Si, si, on a rangé et nettoyé, comme je te l’avais promis, déclara Mark. Et j’ai mis une affiche annonçant la fermeture pour raisons familiales. Mais avant… Tu te souviens de la fille que j’avais opérée l’année dernière, celle qui avait eu cet accident de voiture sur la I5 ? Son visage était salement amoché.

    Derek fit une moue. Oui. Vaguement. 

    Quand elle est sortie de l’hôpital, c’était comme si elle n’avait rien eu ou presque, reprit Mark. Son frère m’avait dit que si j’avais besoin de lui, je pouvais l’appeler. Il est capitaine de police, précisa-t-il en se demandant comment son ami allait prendre ce qu’il avait à lui dire. Alors, je l’ai appelé.

    Mark, non, dit Derek en soufflant légèrement. Tu n’aurais pas dû.

    Si, Derek, je devais, objecta Mark. Je sais que tu aurais préféré la discrétion par respect pour Meredith mais on l’a amenée à la clinique, des infirmières l’ont vue, on lui a fait passer des examens. Et puis, il y a eu viol. On ne peut pas garder le silence.

    Derek soupira à nouveau. Je sais. Mais j’aurais préféré en discuter avec elle avant. Là, elle va avoir l’impression qu’on lui force la main et ça m’étonnerait vraiment qu’elle réagisse bien.

    On ne lui force pas la main et tu vas pouvoir lui en parler avant, assura Mark. J’ai expliqué la situation à John et il est d’accord de ne rien faire tant qu’on ne lui donne pas le feu vert. Il est venu, il a pris les empreintes et des photos, il a fait des prélèvements pour les faire analyser mais ça s’arrête là.

    Et si on ne lui donne jamais le feu vert ? s’enquit Derek tout en prenant quelques tranches de pain pour les toaster.  

    Eh bien, ça en restera là, certifia Mark. John se sent redevable envers moi, alors il ne fera rien tant que je ne le lui aurai pas dit. Mais je pense qu’il faut vraiment convaincre Meredith de porter plainte, insista-t-il. Il faut mettre ce mec hors d’état de nuire. Et rapidement !

    Oui, tu as raison, reconnut Derek. Je vais lui en parler dès que j’en aurai l’occasion. Il faut juste que je trouve les bons arguments pour la convaincre.

    Ah je te fais confiance, tu trouveras. Mark fit un clin d’œil coquin à une infirmière récemment engagée qu’il trouvait particulièrement attrayante. Et elle va bien ?

    Pas trop mal, vu les circonstances. Derek grimaça parce qu’il s’était brûlé légèrement les doigts en retirant les premiers toasts du grille-pain. Elle souffre encore mais avec les antidouleurs, ça va. Quant au moral, il y a des hauts et des bas.

    C’est logique après ce qu’elle a traversé, estima Mark. Et tu as eu des nouvelles de ses copines ?

    Derek opina de la tête. Oui, elles ont téléphoné ce matin. La mégère voulait passer un savon à Meredith parce qu’elle avait raté le rendez-vous avec le livreur.

    Elle manque pas d’air, celle-là, s’exclama Mark.

    Ouais mais rien d’étonnant quand on la connait, ironisa Derek.

    Tu lui as expliqué ce qui s’était passé ? se renseigna Mark.

    Oui, sans entrer dans les détails, dit Derek. Elles vont rentrer aujourd’hui.

    Mark se dirigea vers la machine à café. Comment elles ont réagi ?

    Elles ne s’attendaient pas du tout à ça, elles étaient un peu sonnées, je crois. Derek mit de l’eau à chauffer pour le thé. Izzie, surtout.

    Putain, tu m’étonnes ! C’est son cousin, souligna Mark. Comment tu pourrais imaginer un truc pareil de la part d’un membre de ta famille ?

    Derek ricana. Tout dépend de ta famille. Moi, ça ne m’aurait pas trop étonné dans la mienne.

    T’es con, bougonna Mark.

    Derek changea de sujet. Qu’est-ce que tu as dit à Richard ?  

    Mark appuya sur la touche qui correspondait au latte macchiato. La vérité. Que tu prenais un congé parce que tu avais des problèmes personnels à régler de toute urgence. Il aurait bien voulu savoir combien de temps ça allait durer mais je suis resté vague.


    3 commentaires
  • Tu as bien fait, je ne le sais pas trop moi-même. Derek se laissa tomber sur une chaise. Elle n’a que vingt-et-un ans, Mark, et tellement de choses à gérer. Je veux l’aider mais je ne sais pas trop comment. Je suis capable de soigner les blessures physiques mais pour ce qui est de la psychologie…

    Tu ne t’es pas trop mal débrouillé jusqu’à présent, lui fit remarquer Mark en se passant la main sur le menton. De l’autre main, il prit le gobelet de café et en but une gorgée avant d’entrer dans une salle de réunion vide.

    Jusqu’à présent, oui. Derek regarda par la fenêtre de la cuisine sans rien voir du magnifique paysage qui s’offrait à lui. Il ne faut pas se faire d’illusions, elle ne va pas récupérer en quelques jours. Elle a besoin d’être entourée, d’avoir quelqu’un qui soit avec elle vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour veiller sur elle. Comment est-ce que je vais faire ça, Mark ? J’ai des patients, une carrière. En plus, il est hors de question qu’elle rentre chez elle pour le moment et je ne peux pas imposer notre présence à Callie au-delà du week-end.

    Marc haussa les épaules. Bah, tu sais bien que ça ne va pas la déranger. Elle adore recevoir du monde.

    Oui, mais je ne veux pas. Meredith ne la connait pas assez bien pour se sentir totalement à l’aise chez elle. Et puis, non, ça ne va pas, décréta Derek en se relevant pour presser des oranges afin d’en extraire le jus.

    Vous pourriez aller à l’hôtel, suggéra Mark.

    J’y ai pensé mais… Derek plissa légèrement son nez. Ce n’est pas la solution idéale non plus. Le personnel et les clients qui vont et viennent… j’ai peur que Meredith ne se sente pas en sécurité avec tout ça. Je ne sais pas. Je pourrais l’emmener chez moi, se dit-il soudain. Avoir eu cette idée le terrifia. Cela le ramenait à un passé qu’il avait refoulé profondément, à des sentiments auxquels il avait cru ne plus jamais être confronté. Il éprouva le besoin d’en parler à son ami. Je viens d’envisager de l’emmener à la péniche. Mark fut tellement surpris qu’il ne sut que dire. Oui, je sais, ça m’a coupé le souffle à moi aussi, avoua Derek. Je n’ai plus ramené une fille chez moi depuis… Il y eut un blanc. Meredith… je sais qu’elle n’est pas comme… comme ça. Elle est différente. C’est bien là, le problème. La voix de Derek se transforma en un souffle. Je ne suis pas prêt pour ça, Mark. Je ne peux pas. Je voudrais mais je ne peux pas. 

    Affalé dans un fauteuil, Mark eut l’impression que ses muscles se tétanisaient. Que la pensée de ramener une fille dans sa maison ait seulement effleuré Derek était presque surréaliste. Il sut qu’il avait vu juste. Après tant d’années, l’amour était revenu frapper à la porte de son meilleur ami, et avec quelle force ! Raison de plus pour lui de n’envisager que des relations purement amicales avec la demoiselle. Dommage, pensa-t-il.

    Mark ? Tu es là ? s’inquiéta Derek.

    Mark se secoua. Oui, oui, excuse-moi. Mais ce que tu m’as dit, c’est tellement… Il soupira. Ecoute, ne te casse pas la tête. Vois au jour le jour. Il eut soudain une idée qu’il trouva brillante. Tu te souviens de ma maison de Pacific Heights ?

    Evidemment ! On y a passé des super moments quand on était gamin, se remémora Derek.

    Ouais. Marc sourit avec nostalgie. Tu te rappelles la fête qu’on y avait faite pour mes seize ans ?

    Le regard mélancolique, Derek acquiesça d’un signe de tête. Bien sûr.

    C’est ce soir-là que tu t’es tapé Linda Positano, non ? ajouta Mark.

    Oh putain ! Derek émit un peu rire. Je l’avais oubliée, elle.

    Moi pas ! Tu m’avais tenu éveillé toute la nuit pour me raconter comment elle t’avait sucé, maugréa Mark dont le regard rieur contredisait l’intonation morose. J’avais eu droit à tous les détails.    

    Ah, la première fellation, ça compte, et puis, il fallait bien faire ton éducation, plaisanta Derek. Marc ricana. Alors, qu’est-ce que tu voulais me dire à propos de ta maison de Pacific Heights ? reprit Derek. 

    Je me disais que Meredith et toi, vous pourriez y aller, le temps qu’elle aille mieux, répondit Mark. Le temps qu’elle reprenne ses marques.

    Derek éprouva un réel soulagement. Bien sûr, ça ne résolvait pas tout. Il faudrait par exemple encore trouver quelqu’un qui veillerait sur Meredith quand il devrait reprendre son travail. Mais Mark avait raison, il fallait considérer les problèmes un par un, au jour le jour. Là, ça en faisait déjà un de moins. Merci, mon vieux. J’accepte avec plaisir. Tu viens de m’enlever une solide épine du pied.

    Tant mieux. Je vais demander à Aïda d’aller y faire le ménage, parce que ça fait un moment que c’est inhabité. Mark fit un signe de tête à un collègue qui venait le chercher. Je dois te laisser. Je passerai en début d’après-midi pour examiner Meredith et, par la même occasion, je t’apporterai les clés de la maison.

    D’accord. J’en profiterai pour te donner l’argent de la caisse pour que tu le déposes à l’accueil, avec la clé de la boutique, dit Derek. Je me suis arrangé avec la mégère. 

    Pas de soucis.

    Encore merci, Mark. Je te revaudrai ça. En déposant son téléphone sur la table, Derek se sentit plus léger.


    2 commentaires
  • Il ne fallut à Derek que quelques minutes pour terminer les toasts, cuire les pancakes et mettre sur le plateau tout ce qui était nécessaire pour les accompagner. Il grimpa les escaliers quatre à quatre, pressé d’annoncer à Meredith qu’ils allaient passer les prochains jours dans un nouvel endroit, vierge de tout mauvais souvenir.

    Après avoir fait un détour par la salle de bains pour prendre les antidouleurs, il poussa la porte de la chambre avec un grand sourire. Celui-ci s’effaça à la vue de Meredith qui était manifestement sur le point de faire une autre crise de panique. Derek se précipita vers elle et déposa le plateau sur la table de chevet avant de la prendre dans ses bras. Bébé, qu’est-ce qui se passe ?

    Ça fait longtemps que tu es parti, dit-elle d’une voix de petite fille un peu geignarde.

    Pas si longtemps, protesta Derek. Juste le temps de tout préparer. Et de toute façon, tu savais où j’étais. Tu n’avais aucune raison d’avoir peur.

    Je sais mais c’est plus fort que moi, se lamenta Meredith. Et puis, j’ai mal au dos. Tu avais dit que tu me donnerais un médicament.

    Oui, c’est vrai, reconnut Derek. Il caressa les cheveux de la jeune fille. J’aurais dû te le donner avant de descendre. Je suis désolé.

    Elle s’agrippa à lui, le visage caché au creux de son épaule. Tu dois me trouver insupportable, à toujours me plaindre et pleurnicher.

    Mais non, bien sûr que non. Derek repoussa la couette et s’assit à côté de la jeune fille. Tourné vers elle, une main derrière la taille, une autre posée légèrement sur son ventre, il lui parla avec douceur. Tout va bien, bébé, je suis là. Et tu n’es pas insupportable, je te le promets. Il se détourna, le temps de prendre le cachet de Vicodin et un verre de jus d’orange. Tiens, avale ça. Il présenta le comprimé devant la bouche de Meredith et lui soutint la tête pendant qu’elle l’ingérait.

    Touchée par l’attention qu’il lui témoignait, elle sentit sa gorge se nouer. Tu es tellement gentil, murmura-t-elle pour tenter de dissimuler son trouble. Toutes ces choses que tu fais pour moi… alors que moi, je ne fais que t’apporter des ennuis. Derek claqua sa langue contre son palais pour marquer sa désapprobation. Non mais c’est vrai, s’entêta Meredith. Je n’ai que des problèmes et tu détestes ça. En plus maintenant, je ne suis même plus capable de te donner ce que tu veux. Alors, je sais bien comment ça va se terminer. Tu vas me quitter, c’est sûr, conclut-elle en réprimant ses sanglots.

    Un doigt sous le menton, Derek lui fit tourner la tête pour l’obliger à le regarder dans les yeux. Personne ne va quitter personne, tu m’entends !

    Oh arrête ! s’exclama Meredith. Tu as été très clair sur ce que tu attendais d’une relation. Tu veux de la légèreté et du sexe, deux choses que je ne peux pas te donner maintenant et que je ne pourrai peut-être plus jamais te donner.

    Meredith, soupira Derek.

    Elle lui coupa la parole. Non, je ne veux pas me voiler la face et me raccrocher à des choses qui n’existent pas. Il vaut mieux que je me fasse tout de suite à l’idée que ça ne va pas durer entre nous. Elle essuya du revers de la main les larmes qui perlaient à ses cils.

    Ne dis pas ça, la supplia Derek dans un souffle. Je ne peux pas te laisser dire ça. Je suis bien avec toi. Vraiment bien. Je n’ai pas du tout l’intention de te quitter.

    Meredith le regarda en reniflant. C’est vrai ?

    Oui, vrai de vrai. Derek lui prit la main avec un regard débordant de tendresse. Je… je… Il sourit timidement. Je n’ai pas dit ça souvent… Je tiens à toi, beaucoup. Insensiblement, leurs visages se rapprochèrent jusqu’à permettre à leurs bouches de se réunir en un long et sage baiser. Ne voulant pas risquer de s’emballer, Derek quitta à regret les lèvres qu’il aimait tant embrasser. Tu me crois ? Meredith acquiesça d’un signe de tête. Alors, si on attaquait ce petit-déjeuner ? proposa Derek. Il prit le plateau sur ses genoux. Qu’est-ce qui te fait envie ? Un pancake ? Il en toucha un du bout de l’index et fit la grimace. Ils sont presque froids. Je vais aller les réchauffer.

    Meredith le retint par le bras. Non, ce n’est pas la peine. C’est bon aussi quand c’est tiède. Elle en prit un non pas par faim mais uniquement pour faire plaisir à son amant. C’est toi qui les as faits ? lui demanda-t-elle.

    Il eut l’air amusé. Ben oui, qui veux-tu ? Il étala de la confiture sur un toast qu’il entama aussitôt d’un solide coup de mâchoire, plus pour servir d’exemple que par réel appétit.

    Meredith sembla étonnée. Je ne savais pas que tu savais faire la cuisine.

    Derek rit légèrement. Holà, ne t‘emballe pas. Je n’ai jamais dépassé le stade du petit-déjeuner.

    C’est pas si mal déjà, objecta Meredith. Beaucoup d’hommes ne peuvent pas en dire autant. En plus, c’est bon.

    Eh bien, si c’est bon, tu vas en manger un deuxième, décréta Derek. La mimique de son amie lui indiqua qu’elle en serait incapable. Ou tu préfères peut-être un toast ?

    Elle avait eu des difficultés pour terminer le pancake mais Derek se donnait tant de mal qu’elle n’eut pas le cœur de le décevoir. Oui, un toast, avec de la confiture de fraises, s’il te plait.

    Après lui avait préparé son toast, il la regarda le manger avec une satisfaction non déguisée. Elle se forçait un peu, c’était évident, mais c’était la preuve qu’elle était décidée à ne pas se laisser sombrer. Il l’admira pour cela. Elle était si jeune et pourtant tellement courageuse.


    3 commentaires
  • Penser à l’âge de Meredith rappela à Derek de quelle horrible façon elle était entrée dans sa vingt-et-unième année. Tu sais, dans quelque temps, quand tu seras rétablie, il faudra qu’on fasse quelque chose pour fêter ton anniversaire. Il fit semblant de ne pas remarquer qu’elle se renfrognait. Vingt-et-un ans, c’est une étape importante.

    On en a déjà parlé, lui rappela-t-elle, le front buté. Et je t’ai déjà dit que je n’avais pas envie de faire la fête.

    Oui, bien sûr, je comprends. Derek lui caressa la joue. Pour le moment, tu ne veux pas mais un jour, quand tu iras mieux… Et puis, je ne te parle pas d’une fête avec plein de monde. Je pensais plutôt à partir quelque part, tous les deux, dans un endroit agréable.

    Peut-être. On verra. Pour le moment, elle ne se sentait même pas capable de sortir de la maison, alors partir en villégiature… De plus, elle se doutait que pour Derek, vacances rimait avec sexe à profusion et ça, elle était consciente que ça ne serait plus possible avant longtemps.

    Derek comprit qu’il valait mieux ne pas insister, au risque de braquer Meredith contre son projet. Tu n’as plus faim ? l’interrogea-t-il en lui montrant le bout de toast qu’elle avait reposé sur le plateau.

    Elle secoua la tête avec un air désolé. Non. Je ne serais plus capable d’avaler quoi que ce soit. Mais ne te gêne pas pour moi.

    Non, je n’ai plus faim non plus. Derek posa le plateau par terre. Ah je ne t’ai pas dit, j’ai une bonne nouvelle. On va partir de chez Callie et on va s’installer chez Mark.

    Ah bon ! dit Meredith, surprise. Pourquoi ?

    Derek fit une petite moue. Parce que je ne veux pas imposer notre présence à Callie plus que nécessaire, expliqua-t-il. Et surtout, je n’ai pas envie de l’avoir tout le temps dans les pattes, je l’avoue.

    D’accord mais Mark ? C’est lui qui va nous avoir tout le temps dans les pattes, souligna Meredith. Ça ne va pas le déranger, lui ?

    Derek sourit. Je me suis mal exprimé. Il la souleva délicatement pour l‘installer entre ses jambes écartées, avant de l’attirer contre lui de façon à ce qu’elle puisse se reposer contre son torse. On ne va pas vraiment chez Mark, on va dans une maison qui lui appartient et qu’il met à notre disposition, dit-il en plaçant son visage contre celui de la jeune fille. Tu es d’accord ?

    Meredith opina de la tête avec l’envie de pleurer. Pourquoi fallait-il que Derek lui offre ce qu’elle avait désiré le plus au monde au moment même où elle ne pouvait pas l’assumer ? Maintenant qu’ils allaient enfin vivre ensemble, elle n’était capable de vivre qu’une relation du genre fraternel. Elle douta à nouveau de la capacité de Derek de supporter ça à long terme, quoi qu’il en dise. Elle est où, cette maison ? s’enquit-elle pour qu’il ne s’étonne pas de son silence prolongé.

    Ici, à Pacific Heights, mais à l’autre bout du quartier, lui apprit Derek. Tu verras, la maison est magnifique et il y a un superbe point de vue sur le Présidio.

    C’est vraiment très gentil de la part de Mark de nous prêter sa maison, déclara Meredith.

    Oui, très gentil, approuva Derek. C’est un ami génial. Je peux toujours compter sur lui, quelles que soient les circonstances. Il est comme mon frère.

    Entendre Derek parler ainsi de son amitié avec Mark bouleversa Meredith dont les yeux se noyèrent de larmes. Tu as beaucoup de chance. J’aimerais pouvoir en dire autant.

    Derek entendit à sa voix qu’elle était à nouveau sur le point de craquer et cela lui fit mal au cœur. Il lui aurait été facile de profiter des circonstances et de la vulnérabilité de Meredith pour l’éloigner à tout jamais de ses amies, surtout de Cristina qu’il détestait pour de multiples raisons et qu’il tenait pour responsable d’à peu près tout ce qui était arrivé. Mais ce n’était pas ce dont Meredith avait besoin, au contraire. Il fallait mettre de côté les dissensions pour faire bloc autour d’elle, pour un temps du moins. Tu sais, Cristina t’a appelée ce matin, dit-il à la jeune fille dont les larmes commençaient à déborder. Je me suis permis de décrocher.

    Qu’est-ce qu’elle voulait ? demanda-t-elle en se raidissant. Me passer un savon sans doute.

    Elle se tourna vers lui avec ce petit air sérieux et buté qu’il aimait tant et il se sentit incapable de lui mentir. Eh bien, tu la connais, dit-il avec un petit sourire penaud. On ne l’a pas baptisée mégère pour rien. Mais quand elle a su… Elle était vraiment effondrée, tu sais. Et Izzie encore plus. Le fait que ce soit son cousin… Elles m’ont chargé de te dire qu’elles pensaient fort à toi et qu’elles allaient rentrer aujourd’hui. Comme ça, si tu as besoin d’elles…

    Non, merci ! lança Meredith avec une ironie amère. Elles en ont déjà assez fait ! Même si en son for intérieur elle savait qu’elle était injuste, elle en voulait autant à Cristina qu’à George. Certes, c’était ce dernier qui avait commis un acte criminel mais s’il l’avait fait, c’était parce que Cristina lui en avait fourni l’occasion. Quand est-ce qu’on part chez Mark ? se renseigna-t-elle seulement pour changer de sujet.

    Cet après-midi, répondit Derek. Mark va nous apporter les clés pendant sa pause de midi. Il en profitera pour examiner ton visage. Il aperçut, dans l’échancrure du pyjama de son amie, l’hématome qui noircissait le haut de sa poitrine. D’ailleurs, il faudrait que je fasse la même chose pour ton corps, pour voir si tout va bien.

    Meredith soupira avec un air las. S’il le faut… Mais avant, j’aimerais bien prendre une douche.


    2 commentaires



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires