• George sut que c’était le moment ou jamais de s’enfuir. Il avait horriblement mal partout et il avait l’impression que son corps allait exploser en mille morceaux. Pourtant, son instinct de survie lui donna la force de se relever et de courir hors de la boutique. Une fois à l’extérieur, il se cacha entre deux voitures pour reprendre son souffle.

    Nom de dieu ! tonna Derek, en essayant de repousser Mark. Il s’est tiré. C’est de ta faute.

    Laisse-le partir, recommanda Mark en le libérant. Il a eu son compte.

    Derek courut jusqu’à la porte et sortit sur le trottoir. Mais il ne vit pas George. Fou de rage, il revint dans la boutique. C’est vraiment malin de l’avoir laissé filer, reprocha-t-il à Mark avec hargne.

    C’est à la police de s’en occuper maintenant, répliqua ce dernier.

    Non, c’était à moi ! Tu aurais dû me laisser faire, insista Derek en donnant un coup de pied dans une chaise.

    Et te laisser aller en taule ? objecta Mark. Super option ! Pense plutôt à Meredith !

    Je ne fais que ça justement, riposta Derek.

    Mark lui jeta un regard sévère. Ah ouais ? Alors demande-toi ce qu’elle ferait si tu n’étais plus là. Comment tu l’aiderais du fond de ta cellule ? Il commença à remettre sur pied les quelques chaises que George avait renversées en partant.

    Derek se rendit dans l’arrière-boutique pour se passer de l’eau sur le visage. Il s’adossa ensuite contre le mur et ferma les yeux. Mark avait raison. Il se devait d’être présent pour Meredith. Il lui avait promis d’être à ses côtés, pour l’aider à oublier le drame qu’elle avait vécu, et sa rage avait failli lui faire oublier sa promesse. Il revint dans la salle principale où Mark se consacrait toujours au rangement. Tu as raison, j’allais faire une connerie, admit-il. Mais la façon dont il a parlé de Meredith… j’ai vu rouge. Après ce qu’il lui a fait, oser encore… Il inspira profondément pour refouler la colère qui menaçait d’éclater à nouveau.

     

    Ouais, je sais. C’est une merde, ce mec. Mark posa la main sur l’épaule de Derek. Je comprends que tu aies eu envie de lui écraser sa gueule mais bon… On n’était pas venu ici pour trouver un collier ? Derek acquiesça d’un signe de tête. Et si on se mettait à le chercher ? suggéra Mark. Parce que ta copine va péter un plomb si on s’attarde.

    Ils commencèrent leurs recherches, Derek n’hésitant pas à se mettre à quatre pattes par terre, pour regarder en-dessous des meubles. Tout à coup, il aperçut un reflet scintillant sous une table, dans un coin de la pièce. Là, s’écria-t-il. Je crois que je l’ai trouvé. Il se précipita pour saisir l’objet. Oui, c’est bien lui. Il se releva avec un grand sourire et montra le bijou à Mark.

    Il est cassé, fit remarquer celui-ci.

    Forcément, il le lui a arraché, lui rappela Derek. Mais ce n’est pas grave, je le ferai réparer. Et si ce n’est pas possible, je lui en rachèterai un. Son sourire était empreint d’émotion. Elle sera déjà contente que je l’aie retrouvé.

    Oui, ça va lui faire plaisir. Mark regarda sa montre et fit une grimace. Tu réalises qu’on est sensé travailler dans moins de cinq heures ?

    On y va. Derek ramassa le sachet dans lequel George avait mis l’argent de la caisse. Tu te rends compte qu’en prime, ce salopard avait l’intention de piquer le pognon ?

    Tu m’étonnes ! Il savait bien qu’il ne pourrait pas rentrer à la maison comme si de rien n’était. Alors, il lui fallait de l’argent pour sa cavale. Mark partit vers la porte. Allez, viens. On va annoncer la bonne nouvelle à ta copine. Pour le collier, je veux dire…

    Derek regarda autour de lui. Quel spectacle désolant ! Il se promit de trouver du temps pour ranger la boutique. Il était hors de question qu’elle reste dans cet état. Non pas que Meredith soit prête à revenir y travailler ! Il y veillerait. Il fallait qu’elle récupère d’abord de ses blessures physiques mais surtout morales. Cependant, il voulait que le magasin retrouve son aspect pimpant, par respect pour la jeune fille. Il refusait que les clients puissent le voir tel qu’il était actuellement et qu’ils se posent des questions. Il ne fallait en aucun cas faire naitre des rumeurs. Il faudra que je m’arrange pour revenir demain, avant l’heure d’ouverture, dit-il à Mark.

    Pour quelle raison ? demanda celui-ci en revenant sur ses pas.

    Il faut que je remette un peu d‘ordre dans ce chaos. Derek poussa du pied quelques débris de tasses. Je ne veux pas que les gens soupçonnent quoi que ce soit. Après, quand Meredith sera de retour, ils pourraient l’assaillir de questions. Je ne veux pas.

    Comment tu vas faire ? demanda Mark. Avec Meredith, je veux dire. Tu vas en faire quoi pendant que tu bosses ?

    Demain, je vais rester avec elle, déclara Derek. C’est le premier jour… tu comprends ? Ensuite, j’aviserai. Il soupira. Il va juste falloir que je trouve un moyen de ne pas la laisser seule pendant que je rangerai la boutique. Il se tourna vers son ami. Tu penses que Callie accepterait de rester avec elle, juste le temps que je m’occupe de ça ?

    Mark grimaça. Callie, ce n’est pas un problème. Mais je pense que Meredith préfèrerait que tu sois là. Ecoute, pour le ménage dans la boutique, laisse tomber. Je m’en chargerai. Il sourit en croisant le regard étonné de Derek. Il n’y a pas de quoi fouetter un chat, juste quelques chaises et tables à remettre en place. Son sourire devint espiègle. Je demanderai à Callie de venir avec moi pour donner un coup de balai. Elle va adorer.


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  • Pour la première fois depuis le début de la soirée, Derek se mit à rire. Elle va te tuer, oui. Il redevint sérieux. Mais tu n’es pas obligé de t’occuper de ça, tu sais. Je peux très bien me débrouiller.

    Bah ! Si je peux te rendre service… Mark donna une tape sur l’épaule de son ami. Tu as eu ton compte d’émotions. ça ne te fera pas de mal de te reposer. Et puis, ça fera plaisir à Meredith que tu restes auprès d’elle. Vous avez besoin de vous retrouver à deux, après tout ce bazar.

    Derek se perdit dans la contemplation du collier qui était dans le creux de sa paume. Se retrouver à deux ? Cette perspective, qui l’aurait ravi la veille encore, lui faisait peur maintenant. Quoi qu’il se dise, cela l’amenait toujours à se poser la même question : leur relation redeviendrait-elle la même qu’avant le drame ? Meredith avait beau lui assurer qu’elle ne faisait pas d’amalgame entre lui et George, il ne pouvait s’empêcher de redouter, de la part de la jeune fille, un changement d’attitude que, s’il le comprenait tout à fait, il n’était pas sûr de pouvoir gérer.

    A quoi tu penses ? demanda Mark qui avait remarqué son trouble.

    Je me disais que pour quelqu’un qui ne voulait pas vivre une relation contraignante, j’ai vraiment tiré le gros lot, ironisa Derek.

    Mark fit une petite grimace. Tu veux rompre ?

    Derek fit le point quelques secondes avant de répondre. Non. Il soupira. Et je pourrais me la raconter en disant que je reste avec elle par devoir, grandeur d’âme ou que sais-je. Mais même pas.

    Pour le cul ? suggéra prudemment Mark.

    Derek ricana. Si tu veux mon avis, c’est relativement compromis dans un avenir plus ou moins proche. Il haussa les épaules. Non, ce n’est pas ça. Enfin, pas que ça. Je suis bien avec elle, vraiment. Elle m’apaise. Et elle m’apporte beaucoup. Je… je tiens beaucoup à elle.

    Mark hésita un peu avant de poser la question qui le taraudait depuis un moment déjà. Tu ne crois pas que tu es en train de tom…

    Derek l’interrompit immédiatement. Je n’en sais rien. Et pour être tout à fait franc, je ne veux pas le savoir. Si je commence à me poser ce genre de questions, je vais vouloir y trouver des réponses. Et ces réponses, elles risquent de me faire peur au point de me donner l’envie de foutre le camp à l’autre bout du monde. Et ça, tu vois… Il baissa la tête. Ça, c’est vraiment la dernière chose que je veuille. Je n’ai pas envie de me passer d’elle. Je ne peux même plus l’imaginer. C’est comme si je ne savais plus comment faire. Il regarda son ami en coin. Ça t’étonne ?

    Mark hocha la tête. Non, pas vraiment. Ça fait un moment que je m’en doute. Mais je trouve ça très bien, ajouta-t-il pour rassurer Derek qui semblait soudain en pleine détresse. Je suis son premier fan, à cette petite. Elle est beaucoup trop bien pour toi, d’ailleurs, plaisanta-t-il.

    Ça, je suis bien d’accord avec toi, déclara Derek.

    Tu as beaucoup de chance, insista Mark, un brin envieux.

    Pour une fois, dit Derek avec une certaine amertume.

    Comme quoi, tout arrive ! conclut Mark. Bon, faut vraiment qu’on y aille, mon gars. Sinon, c’est une copine hystérique que tu vas retrouver.

    Après avoir éteint toutes les lumières, les deux chirurgiens allaient sortir de la boutique lorsque Derek saisit le bras de Mark. Je voulais encore te dire… Merci.

    Mark lui jeta un regard étonné. Pourquoi ?

    Ben… Derek n’était pas très fort pour exprimer de la gratitude, fût-ce à son meilleur ami. Entre eux, tout était souvent tacite. Mais là, il éprouvait le besoin de lui faire savoir combien il appréciait son attitude. Pour tout. Ta sollicitude envers Meredith, être venu quand je t’ai appelé, m’avoir accompagné ici… Si tu n’avais pas été là, je crois bien que j’aurais commis l’irrémédiable. Alors voilà… Merci.

    Conscient de l’effort qu’il venait de fournir, Mark sourit. On se roule une pelle tout de suite ou on attend encore un peu ?

    Heureux que l’humour de son ami lui donne l’occasion de se tirer rapidement d’une situation qui l’embarrassait, Derek feignit d’être excédé. Pfft ! T’es vraiment con !

    Ben quoi ? Mark ouvrit grand les bras. Un bon gros câlin, ça ne te tente pas ?

    Ne me fais pas regretter ce que je viens de dire ! lança Derek en se dirigeant vers sa Porsche. Allez, on y va maintenant. On va voir si ton tank arrive à suivre ma gazelle.

    Rêve toujours ! Mark se précipita vers son Hummer. Ta gazelle, je vais l’enterrer. Deux minutes plus tard, les deux bolides démarrèrent dans un concert assourdissant de moteurs.


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  • Une conduite nerveuse et un feu de signalisation passé au rouge au bon moment permirent à Derek de distancer son camarade, dont l’imposant véhicule disparut bien vite à l’horizon. Il ne lui fallut pas longtemps pour revenir chez Callie. Le temps de garer sa voiture dans l’allée, derrière celle de son amie, et de prendre le sac de Meredith sur le siège passager, il pénétrait dans la maison.

    Quand la jeune fille l’entendit, elle se leva aussi vite qu’elle put et se précipita vers lui pour se jeter dans ses bras, le corps secoué de tremblements. Tu es là ! murmura-t-elle en s’accrochant désespérément au cou de son amant.

    Callie, qui l’avait suivie, comprit qu’elle était de trop et retourna au salon, après avoir fait un petit signe à Derek. Celui-ci jeta le sac dans un coin avant de prendre Meredith dans ses bras. Bien sûr que je suis là ! Je t’avais dit que je reviendrais.

    Elle s’écarta légèrement et leva sur lui un regard plein de reproches. Tu en as mis du temps !

    En voilà un accueil ! s’exclama Derek en souriant. Moi qui croyais que tu serais heureuse de me revoir !

    Meredith se serra à nouveau contre lui. Mais je suis heureuse, assura-t-elle. Mais ça a duré plus longtemps que ce que tu avais dit et j’ai eu peur.

    Derek se pencha pour enfouir son nez dans les cheveux de son amie et respirer leur odeur. Rien ni personne n’aurait pu m’empêcher de revenir, murmura-t-il. Il se redressa et tendit son poing fermé Regarde ce que je t’ai rapporté. Il ouvrit la main pour faire apparaître le collier.

    Le premier vrai sourire depuis le drame apparut sur le visage de Meredith. Oh mon collier ! Tu l’as retrouvé. Elle saisit le bijou entre ses doigts tremblants. 

    Il est cassé, lui fit remarquer Derek. Mais je le ferai réparer.

    Merci. Meredith se haussa sur la pointe des pieds pour l’embrasser sur la joue.

    Derek cacha à nouveau son visage dans la chevelure de sa compagne. Oh tu m’as manqué, chuchota-t-il.

    Mark fit dans la maison. Bon sang ! Tu as roulé comme… Oh pardon ! fit-il, en voyant le couple enlacé. C’est à peine s’ils tournèrent la tête vers lui. Ne vous gênez surtout pas pour moi, ajouta-t-il en faisant quelques pas en direction du living. Je suppose que Callie est par là. Cal… Cal, appela-t-il.

    Elle apparut à la porte de la pièce. Je suis là. Qu’est-ce qui te prend de crier comme ça ?

    Prends ton sac. On sort boire un verre, lui annonça Mark sur un ton autoritaire.

    Elle ouvrit de grands yeux. Sortir ? A cette heure-ci ? T’es dingue ! Mark lui fit un signe discret en direction de l’autre couple. Elle soupira en apercevant Derek qui, les yeux fermés, serrait Meredith dans ses bras comme s’il craignait de la voir s’envoler. Finalement, ce n’est pas une si mauvaise idée. On y va.

    C’est le bruit de la porte qui fit sortir Derek et Meredith de leur bulle. Ils sont partis ? s’étonna Derek en regardant autour de lui.

    Je ne sais pas, répondit Meredith. Je n’ai pas fait attention. C’est à ce moment qu’elle remarqua les cheveux en bataille de son amant et sa chemise dont quelques boutons étaient déboutonnés dans le bas. Elle sut instinctivement qu’il lui cachait quelque chose. Qu’est-ce qui s’est passé là-bas ?

    Derek suivit son regard. Oh ça ! Ce n’est rien, ne t’inquiète pas, lui dit-il avec un sourire rassurant. C’est parce que j’ai dû me mettre à quatre pattes pour retrouver ton bijou. Il reboutonna sa chemise.

    Et c’est en cherchant mon bijou que tu t’es fait ça ? Meredith lui désigna une tache de sang sur le poignet de sa manche gauche. Derek eut l’air embêté, ce qui confirma les soupçons de la jeune fille. Qu’est-ce qui s’est passé ? répéta-t-elle d’une voix implorante. Je suis sûre que tu ne m’as pas tout dit.

    Derek la prit par la main pour l’amener jusqu’au canapé du living, dans lequel il la fit asseoir avant de prendre place à ses côtés. Tu me promets de ne pas t’énerver ?

    Je te promets, dit Meredith en regardant son amant avec anxiété.

    Afin de dédramatiser les faits, il décida de les rapporter avec un certain détachement, comme s’ils étaient anodins. Après avoir été chez toi, pour prendre tes affaires, je me suis rendu compte que j’avais oublié de chercher ton collier. Alors, on est retourné à la boutique. Quand on est arrivé… il y avait déjà quelqu’un.

    Meredith se raidit. C’était lui ? Il était revenu ?

    Derek pointa son doigt en l’air. Tu as promis de rester calme, n’est-ce pas. Elle fit signe que oui. Oui, il était là, en train de piquer l’argent de la caisse, lui révéla-t-il.

    Et alors ? 

    Eh bien, on a contrarié ses projets, dit Derek. D’ailleurs, j’ai mis l’argent dans ton sac.

    Je m’en fous de l’argent, répliqua sèchement Meredith. Je veux que tu me dises ce qui s’est passé pour que tu aies du sang sur tes vêtements.


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  • On l’avait sous la main alors tu penses bien… Derek attrapa une mèche de cheveux de la jeune fille pour l’enrouler autour de son doigt. Il se souviendra longtemps de la leçon qu’on lui a donnée. Il n’avait pas envie de donner trop d’informations, parce qu’il ne voulait pas remuer le couteau dans la plaie. Alors, il tenta de changer de sujet. Et toi, parle-moi de ta soirée avec Callie.

    Stressée, Meredith repoussa la main de Derek qui jouait avec ses cheveux. Dis-moi tout, je veux tout savoir ! Vous vous êtes battus ? Il t’a blessé ? C’est ça, le sang ?

    Il ne m’a pas touché, certifia Derek. C’est son sang, pas le mien. Je crois que je me suis un peu trop défoulé sur lui. Si Mark n’avait pas été là, j’aurais pu le tuer.

    Et qu’est-ce qu’il t’a dit ? se renseigna Meredith qui s’énervait de plus en plus, malgré sa promesse. Il a avoué ce qu’il m’avait fait ?

    Derek haussa les épaules. Je n’avais pas besoin qu’il avoue. Je savais qu’il était coupable.

    Meredith blêmit. Alors, il a nié. C’est ça, n’est-ce pas ? De grosses larmes coulèrent sur ses joues.

    Son chagrin bouleversa Derek. Il voulait tellement qu’elle cesse de souffrir qu’il préféra lui mentir. Non, non. Je ne lui ai pas vraiment laissé le temps de parler, tu sais. Je n’en avais rien à foutre de ce qu’il avait à dire. J’étais tellement en rage que je l’ai frappé presque tout de suite. Il sortit un mouchoir de sa poche qu’il utilisa pour essuyer délicatement les joues de Meredith. Ne pleure plus, je t’en prie. Ça me brise le cœur de te voir comme ça. Et ce n’est pas bon pour tes pansements. La jeune fille opina de la tête avant de se laisser aller contre le dossier du fauteuil en fermant les yeux. On devrait aller dormir, suggéra Derek. Tu es épuisée. Il se leva et lui tendit la main. Viens, je vais te montrer où est ta chambre.

    Elle eut un petit sursaut. Ma chambre ? Pourquoi ? Tu ne vas pas dormir avec moi ? 

    Bien sûr que si, susurra Derek avec un petit sourire. J’attendais que tu me le demandes. Il l’embrassa sur le front, à la racine des cheveux, et la prit par la main pour l’emmener dans le hall d’entrée. Après avoir jeté son bagage sur l’épaule, il l’enlaça par la taille pour l’aider à monter les escaliers. Ça va ? Tu veux que je te prenne dans mes bras ?

    Non, ça va aller. Tandis qu’elle avançait, appuyée sur lui, Meredith réfléchissait à la façon dont sa vie avait basculé en quelques heures. Hier, elle était une femme heureuse et épanouie qui avait un travail, des projets, des amis et un merveilleux amant avec lequel elle découvrait la sexualité dans ce qu’elle avait de plus beau. Aujourd’hui, elle n’était plus qu’une pauvre fille traumatisée qui n’était plus sûre de rien. Serait-elle capable, un jour, de reprendre son travail au Sweet Dream, sur les lieux où l’horreur avait eu lieu ? Arriverait-elle à avoir à nouveau des relations amicales avec Cristina qui était, d’une certaine façon, responsable de ce qui lui était arrivé ? Et avec Izzie, la cousine de celui qui l’avait agressée ? Quant à Derek… Il était à ses côtés, la soutenant du mieux qu’il le pouvait. Mais combien de temps était-il disposé à attendre qu’elle se remette ? Elle l’aimait encore, évidemment, et elle avait besoin de lui, plus que jamais, mais plutôt comme on a besoin d’un ami, ou d’un frère. Il la rassurait, elle se sentait en sécurité avec lui et elle avait une confiance aveugle en lui, réellement, mais à l’heure présente, elle n’imaginait pas avoir une relation intime avec lui. Le souvenir des mains, de la langue, du sexe de George, sur elle, en elle, était trop vivace, et elle était tout à fait consciente qu’elle n’arriverait à rien tant qu’elle ne l’aurait pas effacé. Combien de temps cela allait-il prendre ? Derek était-il prêt à se contenter d’une relation platonique ? Que deviendrait-elle s’il la quittait ? Cette idée la tétanisa. Elle s’arrêta au milieu de l’escalier en gémissant. 

    Derek resserra son étreinte autour de la taille de la jeune fille pour l’empêcher de tomber. Tu as mal ? Elle fit signe que non. Sans plus poser de questions, il la souleva dans ses bras.

    Elle se blottit contre lui en fermant les yeux. Elle aurait aimé pouvoir lui confier ce qui la tourmentait mais pour cela, elle aurait dû évoquer certains détails et cela la terrorisait parce qu’elle ne savait pas comment il réagirait. Comment accepterait-il le fait qu’elle ait été souillée par un autre ? L’image de George l’obligeant à prendre son sexe en bouche s’imposa à elle. Elle avait refoulé ce souvenir jusqu’à présent mais maintenant il l’envahissait et prenait toute la place. Elle était incapable de penser à autre chose. C’était tellement fort qu’elle avait la sensation d’avoir encore le pénis dans sa bouche. Je voudrais me laver les dents, dit-elle brusquement. 

    Derek, qui venait d’entrer dans une chambre, la posa par terre. Oui, bien sûr. Il ouvrit son bagage et lui tendit une trousse. J’ai pris ton nécessaire de toilette. J’espère n’avoir rien oublié. Elle le remercia avec un petit sourire figé. Tu veux que je vienne avec toi ? lui proposa-t-il.

    Non, répondit-elle sur un ton sec. Je suis encore capable de me laver les dents toute seule. Elle se sentit coupable en croisant le regard interloqué de Derek. Je suis désolée, déclara-t-elle avec un air penaud. Je ne voulais pas être désagréable. J’ai simplement besoin d’être un peu seule.

    Je comprends, assura Derek. Elle lui adressa un petit signe de tête avant de se diriger vers la porte. Il la rappela au moment où elle allait sortir. Meredith… Tu sais, je veux être là pour toi mais si tu trouves que je t’étouffe, il faut me le dire. Il lui sourit presque timidement. Je ne suis pas très doué pour les relations homme-femme, tu sais bien.

    Emue par sa délicatesse, elle revint vers lui pour lui donner un baiser sur la joue. Ne change rien, tu es parfait. C’est juste moi qui… qui ne suis pas comme d’habitude. Elle sortit de la pièce.


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  • Derek s’allongea sur le lit et ferma les yeux quelques instants, espérant que lorsqu’il les rouvrirait, il lui apparaitrait que tout n’avait été qu’un cauchemar. Il allait dormir un peu et, quand il se réveillerait, George n’aurait jamais agressé Meredith, celle-ci ne porterait pas les stigmates de ce qu’elle avait subi, rien dans leur relation n’aurait changé. Mais il avait beau serrer les paupières, rien n’y faisait. L’image du visage et du corps abimés de son amie monopolisait son esprit. Il rouvrit donc bien vite les yeux et fixa le plafond. Quoi qu’il fasse, quoi qu’il pense, il en revenait toujours au même point. Comment se sortiraient-ils de cet épisode douloureux ?

    Il se releva et, pour se changer les idées, il défit le sac de Meredith. Même s’il savait pertinemment qu’il était inutile de s’installer, étant donné qu’ils ne prolongeraient pas leur séjour chez Callie, il rangea les vêtements de la jeune fille dans la penderie. Incapable de penser à autre chose qu’au drame, il réfléchit à la suite des évènements. Pour lui, c’était clair, la boutique resterait fermée tant que Cristina et Izzie ne seraient pas de retour. Il était hors de question de laisser Meredith reprendre le travail pour le moment, d’une part parce qu’il ne savait pas où était George - évidemment, il y avait fort à parier que le dépravé choisirait de rester caché mais, dans le doute, Derek préférait ne prendre aucun risque – d’autre part, et surtout, parce qu’il voulait que Meredith prenne du temps pour elle, pour récupérer physiquement et moralement, en un mot pour se reconstruire.

    Il alla à la fenêtre et regarda distraitement les lumières de la ville à travers la vitre. Il était éreinté mais, malgré sa fatigue, il commença à penser à l’organisation des journées à venir. Il était évident que Meredith ne serait pas capable de se débrouiller seule, du moins dans les premiers temps. Elle allait avoir besoin de soutien, de réconfort, de quelqu’un à qui parler. Il serait là, évidemment, mais il ne pourrait pas rester avec elle vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pas plus de quelques jours en tout cas. Son travail, sa carrière, sa vie tout simplement… il n’était pas prêt à tout abandonner au-delà d’un délai raisonnable. Quant aux amies de la jeune fille, il ne voulait même pas en entendre parler. Il n’avait plus aucune confiance en elles et de surcroit, il les jugeait responsables de tout ce qui était arrivé.

    C’est en revenant vers le lit qu’il réalisa, en voyant l’heure affichée par le réveil, que cela faisait un bon moment que Meredith était absente. Il sortit de la chambre pour vérifier que tout se passait bien. Meredith, ça va ? demanda-t-il en frappant à la porte de la salle de bains.

    Quelques minutes plus tôt, la jeune fille s’était jetée sur sa brosse à dents avec une seule idée en tête. Je ne veux plus le sentir. Sans même faire attention à l’image de son visage abimé qui se reflétait dans le miroir, elle avait commencé à se brosser énergiquement les dents. Mais elle avait eu beau frotter fort, à s’en faire saigner même, la sensation du pénis agressant sa bouche n’avait pas disparu.

    Absorbée par sa tâche, elle n’entendit pas Derek qui frappait à la porte. Inquiet, il appela plus fort. Meredith… tout va bien ? N’obtenant toujours aucune réponse, il ouvrit la porte et eut un léger mouvement de recul en découvrant avec quelle violence Meredith se brossait les dents. Hé là ! Doucement ! Qu’est-ce que tu fais ? dit-il doucement en s’approchant d’elle. Tu vas te blesser. Machinalement, il regarda dans l’évier et il fut effaré d’y voir des traces de dentifrice mêlées à du sang. Nom de dieu ! Il força Meredith à reculer. Ouvre la bouche, montre-moi. Il sursauta en découvrant ses gencives blessées. Meredith, qu’est-ce que tu as fait ?

    C’est rien. Elle voulut le repousser pour recommencer à se laver les dents mais il l’en empêcha. Je n’ai pas fini, lui dit-elle nerveusement. Je dois me laver la bouche. Tu comprends ? Je dois le faire !

    Elle semblait perturbée, un peu incohérente même, et Derek s’en voulut de l’avoir laissée seule trop longtemps. Calme-toi, bébé. Tes dents sont assez propres, elles sont parfaites, je te le jure. Il remplit un verre d’eau et le lui tendit pour qu’elle puisse se rincer la bouche.  

    Elle prit une gorgée et la recracha avec force dans l’évier avant de secouer la tête. Non, elles sont sales, je le sens. Et ma bouche… elle pue. Et moi aussi, je pue, affirma-t-elle avec véhémence. Derek la regarda avec un air atterré. Ne me dis pas que c’est faux, lui lança-t-elle sèchement. Je suis dégueulasse. Il faut que je me lave. Elle commença à se déshabiller.

    Derek saisit la main de son amie pour la faire cesser. Il connaissait bien ce syndrome de la victime d’agression sexuelle, ce besoin de se laver à outrance, cette envie déraisonnée d’effacer les traces de l’outrage, de se purifier. Arrête, je t’en prie, murmura-t-il.

    Mais tu ne comprends pas ? cria-t-elle. C’est comme si… comme si je pouvais encore sentir ses mains sur moi… Et sa bouche ! Et… et son… Elle n’alla pas plus loin, parce que cela aurait entrainé un aveu qu’elle n’était pas prête à faire. Je me sens sale, mais tellement sale. Je me fais horreur et c’est insupportable.

    Derek la prit dans ses bras. Non, non, ne dis pas ça. Tu ne dois pas penser ce genre de choses. Tu n’as pas à avoir horreur de toi-même. Tu n’y es pour rien. Rien n’est de ta faute, Meredith, rien du tout, tu m’entends !

    Mais si ! Bien sûr que si ! se récria Meredith en pleurant. Tu me dis depuis le début que je dois me méfier de lui mais je ne t’ai pas cru. J’aurais dû t’écouter. Derek voulut intervenir mais elle ne lui en laissa pas le temps. J’aurais pu l’en empêcher. J’aurais pu l’en empêcher mais je ne me suis pas battue assez fort.


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