• Trois semaines s’étaient écoulées depuis la scène des adieux à la caravane. Bien évidemment, Meredith et Derek s’étaient revus au Seattle Grace. Sans se concerter, ils avaient peu à peu adopté une attitude neutre, très professionnelle, qui les frustrait mais qui avait au moins le mérite de ménager leur entourage, soulagé de ne pas assister à des scènes et de ne pas devoir prendre parti. Même s’il en mourrait d’envie, Derek n’avait plus abordé Meredith pour lui faire part de ses espoirs de réconciliation. Même si elle en mourrait d’envie, Meredith n’avait plus encouragé Derek à renouer le dialogue.

    Ce matin-là, nul n’aurait pu dire pour quelle raison mais l’ambiance était électrique à l’hôpital. Les cas se bousculaient aux urgences et Bailey ne savait plus où donner de la tête pour répartir les patients entre les divers médecins. Elle crut qu’elle allait s’effondrer quand on vint lui annoncer qu’un autobus qui transportait les pensionnaires d’un hôpital psychiatrique avait eu un accident et que les victimes allaient être amenées en masse au Seattle Grace. Elle courut jusqu’au parking des urgences et arriva juste à temps pour accueillir les premières ambulances. Un infirmier lui décrivit brièvement le cas d’un blessé dont tout portait à croire qu’il souffrait d’une commotion cérébrale. Bailey demanda donc que l’on bipe le Dr Shepherd.

    Celui-ci arriva dans le service quelques minutes plus tard. Vous avez besoin de moi, Miranda ?

    Oui, il y a eu un accident d’autobus et on nous amène les victimes, des malades mentaux qu’on emmenait en promenade, lui expliqua-t-elle. J’ai déjà demandé au service psychiatrique de s’occuper des cas les plus légers mais – elle lui désigna un homme allongé sur une civière - il y en a un pour lequel j’ai besoin de vous. Il est conscient mais il ne parle pas, il est amorphe. C’est peut-être son état normal mais étant donné qu’il a vomi dans l’ambulance, ça pourrait être une commotion cérébrale.

    On sait de quel type de maladie mentale sont atteintes ces personnes ? s’enquit Derek.

    Non, répondit-elle avec un air soucieux. Les accompagnateurs sont assez gravement blessés. Ils ne sont pas en état de nous donner des informations sur leurs patients. J’ai demandé qu’on contacte la direction de leur établissement mais je n’ai encore reçu aucune nouvelle. De toute façon, ils ne doivent pas être bien dangereux pour qu’on les emmène en balade dans un bus avec seulement quelques éducateurs, n’est-ce pas ? Elle regarda Derek avec l’espoir qu’il lui donnerait raison.

    C’est évident, estima le chirurgien. Vous avez quelqu’un de disponible pour emmener ce gars au scan ?

    Meredith surgit à cet instant. Dr Bailey, si vous avez besoin d’aide, je suis là.

    Ah Grey, vous tombez bien. Vous allez aider le Dr Shepherd. Bailey réalisa alors ce qu’elle venait de dire. Elle regarda ses deux collègues. A moins que cela ne vous pose un problème de travailler ensemble.

    Aucun en ce qui me concerne, dit Derek en observant Meredith du coin de l’œil.

    Pareil pour moi, affirma la jeune femme.

    Très bien. Alors, emmenez ce malheureux. Il y a assez de bazar ici pour que vous ne m’encombriez pas plus, bougonna Bailey.

    Derek et Meredith s’éloignèrent en poussant la civière. Ils attendirent l’ascenseur sans échanger un mot ni un regard, non pas parce qu’ils n’en avaient pas envie mais parce qu’aucun sujet de conversation qui n’avait pas un rapport avec leur histoire personnelle ne leur venait à l’esprit, et qu’ils ne voulaient pas donner l’impression à l’autre qu’ils tentaient un rapprochement. Dans la cabine, le malaise s’accentua, parce qu’ils n’avaient plus été seuls et aussi proches depuis leur rupture et qu’en même temps, ils avaient l’impression d’être des étrangers. C’est donc avec soulagement qu’ils virent les portes de l’ascenseur s’ouvrir. Arrivés devant la salle du scanner, ils constatèrent qu’ils n’étaient pas les premiers et effectivement, on leur confirma que l’attente serait longue. Au grand étonnement de Meredith, qui pensait qu’il allait la laisser faire la file avec le patient et s’en aller, Derek décréta qu’il allait procéder, pour ne pas perdre de temps, à un examen général du blessé. Ils refirent le chemin inverse dans la même ambiance pesante. Revenus aux urgences, ils constatèrent que tous les lits étaient occupés. Bailey leur indiqua qu’il y avait encore une salle d’examen libre, à l’autre bout du service.

    Derek profita de ce que Meredith cherchait le tensiomètre pour l’observer discrètement. Il la trouva craquante dans sa blouse blanche. Avec sa queue de cheval et sans maquillage, elle lui rappelait l’interne qu’il avait retrouvée le lendemain de leur rencontre. Soudain, il n’y tint plus. Ça va, toi ? demanda-t-il.

    Surprise, elle se tourna vers lui pour vérifier que c’était bien à elle qu’il s’adressait. La façon dont il la regardait ne lui laissa aucun doute. Troublée, elle se retourna aussitôt et prépara le tensiomètre. Ça va… Et toi ?

    Derek passa le faisceau de sa lampe de poche devant les yeux du patient. On fait aller. Le fait que Meredith lui ait répondu sans animosité et même qu’elle se renseigne sur lui, lui donna le courage de poser la question qui le taraudait. Tu vois quelqu’un pour le moment ?

    Elle ne put s’empêcher de sourire devant son manque de subtilité. Non.

    Derek retint in extremis un soupir de soulagement. Des aventures d’un soir alors ?

    Non… Toi, oui ? Cette fois, Meredith osa le regarder pour voir sa réaction.

    Derek hocha la tête. Absolument pas. Ça ne me dit rien.

    C’est pareil pour moi. Meredith commença à prendre la tension du patient. Et puis, j’ai pris la décision de ne plus reproduire les mêmes erreurs que par le passé. Plus d’aventures d’un soir, plus de rencontres dans les bars.

    Oh ! Donc, j’étais une erreur.

    Elle comprit qu’elle l’avait blessé. Je n’ai pas dit ça, Derek. De toute façon, on ne peut pas vraiment te considérer comme une aventure d’un soir, n’est-ce pas.

    Je suppose que non, admit-il avec un petit sourire.

    Tu le sais très bien, murmura Meredith que le regard de son ex bouleversait.

    Derek remarqua son trouble et comprit que, comme lui, elle n’avait pas encore tout à fait le deuil de leur relation. Meredith… Tu y arrives, toi ? Parce que moi, je ne peux pas.

    Elle leva la main pour le faire taire. Non, arrête.

    Tu ne sais même pas ce que je veux dire, objecta-t-il, bougon.

    Si, je le sais. Tu me manques aussi, avoua Meredith. Mais on a essayé, plusieurs fois, et ça n’a pas marché. On aurait tort de s’acharner. Il faut juste accepter l’idée que l’amour ne suffit pas toujours.

    Peut-être mais tu ne m’empêcheras pas de penser que…

    Elle lui coupa la parole. Je t’en prie, n’insiste pas. C’est assez dur comme ça. On devrait plutôt s’occuper de ce patient. Il n’a pas l’air d’aller bien.

    Comme tu veux, soupira Derek, désespéré par l’entêtement de la jeune femme. Tout à coup il ne supporta plus d’être dans la même pièce qu’elle. Tu n’as qu’à terminer l’examen. Je vais voir si le scan est libre et je te bipe si c’est le cas.


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  • Derek se réveilla en sursaut, presque deux heures plus tard, avec l’impression qu’il avait entendu un cri strident. Après avoir constaté que la maison était silencieuse et que Meredith dormait calmement, lovée contre lui, il referma les bras sur elle et déposa un baiser sur son front avant de refermer les paupières, prêt à prolonger cette sieste matinale. Malheureusement, son baiser avait éveillé la jeune fille qui s’étira en grognant. Quand elle ouvrit les yeux, Derek la regardait tendrement en souriant. Il se penchait vers elle pour l’embrasser quand elle vit qu’il était déjà 9h30. Elle s’assit d’un bond. Mon Dieu, tu as vu l’heure ? Elle se dégagea de l’étreinte de son amant et sauta en bas du lit. Cristina va me tuer, se lamenta-t-elle.

    Derek se redressa. Elle ne va quand même pas faire un drame parce que, pour une fois, tu arrives en retard ! Meredith se tourna vers lui avec une expression qui montrait à quel point elle le trouvait naïf. Tu n’auras qu’à lui dire que ça arrive même aux meilleurs, lui conseilla-t-il.  

    C’est ce que tu dis à ton personnel ? persifla Meredith en se brossant vigoureusement les cheveux devant son miroir.

    Derek sourit. Moi, ce n’est pas la même chose.

    Oui, je sais, toi, tu sauves des vies, moi, je sers à manger, répliqua Meredith avec une certaine sécheresse dans le ton. On ne joue pas dans la même catégorie, j’ai compris.

    Derek se leva à son tour. Désolé que tu le prennes mal mais c’est la réalité. Meredith le fusilla du regard. Je ne méprise pas ton travail, se défendit-il. Mais dans mon cas, si mon équipe n’est pas là, je ne peux pas opérer le patient. Je ne vais pas pouvoir le sauver. Si toi, tu arrives en retard, tes clients vont simplement devoir attendre un peu plus longtemps pour être servis. Il avait raison, elle le savait. Elle soupira. Il vint se mettre derrière elle et la prit dans ses bras. Puisque tu es déjà en retard, tu n’en es plus à un quart d’heure. Il lui désigna le sachet de pâtisseries qu’il avait déposé à son entrée dans la chambre. Je t’ai apporté le petit-déjeuner. Tu m’offres le café ?

    Elle le regarda dans le miroir avec un air réprobateur. Tu es vraiment impossible.  

    Allez, Meredith ! A ce stade, Cristina te fera une scène de toute façon, objecta Derek. Autant qu’elle le fasse pour quelque chose dont tu auras profité. Il lui fit un sourire charmeur. Tu veux bien ?

    Meredith ne résista pas plus longtemps. D’accord, mais vite fait alors !

    Quand ils arrivèrent à la cuisine, Gloria était déjà devant ses fourneaux et Ellis lui faisait part de son mécontentement. Combien de fois je vais devoir te dire que je n’aime pas les brocolis ? C’est dégueulasse, je n’en mangerai pas. En entendant le couple entrer, elle se retourna et regarda Derek avec un air suspicieux.

    Bonjour, murmura Meredith au comble de l’embarras. Outre le fait qu’elle ne savait comment présenter Derek – comment devait-elle l’appeler, mon ami, mon amant, ma relation libre ? – elle était un peu honteuse de débarquer avec lui à l’heure du petit-déjeuner, ce qui pouvait faire croire qu’il avait passé la nuit avec elle, avec tout ce que cela impliquait.

    Devinant qu’elle était en train de se torturer les méninges pour trouver un moyen de faire les présentations, Derek décida d’agir en allant à l’essentiel. Bonjour, Mesdames. Derek Shepherd, enchanté de faire votre connaissance. Après leur avoir serré la main, il s’assit à la table, très à l’aise. Comme Ellis continuait à le fixer, il lui sourit.

    Nous aussi, nous sommes ravies de vous rencontrer, assura Gloria. N’est-ce pas Ellis ? Celle-ci ne répondit pas. Meredith, il y a du café frais, ajouta Gloria en tendant le doigt vers le percolateur.

    Merci Gloria, répondit Meredith en versant une tasse qu’elle posa devant Derek, avant de se servir un jus d’orange. Derek ouvrit le sachet de pâtisseries et fit signe à son amie de se servir. Elle prit un beignet à la myrtille et le mangea debout, évitant de croiser le regard des autres personnes. C’était la première fois qu’elle se retrouvait dans ce genre de situation et cela la mettait terriblement mal à l’aise.

    Surtout ne vous gênez pas, servez-vous, déclara Derek à l’attention des deux autres femmes. Je ne crois pas que Meredith mangera tout. La bouche pleine, Meredith confirma par un grognement.

    C’est très gentil mais nous avons déjà pris notre petit-déjeuner, répondit Gloria.

    Y a quoi ? se renseigna Ellis.

    J’ai pris des donuts au sucre, et aussi à la myrtille et à la banane, expliqua Derek.

    J’en veux un au sucre et un à la banane, dit Ellis sans se soucier des protestations de sa dame de compagnie. Après avoir regardé dans le sachet, Derek en sortit les deux beignets et les posa sur l’assiette que lui présentait Gloria. Ellis en prit un et mordit dedans à belles dents. Alors, c’est vous, le petit ami de Meredith, lança-t-elle entre deux bouchées. La jeune fille fit aller son regard effaré de sa tante au chirurgien en maudissant la première d’utiliser un mot interdit et en se demandant comment le second allait réagir.


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  • Restée seule avec le patient, Meredith continua de l’examiner. Elle était en train de noter les résultats quand il commença à s’agiter. Restez tranquille, Monsieur. Nous allons vous soigner, dit-elle sans le regarder. Seuls quelques grognements sourds, comme ceux d’un animal, lui répondirent. Elle se retourna et vit le bonhomme qui se balançait d’avant en arrière, en se frappant la tête avec la main droite. Elle déposa son dossier et s’approcha de lui. Calmez-vous, Monsieur. Vous avez eu un accident mais ce n’est pas grave. On va vous faire passer d’autres examens mais vous ne devez pas avoir peur. Vous n’aurez absolument pas mal. Ses arguments rassurants n’eurent aucun effet sur l’homme qui devint de plus en plus nerveux. Les coups qu’il s’infligeait se firent plus forts et il les rythma par des grognements inquiétants. Voyant que rien n’arrivait à calmer l’individu, Meredith se dirigea vers une armoire et prit une seringue de calmants. Je vais vous donner quelque chose qui va vous apaiser. D’accord ? Vous allez essayer de ne plus bouger pour que je puisse faire la piqûre. Juste quelques secondes et après, vous vous sentirez beaucoup mieux. Elle ne vit pas que le malade relevait la tête et lui jetait un regard empli de désir malsain. Elle revint vers lui et posa la main sur la manche de sa chemise pour la lui remonter. A ce moment-là, l’homme lui asséna un coup de poing qui l’envoya à l’autre bout de la pièce.

    Un étage plus bas, Derek sortait de la salle de scan quand il se heurta à Mark. Quelle animation aujourd’hui ! s’exclama ce dernier. A croire que toute la ville s’est donné rendez-vous ici !

    Ouais, grogna Derek.

    Cache ta joie ! se moqua Mark.

    Excuse-moi de ne pas me réjouir du malheur des gens, répliqua Derek avec un regard sévère à l’intention de son ami.

    Leur malheur fait notre bonheur, mon vieux. Ainsi va le monde. Mark dévisagea son ami. Toi, ça ne va pas.

    Derek soupira fortement. Je travaille avec Meredith aujourd’hui.

    Mark haussa ses sourcils et ses épaules en même temps. Tu devais bien te douter que ça se produirait un jour. Puis c’est ce que tu voulais, non ? Avoir une occasion de lui parler, tenter ta chance encore une fois.

    C’est fait, lui apprit Derek avec un air sombre. Je me suis planté. Encore une fois. D’après elle, nous nous aimons mais nous ne pourrons jamais être ensemble. Voila, la messe est dite, conclut-il avec amertume.

    Mark regarda son ami avec commisération. Désolé pour toi, mon vieux. Mais au moins, maintenant, tu vas pouvoir passer à autre chose.

    Derek se redressa avec un regard plein de détermination. Oui. C’est décidé. Meredith Grey, c’est fini. Elle représente le passé et je vais me tourner vers l’avenir.

    Mark ne cacha pas qu’il était sceptique quant à la possibilité que Derek applique ses bonnes résolutions. Hum ! T’emballe pas ! Laisse faire les choses. La sonnerie de son bipeur retentit. Bon, je dois y aller, annonça-t-il après avoir lu son message. Si tu veux, on peut poursuivre cette conversation ce midi, à la cafétéria. Les deux hommes se quittèrent sur un signe de la main. Derek n’avait pas fait deux mètres qu’il vit arriver Miranda Bailey en sueur.

    Dr Shepherd, le patient dont vous vous occupez, commença-t-elle, hors d’haleine.

    Oui, dit distraitement Derek, tout en envoyant un message à Meredith pour lui dire que leur patient était attendu au scanner.

    Il est où ? haleta Miranda.

    Eh bien, à l’étage du dessus, avec Meredith. Derek fronça les sourcils en voyant l’éclair de panique qui traversait les yeux de Bailey. Pourquoi ? Il y a un problème ?

    J’en ai peur, balbutia-t-elle. L’hôpital psychiatrique… ils viennent de téléphoner et – elle posa sur Derek un regard empli de culpabilité - cet homme…

    Quoi ? la pressa Derek, soudain fou d’inquiétude.

    Il souffre de troubles psychopathiques et surtout… Miranda déglutit péniblement. C’est un violeur récidiviste, révéla-t-elle enfin.

    Derek devint blanc comme un mort. Nom de Dieu ! Je vous ai demandé qui était ce type et vous m’avez certifié que ce n’était qu’un arriéré sans danger. Il partit en courant.

    Je préviens la sécurité, cria Bailey.


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  • Oui, je crois qu’on peut dire ça, répondit Derek en souriant. Partagée entre la surprise et la joie, Meredith dut faire un gros effort pour ne manifester aucune réaction.

    Vous êtes trop vieux pour elle! constata Ellis assez sèchement.

    Ellis, soyez gentille, lui recommanda Gloria sur un ton légèrement grondeur.

    Derek lui fit comprendre par une mimique qu’il n’était pas vexé. Vous avez tout à fait raison, dit-il à Ellis. D’ailleurs, je le lui ai dit cent fois. Mais elle veut me garder, alors je ne vais pas m’en plaindre. Votre nièce est adorable. Il prit Meredith par la main et la fit asseoir sur ses genoux.

    Ellis se pencha sur la table pour s’adresser à Derek sur le ton de la confidence. Elle est très timide et elle manque de confiance en elle, alors elle préfère rester enfermée chez elle avec un livre. Ce n’est pas bien. A son âge, il faut sortir, voir du monde, s’amuser. Derek approuva d’un signe de tête. Vous devriez l’emmener au cinéma ou danser, poursuivit Ellis. Je peux compter sur vous ? Derek acquiesça à nouveau. Ellis fronça soudain les sourcils comme si quelque chose la tracassait. Il te fait bien l’amour au moins ? demanda-t-elle à sa nièce. Et souvent ?

    Tante Elliiiiiis, couina Meredith, horrifiée, tandis que Derek éclatait de rire.

    Gloria mit ses mains sur ses hanches en faisant des gros yeux à la malade. Ellis, ça suffit maintenant. Vous ne pouvez pas dire des choses comme ça. C’est indiscret et totalement déplacé.

    Derek posa une main sur celle d’Ellis qui semblait surprise de se faire réprimander. Je suis d’accord avec vous. Si on ne profite pas de la vie à vingt ans, on ne le fera jamais. Il fit un clin d’œil à Meredith. Et pour le reste, je fais de mon mieux.

    Satisfaite par la réponse, Ellis attaqua son deuxième beignet. Soulagée que l’incident soit enfin clos, Meredith se releva pour se servir une tasse de café. Gloria, tu n’as pas vu Thatcher ? s’enquit Ellis.

    Meredith se tourna vers Gloria et vit que celle-ci levait les yeux au ciel. Non, Ellis, je n’ai pas vu Thatcher, répondit la dame de compagnie avec une voix lasse. Vous savez bien…

    Ellis lui coupa la parole. Il me manque, dit-elle d’une voix plaintive. Quand est-ce qu’il revient ? J’ai envie de baiser, moi. Pendant que Gloria rappelait les règles de la bienséance à la malade, Meredith fit un signe discret à Derek pour lui demander de se lever. Il valait mieux partir avant qu’Ellis ne fasse ou ne dise une autre bêtise. Au moment où Derek se mit debout, Ellis se tourna vers lui avec un sourire extasié. Thatch, mon chéri ! s’exclama-t-elle. Elle baissa la tête avec un air faussement timide. Dis-moi que tu as envie de moi, murmura-t-elle en mettant directement la main sur l’entrejambe de Derek, pour lui tâter le sexe sans vergogne.

    Ooooooh Ellis ! cria Gloria, scandalisée tandis que Derek retirait gentiment mais fermement la main d’Ellis.

    Au même moment, Meredith se précipita au secours de son amant. Tante Ellis, ce n’est pas oncle Thatcher. C’est Derek, mon petit ami. 

    Ellis la repoussa en lui jetant un regard plein de haine. Il est à moi, petite salope. Il est à moi, tu entends ? Alors ne t’en approche pas. Comme elle faisait mine de lever la main, Derek s’interposa entre les deux femmes, pour dissimuler Meredith à la vue de sa tante. Il prit celle-ci par les épaules avec douceur. Que diriez-vous de manger un autre beignet ? Ceux à la myrtille sont délicieux.

    Venez, Ellis, installez-vous ici, dit Gloria en aidant la malade à se rasseoir. Elle lui donna un beignet avant de revenir auprès de Meredith dont elle prit les mains dans les siennes. Il ne fa  ut pas lui en vouloir. Elle ne se rend plus toujours compte de ce qu’elle fait. Meredith acquiesça avec un sourire triste. Elle savait que sa tante était malade et elle l’avait déjà vue en pleine divagation mais jamais à ce point-là.   

    A ce moment, Ellis se tourna vers eux, les lèvres recouvertes de sucre impalpable. Tu es superbe, Meredith. Tu va danser ce soir ?  

    La jeune fille échangea un regard découragé avec Gloria qui haussa les épaules avec un air fataliste. Mais non, Ellis, elle ne va pas danser, elle va travailler, répondit la dame de compagnie.

    Meredith prit le bras de Derek. On y va ? Elle regrettait amèrement que son ami ait été le témoin de telles scènes et elle n’avait qu’une hâte, partir au plus vite et lui faire oublier l’horrible situation qu’elle lui avait en quelque sorte imposée.

    Derek comprit que Meredith était vraiment mal à l’aise. Il lui donna un baiser sur la tempe. Quand tu veux.

    Elle prit sa tasse pour la déposer dans l’évier mais, dans son empressement, elle la laissa tomber. Ellis sursauta en entendant la faïence se casser. Mais quelle conne ! cria-t-elle. Elle lança un regard assassin à sa nièce. Tu es vraiment débile, ma pauvre fille.

    Derek s’approcha de Meredith dont les yeux étaient pleins de larmes. Ne fais pas attention à ce qu’elle dit, lui chuchota-t-il au creux de l’oreille. Ce n’est pas elle qui parle, c’est sa maladie.


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  • Après avoir grimpé les escaliers quatre à quatre, Derek déboucha dans le service comme un diable sort de sa boite et courut en direction de la salle d’examen où il avait laissé Meredith avec le patient. Il vit de loin que les stores étaient fermés, ce qui n’était pas le cas quand il était parti. Il sut alors avec certitude que le pire était à craindre. Il entra dans la pièce comme une furie et embrassa la scène d’un seul coup d’œil : par terre, à côté de la civière, Meredith, dont il ne voyait que les jambes, recouverte par le corps de son agresseur dont le pantalon était baissé à hauteur des genoux. Derek se précipita sur eux et, avec une force dont il ne se serait pas cru capable, il souleva l’homme et le projeta contre le mur. Espèce de salopard ! hurla-t-il. Sans plus réfléchir, il se lança sur lui et l’assomma de coups de poing qu’il scanda par des grognements sourds.

    Miranda, qui avait essayé tant bien que mal de suivre le chirurgien dans sa course effrénée, arriva à son tour. Docteur, arrêtez, cria-t-elle en voyant que Derek s’acharnait sur le malade qui gisait déjà à terre. Comme Derek continuait de frapper, elle s’accrocha à son bras. Docteur… Derek, Derek, arrêtez. C’est bon, il a son compte. Laissez-le. Par chance, les agents du service de sécurité apparurent et réussirent à arracher le délinquant des mains du chirurgien.

    Celui-ci sortit immédiatement de l’état second dans lequel sa violence l’avait plongé et regarda autour de lui pour trouver Meredith. Quand il la vit, il fut épouvanté. Pendant la bagarre, elle s’était réfugiée contre le mur. Dans une piètre tentative de dissimuler sa nudité, elle avait ramené sur elle les lambeaux de vêtements que son agresseur lui avait littéralement arrachés. Son visage n’était qu’une plaie, une arcade sourcilière fendue, les pommettes éclatées, les lèvres sanguinolentes, diverses éraflures. Elle avait dû subir une avalanche de coups d’une violence inouïe. Oh mon Dieu Meredith, murmura Derek, effondré. Il se tourna vers Miranda. Bipez Sloan et dites-lui de se dépêcher, lui dit-il nerveusement avant de se rendre auprès de son amie. Son cœur se déchira quand il la vit se recroqueviller sur elle-même, la tête baissée, les genoux repliés sur sa poitrine et les bras serrés autour de ses jambes, comme si elle voulait parer les prochains coups, comme si elle avait peur de lui. Il voulut s’agenouiller devant elle mais se releva aussitôt en l’entendant pousser un long gémissement apeuré. En se tournant vers Bailey, il aperçut le groupe d’internes et d’infirmiers qui se massaient à la porte pour les observer. Il sentit la rage renaître en lui. Foutez-moi le camp, vous autres, éructa-t-il. On n’est pas au spectacle, ici. Ses éclats de voix firent peur à Meredith qui gémit de plus belle.

     

    Après avoir claqué la porte au nez des curieux, Miranda revint auprès de Derek. Calmez-vous, je vous en prie. Vous ne l’aidez pas comme ça, dit-elle à voix basse en désignant la jeune femme.

    C’est tellement dur de la voir comme ça, elle qui d’habitude est si forte, si dure, lui confia-t-il, la voix étranglée par les sanglots qu’il essayait de maitriser. Il regarda sa collègue avec des yeux pleins de larmes.

    En le voyant si désemparé, Miranda posa la main sur son bras. Je sais, chuchota-t-elle. Mais après ce qu’elle vient de subir, ce n’est pas étonnant. Elle le retint quand il fit un pas en direction de son amie. Non, Derek, non. Pas vous… Vous ne pouvez pas… Vous êtes un homme, vous comprenez. Il la fusilla du regard. Elle est en état de choc, lui rappela-t-elle. Elle n’est pas capable de faire la différence entre vous et ce type. Elle eut pitié de lui en voyant son expression douloureuse. Je sais, c’est dur. Mais pour le moment, vous ne pouvez pas l’aider. Laissez-moi faire. Elle s’accroupit devant la victime et lui parla avec douceur. Meredith, c’est fini. Tout est fini. Je suis là. Je vais te soigner, d’accord. On va s’occuper de toi, tu veux bien ? Elle avança sa main vers la jeune femme mais fut stoppée net par le cri que cette dernière poussa. Elle se releva et prit son bipeur. Je préviens Yang. Derek leva les yeux au ciel.

    Mark ouvrit la porte à la volée. On m’a dit ce qui s’était passé. Il se figea sur place, en apercevant Meredith, toujours dans la même position. Nom de Dieu ! souffla-t-il. Il voulut aller vers elle mais fut arrêté par un geste de Bailey.

    Elle refuse qu’on l’approche. J’ai fait appeler Yang, lui expliqua-t-elle. C’est sa meilleure amie et…

    C’est ridicule, gronda Derek d’une voix sourde. Si vous croyez que je vais rester là, à ne rien faire et à attendre que ça passe, vous me connaissez mal. Il poussa ses collègues en dehors de la pièce. Dehors, dehors, tous les deux. Laissez-moi seul avec elle. Je vous appellerai quand j’aurai besoin de vous. Mark, reste devant la porte, ajouta-t-il à l’intention de son ami. Lorsqu’il les eut fait sortir, il retira sa blouse blanche avant de venir s’agenouiller à un mètre de son amie. N’aie pas peur, fit-il de sa voix la plus apaisante. Je ne te veux pas de mal, tu sais bien. Je suis là pour t’aider. Il faut que tu me laisses faire. Il lui tendit sa blouse blanche. Je veux juste te donner ça. Meredith ne bougea pas. Encouragé, Derek s’approcha pour la recouvrir avec sa blouse. Il sursauta en l’entendant crier mais ne se découragea pas. Quand il la prit dans ses bras, elle se mit à hurler en essayant de le frapper pour se libérer. Mais elle était si faible qu’il n’eut aucun mal à lui résister. Je sais, je sais, murmura-t-il à son oreille. Tu as mal et surtout, tu as peur. Mais tu ne dois pas avoir peur. Je suis là. Tu te souviens ? Je suis ton chevalier. Je sais, tu n’aimes pas que je dise ça et tu ne veux pas d’un chevalier, mais, moi, je veux être le tien. Je t’ai sauvé de la noyade, Meredith, et je vais t’aider à te sortir de ça. Il réalisa qu’elle avait cessé de se débattre même si elle continuait à se raidir entre ses bras. Tu es blessée. Il faut te soigner. Alors, il va falloir que tu me fasses confiance. Evidemment, là, tout de suite, c’est presque impossible pour toi. Mais tu vas devoir faire un effort. Maintenant, je vais t’emmener ailleurs et puis, je vais m’occuper de toi. Mais pour ça, j’ai besoin de ton aide. OK ? Il fit mine de se relever mais elle s’accrocha à lui de toutes ses forces. Etonné qu’elle le retienne après l’avoir tant repoussé, il la reprit dans ses bras. Je suis là. Je ne te quitte pas, je te le promets. Si tu veux, je ne te quitterai plus jamais, tu le sais bien. Mais je dois te lâcher seulement quelques secondes pour me relever. Je voudrais prendre une couverture pour la mettre sur toi. Tu comprends ? Elle se pelotonna plus encore contre lui. Il comprit que là, en cet instant précis, elle n’avait besoin ni de soins, ni de mots de réconfort, ni de couverture, mais seulement de tendresse et de présence. Il s’assit par terre et installa Meredith sur ses genoux. Il posa une main sur sa tête endolorie pour l’amener dans le creux de son cou. Tout doucement, il se mit à la bercer, comme si elle avait été une petite file en quête de sommeil. Il sentit qu’elle se détendait petit à petit. Il ne fut pas surpris outre mesure quand elle éclata en sanglots. Il en fut même soulagé. Pleure, ma chérie, pleure. Laisse-toi aller. Je suis là, je ne te quitte pas.


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