• Même si Meredith nota avec plaisir qu’il parlait déjà d’eux comme d’un couple – pour elle, cela prouvait à quel point ses intentions étaient sérieuses – elle fut un peu étonnée par le manque de modestie dont il faisait preuve. Beau ? C’est un petit peu prétentieux de dire ça, non ?

    Derek parut franchement surpris. Pourquoi ? Ce n’est pas être prétentieux que d’être conscient de sa valeur, estima-t-il. Va donc demander à ces gens qui sont autour de la piste, tu verras, ils te diront que nous sommes beaux.

    Meredith pouffa de rire. Jamais je ne pourrais faire ça. J’aurais trop peur de ce qu’ils pourraient me dire. Imagine qu’ils me trouvent horrible !

    Derek se pencha vers elle. Tu sais, tu devrais avoir beaucoup plus confiance en toi. Il l’embrassa délicatement dans le cou. Elle se serra plus fort contre lui et ils continuèrent d’évoluer au son de la musique. En sentant leurs bassins onduler l’un contre l’autre, Derek connut une nouvelle bouffée de désir. Il souleva le menton de Meredith pour plonger son regard dans le sien, et se mit à caresser ses cheveux du plat de la main avant d’effleurer son visage du bout des doigts. Lorsqu’il prit sa bouche avec fougue, elle se déroba et regarda rapidement en direction des autres clients, pour voir si leur baiser avait été remarqué. Il lui sembla qu’un couple les regardait en souriant. Lorsque Derek se pencha à nouveau vers elle, elle s’écarta encore un peu plus. Qu’est-ce qu’il y a encore ? grogna-t-il.

    Rien, mais… Elle fit un signe discret de la tête vers la salle. Qu’est-ce qu’ils vont penser, les gens ?

    Derek ne cacha pas qu’il était agacé. Qu’est-ce qu’on en a à foutre ? gronda-t-il entre ses dents serrées. Ils pensent ce qu’ils veulent. La seule chose qui devrait t’inquiéter, c’est ce que je pense, moi, mais j’ai l’impression que c’est le cadet de tes soucis.

    Non, c’est faux ! protesta Meredith.

    Alors, embrasse-moi ! lui ordonna Derek sur un ton impérieux. Elle se haussa sur la pointe des pieds pour déposer un baiser furtif sur ses lèvres. Il comprit qu’il n’obtiendrait rien de plus en restant sur la piste de danse et la ramena à leur alcôve. Ils se rassirent et Derek repartit aussitôt à l’assaut. Il tenta un baiser mais Meredith détourna la tête, une fois de plus. Il souffla fortement en s’écartant d’elle et s’avachit sur la banquette, le regard sombre.

    Je suis désolée, chuchota-t-elle. Elle voulut faire quelque chose pour rattraper son geste malheureux mais ne trouva rien d’autre que de jouer avec un bouton de la chemise de Derek.

    J’avoue que je ne comprends pas très bien ton attitude, répliqua ce dernier avec une mauvaise humeur évidente. Tu dis que je te plais mais, à chaque fois, tu me rejettes. Si tu pouvais enfin être sincère, ça m’arrangerait.

    Meredith fut tentée de lui parler de ses complexes, dus en grande partie à son inexpérience en matière d’amour, mais n’osa pas le faire, de crainte de paraitre encore plus ridicule qu’elle ne l’était naturellement. Tu me plais… beaucoup, dit-elle en continuant de faire tourner le bouton de chemise entre ses doigts. Mais… mais tout est tellement nouveau pour moi… je veux dire… je n’ai pas l’habitude des relations, se résolut-elle finalement à avouer.

    Derek ne comprit pas ce qu’elle essayait de lui dire si maladroitement. Il se redressa, l’œil plus vif. Tu veux aller ailleurs ? Je connais un endroit où on pourrait être juste tous les deux, proposa-t-il en pensant à la chambre d’hôtel qu’il avait réservée depuis le matin au Sir Francis Drake, dont le décor historique ne manquerait pas de plaire à la jeune fille.

    Oh mais non, j’adore cet endroit, certifia Meredith, confuse à l’idée que Derek puisse la considérer comme une éternelle insatisfaite. Je ne voudrais pas que tu me prennes pour une ingrate.

    Ce n’est pas de ta gratitude dont j’ai besoin, Meredith, mais juste d’un peu de tendresse, répliqua sèchement Derek. 

    Meredith se colla immédiatement à lui et, après avoir posé la tête contre son épaule, elle lui prit la main et noua leurs doigts. Je t’en prie, ne sois pas fâché. J’adore être ici, et j’adore passer du temps avec toi. Elle se redressa légèrement pour pouvoir le regarder dans les yeux. Je ne voudrais pas que tu penses que je n’aime pas t’embrasser. Parce que ce n’est pas ça, pas du tout. C’est juste que je suis timide et… j’aime pas me faire remarquer, mais ça n’a rien à voir avec toi. Incapable de soutenir le regard perçant du chirurgien, elle se pelotonna à nouveau dans ses bras.  


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  • Très satisfait de ce qu’il venait d’entendre, Derek lui caressa les cheveux du plat de la main. Tu aimes m’embrasser, c’est vrai ? Un peu gênée, Meredith se contenta de hocher légèrement la tête de haut en bas. Derek lui prit la main pour l’obliger à relever la tête vers lui. Alors, prouve-le moi ! murmura-t-il. Elle tendit le cou et posa un léger baiser sur ses lèvres. Quand il sentit qu’elle voulait s’écarter, il la retint par la nuque et écrasa sa bouche contre la sienne. Très délicatement, pour ne pas l’effaroucher, il pinça sa lèvre supérieure entre les siennes et la suçota. Ensuite, il fit de même avec sa lèvre inférieure. Il abandonna sa bouche quelques instants pour aller mordiller son oreille. Moi aussi, j’aime beaucoup t’embrasser. Il revint sur sa bouche et y insinua doucement sa langue. Lorsqu’il frôla la sienne, Meredith se sentit une fois de plus empotée et préféra rester passive plutôt que de mal faire. Derek mit sa maladresse sur le compte de la gêne. Il s’écarta un peu et lui caressa la joue du revers de la main. Meredith… cesse donc de te préoccuper du regard des gens. De toute façon, personne ne fait attention à nous. On vient ici pour écouter de la musique ou pour flirter, pas pour espionner le voisin, ajouta-t-il avec un petit sourire.

    Je sais bien mais…

    Laisse-toi aller. Sois avec moi vraiment. Tu veux bien ? Du bout des doigts, Derek caressa le visage de la jeune fille avant de le parsemer de petits bécots. Je suis à fond dedans, Meredith… vraiment.  Je voudrais que tu le sois aussi.

    Mais je le suis ! certifia-t-elle. C’est juste que… que tout…

    Derek ne la laissa pas en dire plus. Tais-toi… Tu parles trop. Il posa ses lèvres sur celles de Meredith avant de les promener sur son visage, embrassant ses paupières, effleurant ses tempes, parcourant sa joue droite pour finalement revenir sur sa bouche. Attrapant d’abord la lèvre supérieure, il joua longuement avec elle en la suçant ou en la mordillant. Ensuite, il passa sur la lèvre inférieure et lui fit subir le même traitement. Enfin, il les lécha du bout de la langue avant de les franchir pour un baiser plus profond. 

    Meredith commença par ne pas vraiment réagir, comme à son habitude, mais elle réalisa qu’elle pourrait répéter encore et encore que Derek lui plaisait, il ne la croirait plus si elle ne le lui prouvait pas par des actes. Il faut que tu lui montres, Meredith, se dit-elle. Il faut que tu l’embrasses aussi, sinon il va finir par se lasser et par te laisser tomber. Elle fit tourner sa langue autour de celle de Derek.

    Heureux qu’elle réponde enfin à son baiser, Derek serra le visage de la jeune fille entre ses mains. Embrasse-moi encore, la supplia-t-il. Il s’empara à nouveau de sa bouche qu’il écrasa sous la sienne Enivrée par les sensations jusqu’alors insoupçonnées que lui procurait ce baiser, Meredith oublia tout ce qui les entourait et se laissa aller. Emporté par le nouvel entrain dont elle faisait subitement preuve, Derek se fit plus pressant. Bouche grande ouverte, il entama un ballet ardent avec la langue de Meredith, la léchant et s’enroulant autour d’elle. Pour soustraire sa compagne aux éventuels regards indiscrets qui pourraient l’embarrasser, il la fit glisser petit à petit sur la banquette, de sorte qu’elle se retrouve à moitié allongée sous lui. Encouragé par la fougue de Meredith qui, les deux mains dans ses cheveux, répondait maintenant totalement à chacun de ses baisers, il s’enhardit à effleurer, à travers le tissu, la poitrine qui se tendait vers lui. Comme Meredith ne protestait pas, il entrebâilla un peu plus généreusement son décolleté et passa la main sur sa peau nue, à la frontière de son soutien-gorge. Il promena délicatement ses doigts sur la dentelle du sous-vêtement, tournant tout autour du téton qu’il sentit se dresser. Ma jolie, murmura-t-il, la voix rauque. Ma toute belle… j’ai envie de toi… J’ai envie de toi comme je n’ai jamais eu envie de personne, je te le jure. Perdant toute commune mesure, il glissa une main entre leurs corps pour essayer d’ouvrir le pantalon de Meredith.

    Ces baisers et ces caresses avaient mis cette dernière dans un état second mais lorsqu’elle sentit les doigts impatients du médecin qui tiraient sur la fermeture de son pantalon, elle reprit brutalement ses esprits. Elle se raidit et repoussa Derek avec une certaine rudesse. Ensuite, elle s’assit, très droite, au bord de la banquette et se passa la main dans les cheveux, pour se donner une contenance. Elle était terriblement gênée et elle s’en voulait énormément d’avoir permis à Derek de franchir une limite, qu’elle n’avait jamais laissé franchir par personne d’autre jusqu’à aujourd’hui. Elle fut tentée de le lui dire mais elle ne le fit pas, parce que bon nombre de ses conquêtes lui avaient sans doute dit la même chose, qu’il n’y avait pas cru et qu’il ne la croirait pas plus. Il fait chaud ici, dit-elle enfin, parce que le silence la mettait encore plus mal à l’aise. Je me demande s’ils n’ont pas des problèmes avec la climatisation. Elle prit son cocktail et en but une gorgée, sans oser lever les yeux de son verre, de peur de croiser le regard vraisemblablement moqueur de Derek ou celui, outré, des clients du bar.

    Le souffle court, le regard encore un peu perdu, Derek mit un certain temps avant de comprendre ce que Meredith venait de dire. La climatisation ? Il se mit à rire. Ce ne serait pas plutôt moi qui te donne chaud ? Les yeux à nouveau éperdus de désir, il voulut la reprendre dans ses bras.

    Affolée à l’idée qu’il allait recommencer et qu’elle n’aurait peut-être pas la force de lui résister, Meredith se leva immédiatement. On va danser ?


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  • Derek dévisagea Meredith  avec incrédulité. Danser ? Si tu veux. Il fit mine de se mettre debout mais se rassit aussitôt. Je ne crois pas que ça va être possible… pas tout de suite en tout cas.

    Pourquoi ?

    Faisant semblant d’être contrit, Derek se mordilla les lèvres et abaissa lentement les yeux en direction de son entrejambe. Meredith suivit son regard et remarqua que son jean présentait un important renflement au niveau du sexe. Elle devint rouge comme une pivoine et n’osant plus le regarder en face, se rassit à côté de lui. Pas du tout gêné, Derek se renversa en arrière ce qui eut pour effet de mettre sa protubérance encore plus en évidence. Tout ça, c’est de ta faute. Tu me plais trop.

    Je suis désolée, chuchota Meredith, au comble de la honte. Je ne voulais pas… Elle vida le reste de son verre d’un trait. Et qu’est-ce qu’on fait maintenant… je veux dire, pour que… - elle déglutit avec difficulté – ça disparaisse ?

    Derek sourit. Oui, Callie avait vu juste. Meredith était relativement novice dans le domaine de l’amour. Elle avait dû tomber sur des pauvres types qui l’avaient prise en deux minutes et qui ne lui avaient donné aucun plaisir. Avec moi, elle aura au moins ça, pensa-t-il. Elle était touchante, parce qu’il était évident qu’elle éprouvait un réel sentiment de culpabilité, mais il ne fit rien pour la rassurer. Cela allait peut-être lui permettre de prendre l’avantage. Il prit la main de la jeune fille et la déposa sur sa cuisse, non loin de son sexe en érection. Je connais bien un moyen mais, ici… - il grimaça pour exprimer un pseudo embarras - ce n’est pas possible, sinon on va se faire arrêter pour outrage aux bonnes mœurs.

    Meredith baissa les yeux. Tu es vraiment débile ma pauvre fille, se fustigea-t-elle intérieurement. Tu râles parce qu’il se moque toujours de toi mais tu lui donnes de quoi faire. 

    Elle avait l’air si misérable que cette fois, Derek eut pitié d’elle. Il reprit la main qu’elle n’avait pas osé retirer de sa jambe et la posa sur le canapé. Je pense qu’il est plus sage d’attendre que ça passe… en espérant que ça passera, sinon nous serons condamnés à rester ici, ne put-il s’empêcher d’ajouter sur un ton un peu goguenard. Elle acquiesça avec un soulagement certain, sans remarquer qu’en fait l’érection avait déjà disparu. Et si en attendant, tu me parlais de tes petits amis ? suggéra Derek, qui était curieux d’en apprendre plus sur la vie amoureuse de la jeune fille.  

    Mes petits amis ? Meredith rougit une fois de plus. Il n’y a pas grand-chose à raconter, tu sais ?

    Je suis sûr que si, répliqua Derek. Alors, qui sont ces petits veinards ?

    Veinard, c’est peut-être un bien grand mot, marmonna Meredith avant de prendre une grande inspiration. Alors, il y a eu Dave, mais j’avais douze ans et c’était au camp pendant les vacances d’été. On s’est seulement tenu par la main, alors je ne crois pas que ça compte. Derek fit signe que non en souriant. Après, il y a eu Caleb, poursuivit-elle. On était au lycée et on ne s’était jamais vraiment parlé en dehors du club de politique. Mais un jour, il m’a demandé de sortir avec lui et j’ai accepté. Il était plutôt gentil et… j’avais envie d’être avec quelqu’un, comme tout le monde, tu comprends ? Derek opina de la tête avec sérieux. La franchise avec laquelle Meredith se confiait à lui le surprenait et lui plaisait aussi. Le lendemain, je l’ai surpris en train d’embrasser une autre fille, reprit-elle. Alors… Elle fronça le nez. Et puis, il y a eu Billy Bob…

    A son intonation, Derek devina que cette histoire-là était différente des autres. Billy Bob, voilà donc le nom de l’abruti qui n’a pas su éveiller cette merveille à la sensualité, se dit-il. Avec un prénom pareil qui sentait bon l’Amérique profonde amatrice de musique country et de rodéo, ce n’était pas étonnant. Il vivait à Crestwood aussi, ton Billy Bob ? se renseigna-t-il.

    Oui… c’était le meilleur ami de George, précisa Meredith.

    Tu m’en diras tant ! pensa Derek. Dis-moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es. Il reprit à voix haute. Et ?

    Et… à part la musique country et le tuning, il ne s’intéressait à rien, reconnut Meredith. En fait, on n’avait pas grand chose en commun.

    Et ça a duré longtemps, vous deux ? s’enquit Derek, en enroulant une mèche des cheveux de la jeune fille autour de son doigt.

    Meredith hocha la tête. Non, il m’a laissé tomber après deux semaines.

    Quel imbécile, murmura Derek en se rapprochant d’elle pour caresser sa joue du bout des lèvres. Pourquoi il a fait ça ?

    Il a rencontré quelqu’un d’autre, répondit-elle sur le même ton. Quelqu’un qui était prêt à lui donner ce que je ne voulais pas… Elle se tut brusquement.

    Tu veux parler de sexe ? questionna Derek avec douceur.


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  • Le regard bienveillant du chirurgien incita Meredith à en dire plus. Oui. On a juste échangé quelques baisers et encore… ces baisers n’avaient rien à voir avec les tiens…

    C’est sûr que Billy Bob et moi, on ne doit rien avoir en commun, à quelque niveau que ce soit, commenta Derek en son for intérieur. Donc, ça n’a pas marché avec Billy Bob, conclut-il à voix haute. 

    Non, confirma Meredith avec fatalisme. Mais je l’ai bien vécu parce qu’en fait, je n’étais pas amoureuse de lui. Et c’est pour ça que je ne voulais pas coucher avec lui et que je n’aurais jamais pu le faire.

    Ce discours contraria Derek. Il lui faisait réaliser que la vision romantique de Meredith au sujet de l’amour risquait de compromettre son projet. Tu sais, parfois, être bien avec quelqu’un, se sentir en confiance, ça peut suffire, argumenta-t-il. On peut avoir envie d’une personne sans l’aimer, juste pour assouvir un besoin physique. Se faire plaisir… faire plaisir à l’autre…

    Tu parles bien comme un homme ! répliqua Meredith.

    Beaucoup de femmes pensent comme moi, objecta Derek. Et tu ne devrais pas mépriser le plaisir. Imagine, toutes ces personnes qui n’ont pas la chance de rencontrer l’âme sœur… Elles n’auraient pas droit au plaisir, selon toi ?

    Meredith réfléchit quelques secondes. Je ne sais pas, finit-elle par répondre. Mais pour moi, le sexe pour le sexe ? Elle fit une moue pour exprimer son scepticisme. Non, je ne pourrais pas. Ses yeux se mirent à briller. Je suis sûre que faire l’amour avec la personne que l’on aime, ça doit être merveilleux… Et pour moi, ce n’était pas Billy Bob !

    Donc, Billy Bob n’était pas la bonne personne, lança Derek sur un ton qui se voulait guilleret. Alors qui était-ce ? Meredith rougit. Il sourit. Allez, dis-le moi… Je ne le répéterai à personne.

    Gênée, Meredith baissa un peu la tête. Personne…

    Derek eut un petit mouvement de surprise. Comment ça, personne ?

    Ben oui, personne, répéta Meredith.

    N’étant pas certain d’avoir bien compris ce qu’elle venait de dire, Derek fronça les sourcils. Elle ne venait quand même pas de dire qu’elle était… vierge ? Non, ce n’était pas possible. Il avait bien remarqué qu’elle était très naïve et inexpérimentée, mais ça ne pouvait pas être aussi grave que ça. On était en 2008, une fille de vingt ans encore vierge, ça n’existait plus, du moins pas aux Etats-Unis. Il décida d’en avoir le cœur net. Excuse-moi mais… tu veux dire que si tu es seulement sortie avec ton Billy Machin et que tu n’as pas couché avec lui…

    Je n’ai jamais couché avec personne, avoua Meredith dans un souffle.

    Cet aveu fit l’effet d’une douche froide à Derek. Putain, j’avais bien compris, elle est vraiment vierge ! se dit-il.

    Meredith releva vers lui un regard légèrement craintif. Tu dois penser que je suis arriérée.

    Non… non, pas du tout, bafouilla Derek, assommé par l’énormité de la révélation qu’elle venait de lui faire. Je suis surpris, c’est tout… stupéfait même. C’est par conviction religieuse ? lui demanda-t-il, cherchant une explication qui soit plausible. Tu fais partie de ces mouvements qui prônent la virginité jusqu’au mariage ? Tu sais, la bague de pureté et tous ces trucs…

    Oh non, ça n’a rien à voir avec la religion, s’empressa de dire Meredith, de peur qu’il ne la prenne pour une bigote. Et je ne veux pas rester vierge jusqu’au mariage. Je veux seulement… Elle se tut un instant, le temps de trouver les mots les plus appropriés. Je sais que ça peut paraître idiot mais je crois à l’amour avec un grand A, et je crois qu’on n’a qu’un seul grand amour dans sa vie. Et je veux attendre de l’avoir trouvé pour faire l’amour.

    Ah… oui… je comprends, ânonna Derek, qui n’arrivait pas à se remettre du choc. Il fit un signe au serveur de s’approcher avant de se tourner vers Meredith. Tu bois la même chose ? Elle acquiesça d’un petit signe de tête. Un Cendrillon et un double scotch, commanda Derek. Bien tassé, le scotch, Walter. Le serveur se rendit au bar tandis que Derek s’affalait dans la banquette. Merde ! Elle est vierge, était à peu près tout ce qu’il était capable de penser.

    Meredith remarqua qu’il paraissait absent. Derek ? ça va ?

    Il vit qu’elle était inquiète et il voulut la rassurer. Mais oui, bien entendu… Pourquoi ça n’irait pas ? Il lui prit distraitement la main et elle se pelotonna contre lui. Pendant qu’il caressait son bras d’une façon mécanique, son esprit se mit à fonctionner à toute vitesse. Punaise ! Une vierge ! Il en avait connu une alors qu’il était adolescent et ça avait été un fiasco total. Avait-il envie de revivre ça ? Il n’en était pas certain. Nom de Dieu ! Comment est-ce possible que tu n’aies pas compris plus tôt ? Tu peux bien te vanter de connaître les femmes sur le bout des doigts ! T’as l’air malin maintenant.


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  • C’est fou, chuchota Meredith. On ne se connaît pas depuis longtemps mais c’est la première fois que je me sens totalement en confiance avec un homme. Je suis bien avec toi, parce que je sens que tu ne veux pas profiter de moi. J’ai confiance en toi, répéta-t-elle avant de se lover contre le chirurgien en soupirant d’aise.

    Les paroles de Meredith atteignirent Derek de plein fouet. Tout cela allait bien trop loin. Certes, son attirance pour elle n’avait pas disparu, et son désir n’était pas mort, loin de là. Mais avait-il le droit de détruire toutes ses illusions et de l’abîmer ? La phrase de Callie se mit à résonner dans votre esprit. Mais une fois que tu auras joué au grand initiateur, que se passera-t-il, Derek ? Que se passera-t-il après ? Il sut qu’il devait mettre fin à la mascarade. Walter avait à peine déposé leurs verres sur la table que Derek vidait le sien d’un trait. On y va, dit-il d’un ton qui ne souffrait aucune contestation. Je te ramène chez toi. Il se mit debout. Surprise, Meredith reposa le verre auquel elle n’avait pas eu le temps d’y toucher et se leva pour le suivre. Ils n’échangèrent plus un mot jusqu’à la sortie.

    Le silence se prolongea durant le trajet. Alors que la voiture parcourait les rues à toute allure, Meredith jeta de fréquents coups d’œil au chirurgien, en se demandant quelle était la raison de son changement d’attitude. Bien sûr, il était resté poli et même attentionné, lui ouvrant les portes et s’effaçant pour la laisser passer, mais il était évident qu’il évitait de croiser son regard ou d’avoir un contact physique avec elle. Il agissait comme si elle n’était pas là.

    Se rendant compte que son mutisme était pesant, Derek alluma la radio au moment où commençait la diffusion du dernier succès de James Blunt, "Goodbye my lover". Il lui fallut quelques secondes pour réaliser ce que la chanson racontait*. Enervé, il appuya sèchement sur le bouton pour changer de chaine. Le hasard fut plus conciliant puisqu’il les amena sur un bulletin d’informations auquel ils ne prêtèrent attention ni l’un ni l’autre. C’est avec un grand soulagement que Derek tourna dans la Mason Street. Quand il eut garé la voiture devant la maison, Meredith ne bougea pas, regardant droit devant elle, attendant désespérément un geste, un mot de sa part. Il la sentit désarçonnée par son comportement, inquiète, se demandant ce qui s’était passé. Lui, il le savait, tout comme il savait qu’il n’y aurait plus jamais de rendez-vous, de tentative de séduction, de sourires charmeurs ou de conversations ambiguës. Il le savait, elle devait le savoir aussi. Meredith, commença-t-il, les mains crispées sur le volant. Il se tut aussitôt ne sachant comment lui parler sans lui faire de mal.

    Angoissée, Meredith se tourna vers lui, l’estomac noué. J’ai fait quelque chose qu’il ne fallait pas ? demanda-t-elle d’une petite voix.

    Non, non, répondit immédiatement Derek. Non, ce n’est pas toi, c’est moi… C’est seulement moi, je te promets. Il la regarda enfin, avec un petit sourire désolé. Je ne suis pas quelqu’un pour toi… Déjà, mon âge. Tu as vingt ans, moi trente-cinq, je suis trop vieux. Et puis… je suis désabusé, cynique. Je ne crois plus à grand-chose, et surtout pas à l’amour. Il détourna le regard pour ne plus voir les yeux embués de larmes de la jeune fille. Toi, tu mérites un type qui y croit encore.

    Mais tu disais…

    Il lui coupa la parole. Oui, j’ai dit des tas de choses. Toutes n’étaient pas vraies. Le visage de Meredith se décomposa. Elle se planta les ongles dans les mains pour s’empêcher d’éclater en sanglots devant lui. Je ne suis pas un mec bien, Meredith, insista-t-il, mais je sais quand je dois m’arrêter. Et là… je ne peux pas continuer, ce ne serait pas honnête vis-à-vis de toi. Il lui fit un sourire qu’il voulait réconfortant. Un jour, tu rencontreras un gentil garçon, qui te méritera. Je ne suis pas celui-là… Je ne te mérite pas… Maintenant, tu m’en veux, mais un jour tu comprendras et tu m’oublieras. De toute façon, je ne vaux pas la peine que tu te souviennes de moi. Il s’attendait à des cris, à des pleurs, à des supplications mais il n’y eut rien de tout ça. Très digne, sans un mot, Meredith ramassa son sac qui était à ses pieds et mit la main sur la portière. Pour la première fois de sa vie, Derek se dit qu’il aurait préféré faire face à une crise de colère plutôt qu’à ce silence. Je suis désolé, ajouta-t-il encore, dans l’espoir de susciter une réaction. Il ne put supporter le regard qu’elle posa alors sur lui. La tristesse, la douleur, la colère, le mépris, tout y était. Quand elle ouvrit la portière, Derek chercha à la retenir, sans trop savoir pourquoi. Meredith… Meredith, allez… Il posa la main sur son bras. On pourrait rester amis, non ? Elle sortit du véhicule sans lui répondre.

    Derek la regarda disparaître derrière la porte de la grande maison. Il avait un poids sur l’estomac et prit une profonde inspiration dans l’espoir de l’enlever. Peine perdue. Il aperçut son reflet dans le rétroviseur et ne put affronter son regard. En cet instant, il se méprisait. Il avait cassé les rêves d’une gentille fille, uniquement par jeu, un jeu dont il avait l’impression d’être le seul perdant. Il redémarra et traversa la ville comme un fou. Il ne s’arrêta qu’une fois arrivé devant une demeure cossue de Pacific Heights. Il sonna à la porte que Callie vint lui ouvrir en robe de chambre. J’ai besoin de toi, lui dit-il sèchement.

    Callie remarqua qu’il affichait la mine des mauvais jours. Derek… ça ne va pas ? Il entra, en passant devant elle sans rien dire. Derek, dis-moi ce qui se passe ? C’est à cause de Mer…

    Elle n’eut pas le temps de terminer sa phrase qu’il lui jetait un regard presque haineux qui la surprit. Je ne suis pas venu pour parler, Cal. Il mit le pied sur la première marche de l’escalier qui menait à l’étage. Alors, tu viens ou il va falloir que j’aille tirer mon coup ailleurs ?

     

    *Traduction de "Goodbye my lover"


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